C’est à lire – Spécial Tour de Romandie
Pascal Richard, l’insoumis du peloton – Bertrand Duboux / Editions Attinger
Monique Misiego | Tout le monde connait Bertrand Duboux, journaliste sportif pendant 30 ans auprès de la TSR. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il est très ami avec Pascal Richard. C’est un peu ce qui m’a posé problème quand on m’a demandé de chroniquer cet ouvrage. On pourrait penser qu’il y a anguille sous roche, que mission a été donnée à Bertrand Duboux de redorer un peu l’image de Pascal Richard…
Si on dit que l’amour est aveugle, l’amitié nous laisse raison garder et rester objectifs par rapport aux qualités et défauts de nos amis. En tout cas, c’est ce qu’il me semble dans la vie de tous les jours. Dans cet ouvrage, on ne peut pas dire que Bertrand Duboux ait été complaisant. Il rapporte des faits, nous donne ses impressions quelquefois, mais se permet aussi quelques remarques ou quelques critiques même quant à certaines réactions de Pascal Richard. C’est ce qui m’a plu d’emblée dans ce livre. Outre son palmarès sportif et son parcours, largement commentés par le spécialiste qu’est Bertrand Duboux, ce qui a éveillé mon intérêt, c’est le rapport qu’a eu Pascal Richard avec son public qui ne lui a pas toujours rendu la pareille. Alors certes, Pascal Richard avait le goût de l’effort, de la réussite, et des succès, il allait d’abord les chercher pour lui-même. C’est ce que recherche un sportif. Mais le public suisse n’a pas toujours été au rendez-vous. Et c’est dommage. Pascal Richard agaçait, parce qu’il aimait paraître, il avait une certaine classe, un physique pas désagréable du tout, je dirais même « une belle gueule ». Il aimait s’habiller avec goût, il aimait les belles bagnoles, il flambait, et ça, en Suisse, on n’aime pas. On doit avoir la réussite modeste. Autant aux Etats-Unis, on peut montrer qu’on a de l’argent, on peut sans problème parler des montants astronomiques que l’on gagne, exhiber le prix de sa maison, autant en Suisse, il faut rester discret. Sinon, on commence à vous envier, à vous critiquer et à vous laisser de côté. Alors certes, il n’a pas toujours fait les bons choix, comme de tomber amoureux après son divorce d’une aventurière qui fera le vide autour de lui. Comme de s’entourer d’un manager qui ne négociera pas les bons contrats pour lui, comme de signer dans les mauvaises équipes, avec de faux contrats parfois sans qu’il ne le sache forcément. Mais bon Dieu, il a quand-même été champion olympique à Atlanta en 1996. Quel autre cycliste peut se vanter d’une pareille performance ? Cela aurait dû lui ouvrir des portes après l’arrêt de sa carrière de coureur. C’est sans compter sur sa mauvaise réputation, son statut de rebelle qui lui fermera bien des portes. Quelque temps auparavant, il avait remporté la course Liège-Bastogne-Liège. A son retour à l’aéroport de Genève, pas un pékin pour le féliciter, pas de public, rien. C’est quand-même dur à avaler. On lui a fait payer cher son « arrogance ». Pascal Richard avait le défaut de dire ce qu’il pensait et de se battre pour ce qu’il pensait juste, ça n’était pas très apprécié et ça lui a porté préjudice à plusieurs reprises. Il a subi de nombreuses injustices, comme sa non-qualification aux Jeux olympiques de Sidney en 2000. Non qualification qui va l’atteindre au plus profond de lui-même. Cette descente aux enfers va être accélérée par son divorce qui intervient à la même période. Ça fait beaucoup pour un seul homme. Il va monter une boutique de prêt-à-porter, s’entourer des mauvaises personnes, perdre beaucoup d’argent. Il n’a jamais été éclaboussé par des affaires de dopage. Il a simplement précisé qu’il n’y avait pas que des produits illicites utilisés avant les contrôles anti-dopage. Il parlait du fait d’injecter du sérum physiologique au coureur pour faire baisser son taux d’hématocrite avant un contrôle, ce qui se faisait assez couramment. A la place de reconnaître son honnêteté, des soupçons ont pesé sur lui. Toujours le mauvais rôle. Certes, il dépassait parfois les bornes, il dépensait peut-être l’argent avant de l’avoir gagné comme disent certains de ses amis, mais mal entourés, ne ferions-nous pas les mêmes erreurs ? Hors compétition, il a aussi énormément œuvré avec ProVélo et Florence Germond, actuellement municipale à Lausanne pour augmenter les pistes cyclables, vous savez, celles qu’on déteste en tant qu’automobilistes mais qui protègent tout de même nos enfants sur les routes. Il a énormément de chance d’avoir un ami comme Bertrand Duboux qui, sans complaisance, remet l’église au milieu du village, mais qui sait aussi reconnaître ses qualités certaines. Aujourd’hui, Pascal Richard est serein. Il a monté une agence immobilière, est devenu grand-père, a gagné en sagesse. Ne serait-il pas venu le moment de l’indulgence, le moment de reconnaître ses nombreux succès sportifs ?
Dédicace à la Librairie du Midi – Oron-la-Ville le 27 avril, de 17h à 19h – Pascal Richard et Bertrand Duboux seront présents
Interview
Pascal Richard, premier médaillé olympique présent le jour du prologue
Propos recueillis par Thomas Cramatte | A l’occasion de la sortie du livre « Pascal Richard, l’insoumis » (voir ci-contre) et l’ouverture du Tour de Romandie à Oron, l’ancien champion des jeux d’Atlanta sera présent de 17h à 19h pour une séance de dédicace. Organisée par la Librairie du Midi à la route de Palézieux 5, à Oron-la-Villle, il sera alors possible de discuter avec cet emblème du cyclisme international.
Que pensez-vous des courses de cyclisme sans public ?
Malheureusement, c’est la situation sanitaire qui veut ça. Mais cela ne fait aucun doute que le public manque au sport professionnel, qu’il s’agisse de cyclisme ou de tout autre sport. Si les athlètes peuvent néanmoins participer aux compétitions, l’économie du sport souffre énormément du manque de public et de liens sociaux.
« Pascal Richard, l’insoumis », que pensez-vous de ce titre de Bertrand Duboux ?
Il faut bien avouer que deux ou trois anecdotes sont interprétées de manières excessives dans les écrits du journaliste sportif. Il ne faut pas oublier que derrière chaque athlète professionnel, il y a des sponsors qui imposent leurs règles. Mais dans l’ensemble, ce livre reflète assez bien ma carrière de cycliste professionnel. C’est vrai que j’ai toujours dit ce que je pensais, donc finalement le livre porte assez bien son nom.
Comment se reconvertir après une carrière sportive comme la vôtre ?
Même si nous gardons la santé et que nous avons toujours du plaisir à pédaler, tout sportif vieillit. Les résultats sont moins au rendez-vous et les sponsors vous quittent progressivement. Il est donc important de regarder vers l’avenir. Aujourd’hui, grâce à mon apprentissage de dessinateur en bâtiment, j’ai pu me reconvertir et faire carrière dans la construction. Mais le vélo ne m’a pas quitté pour autant, car je pratique encore le cyclisme quatre fois par semaine.