La petite histoire des mots
Hygiène
Georges Pop | Devant la propagation du coronavirus, le Conseil fédéral et les autorités sanitaires nous invitent instamment à nous protéger en nous conformant à certaines règles d’hygiène, notamment en se lavant soigneusement et régulièrement les mains avec du savon ou de la solution hydroalcoolique. Selon le dictionnaire, le mot «hygiène», définit l’ensemble des principes et des pratiques tendant à préserver et à améliorer la santé. Il est plaisant de noter que le mot a une origine divine: «hygiène», dérive en effet du nom de la déesse grecque de la santé et de la propreté qui portait le nom d’Hygie. Son nom, en grec ancien et aussi moderne, est d’ailleurs intimement lié au qualificatif «hugieinós» (ὑγιεινός) qui peut être traduit par «bon pour la santé». Quant au mot «Hugeía» (Ὑγεία), toujours en grec, il signifie tout simplement «santé». Comme en français, il est d’usage de le prononcer, de nos jours en Grèce, lorsque on trinque entre amis, la formule en usage étant en phonétique «stin ygia mas», ce qui veut dire «à notre santé». Dans la mythologie hellénique, Hygie était la fille d’Asclépios, le dieu de la médecine, et de la nymphe Epione qui avait le pouvoir de soulager les maux les plus divers. Hygie avait neuf sœurs, toutes versées peu ou prou dans la médecine. Les deux plus notables étaient Laso, dont le nom signifie «la guérison», et qui personnifiait la maladie, et Panacée, la «secourable», qui guérissait les malades par les plantes. Les anciens honoraient Hygie comme une déesse puissante, chargée de veiller sur la santé des êtres vivants, non seulement les humains mais aussi les animaux. L’histoire de l’hygiène nous apprend que, par exemple, les Egyptiens, les Grecs et les Romains avaient l’habitude de se laver et de se parfumer. Certains pensent que l’hygiène était désastreuse au Moyen-âge. Ce n’est pas tout à fait exact ! C’est surtout à la Renaissance qu’elle est négligée, l’eau étant accusée à cette époque de transmettre des maladies en s’infiltrant sous la peau. Il faudra attendre le XIXe siècle pour que l’hygiène soit réhabilitée grâce à Louis Pasteur qui découvrit que des micro-organismes étaient à l’origine de maladies, mais grâce aussi au médecin obstétricien hongrois, Ignace Semmelweis qui constata que les femmes dont l‘accouchement était pratiqué par des médecins aux mains sales succombaient à des infections, contrairement à celles qui accouchaient chez elles. On ignore à quel moment précis le mot fut adopté par la langue française. Mais il est avéré dès 1575 sous la forme «Hygiaine» dans l’ouvrage «Introduction à la chirurgie» du chirurgien Ambroise Paré. Le mot prend aujourd’hui des sens divers, selon qu’il soit question d’«hygiène de vie», d’«hygiène mentale», d’«hygiène alimentaire», ou d’«hygiène des bâtiments». En France, il existe même un Conseil supérieur d’hygiène publique. Pour terminer sur une note souriante en ces temps difficiles d’épidémie, voici un bref extrait du livre «Mots et Grumots» de l’humoriste français Marc Escayrol : «Le peigne est un objet qui ne se prête pas, pour des raisons élémentaires d’hygiène. Si vous êtes dans l’obligation d’utiliser le peigne d’un inconnu, il faut absolument le lécher avant de l’utiliser.»