La petite histoire des mots
Obscurantisme
Georges Pop | Au lendemain des attentats islamistes qui ont frappé la France, celui de Nice notamment, de nombreuses voix se sont fait entendre pour dire qu’il ne fallait en aucun cas céder face à l’obscurantisme. Dans un entretien à un grand quotidien français, le journaliste, écrivain, philosophe et diplomate tunisien, Mezri Haddad, a estimé que l’islam obscurantiste avait complètement étouffé un hypothétique islam des lumières dans le monde musulman. Selon lui, l’islamisme qui sacralise le Coran et interdit toute critique du prophète a prospéré à la faveur du manque de courage des partisans d’une réforme en profondeur de l’islam. Le mot « obscurantisme » désigne, de manière péjorative, une idéologie, une attitude ou une opinion immodérément réactionnaire, voire rétrograde, hostile à la raison, à l’instruction et à la culture. L’obscurantisme est, par définition, hostile à la diffusion des nouvelles connaissance scientifiques. Il entend imposer une théorie ou une morale universelle et s’oppose, parfois par la violence, aux libertés individuelles, celles notamment d’exprimer des opinions ou des idées qu’il combat. En histoire, sous nos latitudes, l’obscurantisme est souvent associé au Moyen-Âge, aux temps de l’inquisition et de ses bûchers ou encore au régime nazi, coupable d’autodafés de livres dont les auteurs étaient juifs ou communistes. La lutte contre l’obscurantisme fut initié par les penseurs et les philosophes de la période des Lumières, au XVIIIe siècle. Un siècle plus tard, ce terme fut utilisé pour dénoncer les idées des adversaires de l’esprit des Lumières qui s’opposaient, notamment, à l’instruction du peuple. « Obscurantisme » est un dérivé du latin « obscurus » qui veut dire obscur, sombre, ténébreux ou noir. Dans de nombreuses civilisations, la nôtre notamment, le noir symbolise la peur, la solitude, la mort ainsi que la noirceur de l’âme. De nos jours, les théories dites « obscurantistes » connaissent un certain regain. Elles sont propagées, notamment sur internet et les réseaux sociaux, par des groupes conspirationnistes qui contestent la science et le savoir au profit d’une vision alternative de la réalité ; l’affirmation, par exemple, que la Terre est plate, ou l’allégation que le monde est gouverné par une élite secrète totalitaire et malveillante. La théorie du complot attribue généralement une cause unique à des faits avérés. Elle se distingue de la démarche historique, qui invoque, elle, une multi-causalité. L’islamisme est, quant à lui, associé à l’obscurantisme religieux qui, jadis, n’a pas épargné l’Occident. Il suffit de songer à Galilée, condamné par l’Eglise pour avoir défendu l’héliocentrisme du système solaire. Dans certains cas, l’obscurantisme religieux peut mener au fanatisme. Et pour cause! Le mot « fanatisme » est issu de latin « fanum », qui signifie « temple ». Il désigne donc, originellement, une conduite religieuse, mais tellement intolérante qu’elle peut pousser à la violence et au meurtre. Le dramaturge québécois Jean Barbeau a écrit : « Le fanatisme est l’apanage des ignorants ». Or, obscurantisme et ignorance forment un couple inséparable.