Savigny – Le collectionneur de vies
Municipal sortant, Louis Pipoz se retire
Thomas Cramatte | Conseiller municipal en charge des finances de la commune de Savigny, Louis Pipoz ne prolonge pas son engagement au sein de l’exécutif. Connu pour sa grande motivation et son parcours de vie très varié, cet homme de 62 ans serait pourtant reparti pour une troisième législature, si sa vie n’avait pas basculé voilà une année jour pour jour.
Fier de ses racines
« Je vois ma maison depuis le Moléson. Et le Moléson depuis ma maison », commente l’ancien employé de commerce avec humour. Une condition sine qua non lors de l’achat de sa propriété car, c’est bien connu, les Gruyériens sont très attachés à leur patrie. Pourtant, malgré son amour pour ses terres d’origine, la curiosité de Louis Pipoz l’amène largement hors des frontières du Val de Charmey. Né le 7 mai 1958 à l’hôpital de Billens (Romont), sa première vie débute dans le village de Fuyens en raison de l’exploitation agricole de ses parents. Quelques années plus tard, la famille Pipoz décide de prendre de la hauteur en emménageant à la montagne. « Notre famille a été engagée en qualité de fermier à la ferme du Revers à Rossinière. Il n’y avait pas d’électricité avant la construction du barrage en 1968. » Malgré les rudiments et le recul de son lieu d’habitation, l’ancien municipal avoue n’avoir jamais manqué de rien : « Nous allions à l’école à pied avec ma sœur et mes deux frères ». Venu le temps de chercher un métier, Louis Pipoz s’intéresse au monde administratif. « Le pays d’En-Haut était une région où la plupart des jeunes travaillaient dans le monde agricole ou de la construction. Je n’avais pas envie de cela », réagit l’habitant de Savigny. Mais grâce à son audace et sa motivation, il dégotte un apprentissage à la poste de Château-d’Œx. Après avoir distribué le courrier durant deux ans dans toute cette région de montagne, le voilà muté par son employeur au service de chèques à Lausanne afin de conclure sa formation. « J’avais rapidement fait le tour et ne m’imaginais pas être facteur toute ma vie. » L’engouement pour la nouveauté amène ainsi Louis Pipoz à effectuer une reconversion professionnelle et à débuter, en quelque sorte, une nouvelle vie : « J’aimais trop les gens pour continuer à distribuer des lettres », se remémore ce père de quatre enfants. Alors, à l’âge de 25 ans, il débute une formation au Crédit Suisse à Lausanne afin d’obtenir le certificat de capacités fédérales d’employé de commerce. « Mes parents n’avaient pas la possibilité de me payer des études, je n’avais pas le choix que de travailler la journée et de réviser le soir ».
Parcours militaire et
professionnel bien rempli
« Sachant un peu skier en venant du Pays d’En Haut, j’ai effectué mon école de recrue à Savatan dans l’infanterie de montagne ». Un premier contact avec le monde militaire qui se poursuivra le 3 janvier 1979 par son incorporation à l’école de sous-officier. « Le 20 novembre de la même année, j’avais payé mes galons de sergent-major », précise Louis Pipoz. « Mais comme je suis trop grand, il fallait me sortir du rang », souligne ce dernier. C’est la raison pour laquelle il sera affecté comme adjudant de bataillon et porte-drapeau au sein de l’infanterie. « J’aime les contacts et le changement », poursuit le Savignolan. Une facilité à créer des liens et une ouverture d’esprit qui l’ont amené dans plusieurs univers. « Après une phase au Crédit Suisse et dix ans à la Zurich Assurance de Lausanne, je voulais travailler dans une plus petite structure. » Ainsi, les fondateurs d’une entreprise active dans l’immobilier engagent Louis Pipoz au poste de responsable des ventes de leur succursale d’Oron-la-Ville. « Après environ trois ans à vendre des maisons pour la société Prologis, j’avais besoin d’une nouvelle bouffée d’oxygène. » A cinquante ans, Louis Pipoz est alors engagé au sein de l’UBS à Montreux. Après la crise des subprimes, il rejoint la société Berger Van Berchem à Lausanne en 2011.
Savigny
« Lorsque nous avons décidé de vivre sous le même toit avec ma première épouse, nous avions qu’une envie, c’était de trouver un appartement sur le chemin du Pays d’En Haut. » Louis Pipoz, décide alors de trouver un lieu d’habition proche de son employeur et sur le chemin de sa région d’enfance. « C’est comme cela que je suis arrivé à Savigny. » Mais avec la naissance de leur première enfant en 1987, la famille Pipoz s’intègre toujours plus avec les habitants du quartier d’Eden-Roc. Toujours armé pour sa curiosité et sa motivation, Louis Pipoz devient président de la commission scolaire. « On peut faire de la politique au café du coin, mais au bout d’un moment, il faut donner de sa personne. » Cette initiation avec le monde de l’exécutif amène Louis Pipoz à s’engager au sein du Conseil communal de Savigny. « Avec mon passé financier, j’ai logiquement rejoint la commission des finances (CoFin). » Lors de sa deuxième législature, Louis Pipoz en devient le président. En 2014, en cours de législature, la Municipalité recherche un nouveau conseiller. Le gérant de fortune est alors élu lors d’une élection complémentaire : « Je me suis représenté l’année suivante afin de participer entièrement à
une législature ».
Tout s’arrête
Amoureux des belles mécaniques à deux roues, Louis Pipoz apprécie voyager au volant de sa moto. Lors d’une virée en Harley Davidson avec Léon, son fils de 8 ans, le municipal subit un grave accident : « Le 18 mars 2020, toute ma vie s’est arrêtée en une fraction de seconde. Mais je remercie le seigneur tous les jours pour avoir protégé mon fils ». Si Léon s’en sort heureusement avec quelques égratignures, le pronostic vital du pilote est engagé. Cette collision avec un tracteur à la hauteur des Tavernes aura provoqué 13 fractures, deux jours dans le coma et aura nécessité un séjour de cinq mois à la clinique romande de réadaptation à Sion. Aujourd’hui, muni de plaques de titane et autres vis pour soutenir son ossature, Louis Pipoz peut se mouvoir à l’aide de béquilles. Pour cet homme qui a connu de nombreuses vies professionnelles, militaires et politiques, cette étape n’est pas chose simple mais, fort de son parcours, il garde le sourire. Toujours dans l’incapacité de travailler et de rejoindre la Municipalité, il tient par ailleurs à exprimer sa reconnaissance : « Je remercie vivement mes collègues de la Municipalité d’avoir assuré mes dicastères suite à mon accident. »