Opinion
Pas de commerce au détriment de la population et de l’environnement

Anne Baehler Bech, Députée, Les Vert.e.s | Le 7 mars prochain, nous sommes appelés à nous prononcer sur l’accord de partenariat économique entre les états de l’AELE et l’Indonésie, soit sur un accord de libre-échange avec l’Indonésie suite au référendum déposé « Stop à l’huile de palme ». Le-dit accord concerne en partie les produits agricoles et donc l’huile de palme dont l’Indonésie est un des principaux pays producteurs. Il prévoit notamment de supprimer largement les droits de douane, et comprend quelques dispositions générales pour un développement durable. Alors me direz-vous tout est bien dans le meilleur des mondes. Je crains que non car les apparences sont trompeuses et ce qui peut apparaître comme positif sur le papier l’est nettement moins dans la réalité. Voici pourquoi. Un accord de libre-échange ayant pour but d’accroitre les importations et exportations entre pays signataires, la quantité d’huile de palme qui entrera en Suisse en cas d’acceptation de l’accord risque fort d’être exponentielle. Il faut savoir aussi que la demande en huiles oléagineuses est en augmentation. L’importation de l’huile de palme créera une distorsion de la concurrence avec l’huile indigène produite par nos producteurs/trices de colza. Ce qui serait tout particulièrement dommageable pour notre canton puisque Vaud est le premier producteur de colza du pays. A noter qu’il serait possible d’augmenter la production d’huile de colza locale si les prix au kilo de colza n’avaient pas déjà autant baissé passant en 30 ans de CHF 2.20 à 0.76 centimes en raison des marges prises par les distributeurs et de la concurrence accrue. Doper les importations d’huile de palme en Suisse ne profitera ainsi ni à l’agriculture locale qui souffre déjà de concurrence déloyale ni à l’environnement ni bien sûr à la population suisse qui souhaite consommer des produits durables. Car vous le savez, la culture de l’huile palme est un désastre écologique. Elle détruit des zones de forêts tropicales et menace de disparition de nombreuses espèces animales et végétales. Comme monoculture, elle accentue de plus le réchauffement climatique, ces forêts fonctionnant comme puits de carbone. Sans compter les dommages aggravés en terme de conditions de travail en Indonésie même où les droits des petits paysans et des travailleurs sont bafoués et soumis à une sous-enchère socio-économique. Il faut aussi dire haut et fort le fait que les dispositions générales sur la durabilité de cet accord, fortement mises en avant par ses promoteurs pour justifier la signature de cet accord de libre-échange, ne sont malheureusement que des leurres et des mots creux puisqu’elles ne comportent aucune règle contraignante, qu’aucun mécanisme indépendant de contrôle n’est prévu et que les violations de l’accord ne sont pas sanctionnées. De plus, le label RSPO, prévu pour garantir la durabilité de l’huile importée, est très critiqué car ses certifications sont considérées comme insuffisantes pour permettre un développement durable. Enfin, il semble évident que des accords de libre-échange, ne garantissant pas une économie durable, doivent clairement appartenir au passé et ne plus être conclus. D’autres accords de libre-échange comme celui par exemple avec le Mercosur (regroupements d’Etats sud-américains) sont à venir. Il est donc stratégiquement important de ne pas relâcher la pression en faveur d’accords commerciaux équitables et durables en refusant maintenant l’accord avec l’Indonésie. Pour éviter toute conclusion d’accord commercial au dépens de la population d’ici et d’ailleurs et de l’environnement et pour renforcer le commerce équitable, je vous invite à glisser dans les urnes un NON à cet accord le 7 mars prochain.