Cinéma – Avec amour et acharnement (Claire Denis, 2022)
Au cinéma d’Oron les 10 et 11 septembre

Charlyne Genoud | Avec amour et acharnement brosse le portrait d’une histoire d’amour archétypale ancrée dans le présent, en floutant le passé qui l’a rendue possible. Un dérapage amoureux à voir au cinéma d’Oron.
Un revenant à l’écran
Sarah (Juliette Binoche) et Jean (Vincent Lindon) vivent une histoire d’amour plutôt idéale: ils se regardent, s’aiment, discutent, jouent et rigolent. Leur joyeux quotidien est enserré dans un petit appartement parisien qui vaut de décor principal du film. Assez rapidement, on saisit cependant que le passé de cette histoire est quelque peu plus compliqué que ce qu’il n’y parait. Le nom de François (Grégoire Colin) est évoqué : il est l’ex-compagnon de l’une et l’ancien collègue de l’autre. Ce fantôme du passé, qui a vraisemblablement permis au couple de se rencontrer, resurgit petit à petit dans leur quotidien sans dire un mot à l’écran, à l’image de son statut de revenant.
Passé délaissé
Du décor de cette histoire, quelques points de repère flous. Le passé de Sarah et Jean est évoqué, en des bribes qui laissent au public le droit d’imaginer et le devoir de compléter. Cette économie de la narration passée sert ainsi une histoire racontant un propos dense conjugué uniquement au présent. Le film couvre en effet une courte période, charnière pour la vie de Sarah et Jean. Le flou maintenu sur le passé est ainsi assez vite assimilé par le public comme une volonté du film, qui observe de près un présent en transition. Ce que le film ne donne pas, c’est ainsi une chronologie claire du passé sur laquelle s’expliquer ce qui advient. Ce que cela permet, c’est de se plonger dans les émotions chaotiques de Sarah, qui redécouvre sa passion pour un ancien amour. Parce que les choses ne s’expliquent pas causalement et linéairement, elles sont rendues dans leur aspect pulsionnel et incontrôlé. On la voit ainsi sombrer dans un double jeu insupportable et violent, et dans une manipulation de cet homme avec qui elle partageait jusqu’alors un amour qui semblait idéal.
Cadrer le dérapage
La dilution du passé permet ainsi de se fondre dans le présent jusqu’à ne plus chercher de raison à l’irrationnel : on observe ainsi simplement les déboires d’une situation chaotique. Pour mener à ce nœud, le présent doit être posé. La première partie du film ancre ainsi lentement ces personnages dans leurs quotidiens. En parallèle sont-ils ainsi montrés dans les soubresauts de leur quotidien, en des plans plutôt classiques. La situation dérape ainsi gentiment vers le carnage, qui quant à lui sera deviné au travers de plans serrés laissant entrevoir la vérité, des plans aussi rapides et puissants que les émotions débridées qu’ils représentent.

