Votations fédérales – Les enjeux du 13 février
Le tabac atteint du cancer de sa publicité ?
Le tabac, c’est tabou, on en viendra tous à bout !

L’initiative populaire a pour but d’interdire toute publicité pour le tabac aux endroits où des enfants et des mineurs peuvent la voir. En cas de oui, c’est la mort des images de cigarettes dans la presse, dans les espaces publics, sur internet, aux cinémas, dans les kiosques ou dans d’autres manifestations. Objectif : préserver la santé des jeunes. Fini le symbole de liberté grâce à une sèche sur son cheval en plein Far-West. Si l’époque où la publicité pour le tabac était omniprésente est révolue depuis longtemps, l’initiative soumise au peuple veut empêcher toute image de produits issus du tabac pouvant atteindre les mineurs. Un texte largement soutenu par les milieux de la santé ainsi que par la gauche. Mais pour les partis bourgeois et le Parlement, l’initiative va trop loin. Interviews.
Interviews. Propos recueillis par Thomas Cramatte

Markus Meury
Porte-parole Addiction suisse
Si la publicité sur le tabac n’est pas interdite en Suisse, les opposants avancent qu’elle est suffisamment discrète pour ne pas influencer les mineurs, qu’en pensez-vous ?
Aujourd’hui la publicité pour le tabac est beaucoup plus ciblée qu’il y a 50 ans. Elle se trouve là où sont les jeunes. C’est pour cela que les adultes ne la voient presque plus. Mais, elle est là pour les jeunes et a son effet. Les cigarettiers ne dépensent pas leur argent pour rien. Ils doivent remplacer leurs clients qui meurent du tabac avec des nouveaux clients. Et comme ils savent qu’après l’âge de 21 ans presque plus personne ne commence à fumer, ils doivent cibler la jeunesse.
Beaucoup de citoyens s’interrogent sur votre affiche impliquant un jeune admirant sa cigarette, pourquoi avoir opté pour ce message qui peut paraître contradictoire ?
Notre principale revendication est que les jeunes grandissent sans tabac. C’est ce sur quoi nous voulons attirer l’attention. Et c’est donc pour cette raison que cette image doit rester ancrée dans les esprits. Le visuel doit bouleverser et susciter des émotions. Nous souhaitons et espérons vivement que nous ne verrons plus de tels sujets à l’avenir. Ce sujet existait déjà, nous n’avons pas refait de séance photo pour cette campagne.
D’après plusieurs études, l’âge moyen de la première cigarette est 13-15 ans, est-ce que d’interdire la publicité sur le tabac protège réellement les mineurs contre l’addiction au tabac ?
La recherche est extrêmement claire là-dessus : il y a une immense littérature scientifique, et dans sa quasi-totalité, elle arrive à la même conclusion : la publicité pour le tabac cible les jeunes, et sans la publicité il y a moins de jeunes qui commencent à fumer. Les cas de la Grande-Bretagne, de l’Australie et d’autres pays ont été examinés de près et démontrent aussi que l’attractivité de la cigarette a fortement diminué parmi les jeunes après l’interdiction de la pub.
La sensibilisation des mineurs sur les méfaits du tabac ne serait-elle pas plus efficace que d’interdire sa publicité ?
L’amalgame des arguments ne se tient pas et ne sert qu’à faire peur : nous ne nous préoccupons ici que de la publicité pour le tabac qui atteint les mineurs. Et bien que la plupart des pays européens interdisent depuis longtemps la publicité pour le tabac, aucune interdiction de publicité dans d’autres domaines ne s’y est ajoutée à cause de cela. Le « précédent » n’a donc pas lieu d’être. L’industrie du tabac n’est que très peu créatrice d’emplois. Les études internationales montrent clairement qu’une restriction publicitaire permet même de créer des emplois sur le long terme, car la consommation a migré vers de nouveaux domaines, p. ex. dans l’industrie des loisirs. La sensibilisation des mineurs se fait déjà depuis longtemps. Mais une étude romande a montré que sur leurs chemins quotidiens les jeunes rencontrent six fois autant de pub pour le tabac que de messages de prévention. C’est là qu’il faut équilibrer en interdisant la pub atteignant les mineurs !

Patrick Eperon
Délégué à la communication – Centre Patronal – Paudex
Quels sont les principaux risques économiques si ce texte est accepté ?
La branche communication et média est confrontée à un risque important en cas d’acceptation. A tel point que ses acteurs se sont mobilisés fin janvier pour exprimer leur volonté de rejeter cette initiative. Si les acteurs de l’industrie du tabac seront bien sûr touchés par ce texte, d’autres secteurs comme le commerce de détail seront impactés. Les kiosques risquent par exemple de connaître d’importantes pertes. Les manifestations culturelles ne sont pas en reste, car certains organisateurs de festivals seraient dans l’obligation d’augmenter le prix de leurs billets si les contributions liées aux sponsorings du tabac venaient à s’effondrer.
Pour les milieux économiques, cette initiative engendrerait une succession d’interdictions pour la promotion d’autres produits de dépendance, est-ce vrai ?
Il s’agit de l’effet indirect de cette initiative. Car elle modifierait la Constitution fédérale de telle sorte que d’autres interdictions de publicités pour d’autres produits comme la viande et le vin seraient possibles au nom de la promotion de la santé. S’il est bien sûr essentiel de protéger les mineurs contre les effets néfastes du tabagisme, l’initiative va trop loin. En autorisant la publicité ciblant les adultes, la loi/contre-projet à cette initiative est plus équilibrée.
Qui dit moins de promotion dit moins de ventes, donc moins d’impôts issus du tabac. Comment ce manque à gagner sera-t-il compensé ?
En 2020, l’impôt perçu sur le tabac avait atteint 2.1 milliards de francs en faveur de l’AVS / AI, soit près de 5 % de l’ensemble des recettes de l’Assurance vieillesse. Aujourd’hui, on observe d’importantes difficultés pour équilibrer le financement de ce pilier de notre prévoyance vieillesse. On ne peut donc pas négliger ces entrées d’argent. Il est difficile de se prononcer sur des alternatives pour compenser ce manque à gagner, mais il est certain que l’impôt sur le tabac demeurera et que la consommation de tabac ne tombera pas à zéro.
D’après plusieurs études, l’âge moyen de la première cigarette est 13-15 ans, est-ce qu’interdire la publicité du tabac protège réellement les mineurs de ses effets néfastes ?
Notre voisin français a interdit la publicité du tabac depuis 1991. Aujourd’hui, la France compte davantage de fumeurs en proportion que la Suisse. Il est probable que le nombre de consommateurs mineurs de tabac continuerait à diminuer en cas d’acceptation de cette initiative, mais je suis convaincu que ce sera aussi le cas avec la loi/contre-projet adoptée par le Parlement, qui prend en compte l’objectif des initiants, à savoir préserver les mineurs des dangers du tabac. A l’inverse, l’initiative restreint des libertés d’adultes, respectivement des libertés économiques fondamentales.
250 millions de moins dans les caisses de la Confédération ?
Référendum – Droit de timbre
C’est le manque à gagner qu’engendrerait la suppression du droit de timbre d’émission. Un objet soumis aux votations le 13 février prochain.
Pour la gauche, il s’agit d’un cadeau fiscal réservé aux grandes entreprises, pour la droite, cette abolition récompenserait l’esprit d’entreprise.
Prélevé depuis la Première Guerre mondiale : « Les droits de timbre fédéraux sont des impôts frappant les transactions juridiques et la circulation de capitaux déterminés », mentionne l’Union des autorités fiscales suisses. Si cela peut paraître obsolète aujourd’hui, leurs objectifs à l’époque étaient de trouver de nouvelles sources financières au moyen d’une imposition indirecte. Tamponné pour certifier son authenticité, c’est cette action qui est à l’origine de son nom. Traversant les âges, la loi sur les droits de timbre de 1917 a été totalement révisée et remplacée en 1973. Toujours en vigueur aujourd’hui, les droits de timbres fédéraux ont rapporté environ 2.1 milliards de francs en 2018, représentant ainsi 3.17 % des recettes fiscales de la Confédération. En tout, il existe trois types de droits de timbre, mais pour l’heure, un seul d’entre eux est en péril le 13 février : le droit de timbre d’émission sur capital propre. Derrière ce jargon, il s’agit plus simplement de supprimer une taxe de 1 % perçue lorsqu’une entreprise ou une coopération lève des fonds propres de plus d’un million de francs. Le manque à gagner d’environ 250 millions de francs devra être compensé par une hausse des impôts des particuliers ou par une diminution des prestations de l’Etat.
Interviews. Propos recueillis par Thomas Cramatte

Vincent Arlettaz
Vice-président PLR Lavaux-Oron – Conseiller communal Lutry
Certains référendaires avancent que les capitaux ne sont pas imposés pour les grandes entreprises, n’est-il donc pas correct de maintenir une taxe d’émission ?
C’est faux, les revenus du capital sont imposés dans notre pays. Les entreprises paient notamment un impôt sur le bénéfice. Celui-ci a même été récemment révisé à la hausse pour certaines sociétés, dans le cadre de la réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA). Imposer le bénéfice a un sens : cela tient compte de la rentabilité de l’entreprise concernée. On applique donc de manière juste le principe de l’imposition selon la capacité contributive : « qui a davantage de moyens peut payer davantage ». C’est l’impôt le plus répandu au niveau international. A l’inverse, le droit de timbre d’émission est injuste, puisqu’il touche les sociétés qui se développent ou qui se refinancent, indépendamment de leur santé financière. C’est aussi ce qui explique que la quasi-totalité des pays d’Europe ne le connaissent plus aujourd’hui. D’ailleurs, s’il n’existait pas en Suisse, il ne viendrait à personne l’idée de l’inventer, tant il est archaïque. C’est bien la preuve qu’il doit disparaître !
D’après le site internet de votre parti, supprimer le droit d’émission récompense l’esprit d’entreprise, pourquoi ?
Le droit de timbre d’émission touche une entreprise lorsqu’elle augmente son capital. En d’autres termes, si vous avez une idée pour lancer ou développer votre entreprise et que vous trouvez des investisseurs pour vous financer, l’Etat impose ce capital avant même que vous n’ayez fait quoi que ce soit, et bien avant que vous n’ayez gagné votre premier franc de bénéfice. C’est absurde : cela décourage l’esprit d’entreprise ! Abolir le droit de timbre d’émission, c’est justement dire aux entrepreneurs de notre pays que leurs efforts ne seront pas pénalisés avant même d’avoir commencé. Et une fois que ces efforts seront couronnés de succès, ils contribueront largement à notre société en créant des emplois et en s’acquittant de l’impôt sur le bénéfice. Nous en serons tous gagnants.
Le manque à gagner de 250 millions annuels devra être compensé par les citoyens ou par une diminution des prestations de l’Etat, n’est-il donc pas absurde de supprimer ce droit de timbre ?
La crainte du manque à gagner de 250 millions est attisée par la gauche, mais il faut la remettre en perspective : le budget de la Confédération, hors Covid, représente plus de 73 milliards de francs de dépenses annuelles. Et pour les financer, les revenus de la Confédération augmentent, eux aussi, de plus d’un milliard de francs par année. Ainsi, même en abolissant le droit de timbre d’émission, les moyens financiers de l’Etat ne vont pas diminuer ; ils vont tout juste croître un peu moins que d’habitude. D’autre part, il faut également prendre en compte les effets à long terme : encourager l’esprit d’entreprise va précisément faciliter la création et le développement de start-up dans notre pays. Celles-ci auront un impact positif sur les emplois, sur les salaires, sur l’économie en général et donc, au final, sur les recettes fiscales.
Sans droit de timbre, la création de PME sera-t-elle facilitée ?
Sans droit de timbre d’émission, il sera plus facile de lever des fonds en Suisse. La création d’entreprise ne sera pas pénalisée en comparaison internationale, ce qui soutiendra notre compétitivité. Tout cela facilitera la création d’entreprises, mais aussi leur développement futur. En outre, il ne faut pas oublier un effet pervers du droit de timbre d’émission : il ne touche que la levée de fonds propres. En d’autres termes, ça veut dire qu’une entreprise qui trouve des investisseurs est pénalisée, tandis qu’une autre entreprise qui s’endette n’est, elle, pas touchée. On a là une incitation fiscale à s’endetter, qui n’est bonne ni pour la stabilité de notre économie, ni pour le développement de nos PME.

Benoît Gaillard
Porte-parole – Union syndicale suisse
Selon vous, pourquoi la suppression de cette taxe d’émission ne profite qu’aux entreprises très profitables ?
Depuis des années, la charge fiscale pesant sur les entreprises et sur les actionnaires a déjà été réduite fortement (d’un quart environ). Aujourd’hui, on nous propose une réforme qui profitera principalement aux très grandes sociétés, banques, assurances, fonds immobiliers : chaque année, la moitié des recettes du droit d’émission est payée par seulement 50 très grandes entreprises. Alors que les revenus stagnent et que les loyers et les primes augmentent, ce n’est pas ces entreprises qui ont besoin d’allègements en priorité en période de crise.
D’après le site internet de l’Union syndicale suisse, supprimer le droit d’émission est la première de plusieurs baisses fiscales, de quels autres avantages
fiscaux parle-t-on ?
La deuxième tranche est déjà décidée au Parlement, alors que le peuple ne s’est pas encore prononcé sur la première ! Cette deuxième tranche, c’est l’abolition de l’impôt anticipé – mais seulement pour les détenteurs d’obligations. Les gens qui ont quelques intérêts sur un compte épargne continueront, eux, à payer cet impôt. Dire non à l’abolition du droit de timbre d’émission, c’est maintenir un impôt modeste et indolore pour les entreprises, mais c’est aussi dire stop à cette spirale de baisse d’impôts pour les entreprises et les personnes fortunées – et stop au report de charges sur les gens qui travaillent et les retraités.
Les personnes favorables à cette suppression argumentent un meilleur esprit d’entreprise et un plus pour l’innovation, pourquoi l’Union syndicale suisse n’est-elle pas de cet avis ?
Aujourd’hui, nous avons un droit de timbre d’émission en Suisse. Et nous sommes parmi les pays les plus attractifs du monde ! C’est par exemple ce que dit l’IMD. Cette attractivité, nous pouvons en être fiers. Elle provient surtout de nos excellentes infrastructures, sur nos institutions de formation, sur notre recherche, sur notre sécurité – donc sur ce que les impôts financent. Et le modèle suisse repose aussi sur une autre idée : celle que tout le monde fait sa part. Les gens, en Suisse, travaillent dur, et paient des impôts sur chaque franc, que ce soit par l’impôt sur le revenu ou la TVA. Le pays fonctionne si les entreprises, elles aussi, aux différentes phases de leurs activités, contribuent aussi.
En cas de oui, le manque à gagner de 250 millions annuels devra être compensé par les citoyens ou par une diminution des prestations de l’Etat, savons-nous déjà quels secteurs seront touchés ?
Le plan d’ensemble, avec les autres baisses prévues, représentera plusieurs milliards. C’est pour cela qu’il faut dire un non clair à ce premier volet. Mais 250 millions, ce n’est pas rien : c’est par exemple le coût de 10’000 places de garderie, chaque année. Alors quelle est la priorité ? Aider les parents d’enfants en bas âge à travailler, ou alléger les impôts des grandes entreprises qui se portent bien ? La réponse est claire : il faut refuser ce cadeau fiscal inutile et malvenu. Les allègements, il faut les prévoir pour les familles, par exemple au niveau des primes maladies.
Bannir l’utilisation d’animaux dans les labos ?
Initiative – Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine

La législation suisse est l’une des plus strictes au monde en la matière : « Une expérience avec des animaux n’est autorisée que si les résultats ne peuvent pas être obtenus autrement », mentionne Le Conseil fédéral au sujet de l’initiative : « Oui à l’interdiction de l’expérimentation animale et humaine ». Du côté du comité d’initiative, il est inexcusable de maltraiter des animaux et des patients incapables de donner leur consentement : « De nos jours, les chercheurs sont suffisamment intelligents pour faire progresser la connaissance sans provoquer de la souffrance animale ou humaine », argumente le comité. Recueillant 123’640 signatures lors de son dépôt en mars 2019, Berne juge que ce texte va trop loin : « En cas d’acceptation, même les produits développés à l’aide de l’expérimentation animale ne pourront plus être importés et vendus ». Fait assez rare pour être mentionné, l’initiative n’a recueilli aucune voix du Parlement. Si les partis politiques se disent préoccupés par la souffrance animale, l’initiative n’est, à leurs yeux, pas la bonne solution.
Interviews. Propos recueillis par Thomas Cramatte

Athénaïs Python
Porte-parole LSCV – Ligue suisse contre l’expérimentation animale et pour les droits des animaux
Les expériences avec des animaux ne sont autorisées qui si les résultats ne peuvent être obtenus autrement, plaçant la Suisse comme l’un des pays les plus stricts en la matière. Les opposants à cette initiative critiquent que la législature actuelle encourage déjà la délocalisation dans des pays moins stricts. Augmentant ainsi la souffrance animale, qu’en pensez-vous ?
La délocalisation à l’étranger a déjà lieu depuis longtemps, c’est notamment cela qui a fait baisser le nombre d’expériences sur les animaux en Suisse à une période. Les recherches qui peuvent être menées à l’étranger à moindre coût y sont déjà réalisées. On constate cependant que le nombre d’animaux utilisés chaque année reste stable depuis 20 ans. En l’an 2000, ce sont 556’000 animaux qui ont subi des expériences, soit exactement le même nombre qu’en 2020. Ce qui est primordial pour nous, c’est de mettre en avant le fait que les méthodes alternatives de remplacement n’ont jamais été sérieusement soutenues en Suisse. Environ 200 millions par année sont alloués à la recherche ayant recours aux animaux, de l’argent de la Confédération et des cantons, donc de l’argent public, qui vient de nos impôts, à vous et moi, contre seulement quelques centaines de milliers pour les méthodes alternatives. L’expérimentation animale bénéficie donc d’un soutien financier environ 35 fois plus élevé que les méthodes alternatives. Depuis 30 ans, le Conseil fédéral a soutenu des structures comme la Fondation de recherche 3R et le Centre de compétences 3R (dont le but est de remplacer, réduire et réformer la recherche avec animaux) mais au lieu de tout mettre en œuvre pour réellement remplacer les animaux, la plupart des projets soutenus visent à « réduire » le nombre d’expériences et d’animaux utilisés, ou « réduire » les contraintes infligées. Il y a, selon nous, un manque de volonté politique alors même que de nombreux objets parlementaires ont été déposés sur le sujet depuis des années, demandant l’arrêt des expériences douloureuses et contraignantes.
Quelles sont les alternatives pour pallier à l’expérimentation animale ?
Pour nous, se passer d’expérimentation animale n’est pas une utopie. Il faut absolument développer des méthodes de remplacement rapidement, plus éthiques, et plus efficientes pour la santé humaine. Il y a un vrai problème de reproductibilité et de transposabilité des résultats de l’animal à l’humain, menant souvent à poursuivre des recherches peu prometteuses. Selon les dernières études scientifiques, 95 % des nouveaux médicaments développés à l’aide d’expériences sur les animaux s’avèrent inadaptés pour l’être humain. L’humain mérite, lui aussi, mieux que l’expérimentation animale. Il doit pouvoir bénéficier de traitements plus sûrs et efficaces, ce qui sera notamment possible avec l’essor de la recherche sur des organoïdes, biopuces ou modélisations informatiques.
Sans possibilités de tester des médicaments sur des animaux, l’approvisionnement en produits sanitaires serait-il réduit ?
En s’accrochant désespérément à l’expérimentation animale et son puissant lobby, notre pays a loupé la coche d’une recherche plus efficiente pendant des décennies. Un retard qui ne peut évidemment pas être rattrapé si facilement. C’est pourquoi la recherche sur les méthodes de substitution doit être soutenue avec au moins autant de moyens que l’expérimentation animale. L’argent ne manque pas. Il faut maintenant décider si nous voulons une recherche éthique et efficace tournée vers l’avenir, ou poursuivre avec le modèle animal obsolète. Cependant, nous saluons les progrès spectaculaires qui ont été réalisés ces 10 dernières années dans le domaine des méthodes de remplacement, et ce, malgré le peu de moyens alloués à leur développement.

Monique Ryf
Députée PS – Municipale – commune Oron
Votre parti, tout comme les autres partis politiques, combat cette initiative. Quels sont les principaux arguments du parti socialiste pour ne pas appuyer cette
initiative ?
Le parti socialiste – à l’instar de tous les partis politiques en Suisse – ne soutient pas cette initiative, car les demandes formulées sont excessives, en l’état actuel de la recherche. Mais se préoccuper de la protection des êtres humains et des animaux pour qu’ils ne servent pas de manière inutile ou exagérée de cobayes est un enjeu éthique important que personne ne conteste. L’initiative vise à interdire l’expérimentation animale, l’expérimentation humaine et l’importation de médicaments qui feraient l’objet de recherche ailleurs dans le monde. Or cette interdiction inconditionnelle est trop radicale. Des progrès ont déjà été faits pour diminuer de manière drastique les expériences avec des animaux. Mais il n’est pas encore possible de les remplacer complètement, par exemple pour des vaccins. De même pour des tests de médicaments ou de thérapies sur des volontaires en bonne santé, il est impossible de les remplacer totalement à l’heure actuelle. Enfin, si on interdisait les importations de l’étranger, on priverait des patients d’accès aux soins, ce qui n’est pas admissible.
Le comité d’initiative estime que « la maltraitance d’animaux ou de patients incapables de donner leur consentement est inexcusable ». Qu’en pensez-vous ?
Comme nous l’avons dit précédemment, l’aspect éthique de cette initiative n’échappe à personne. Cependant, un cadre rigoureux a été mis en place pour limiter strictement les expériences qui entraînent des douleurs pour les animaux. Le nombre d’animaux utilisés pour la recherche a beaucoup diminué et une grande partie d’entre eux – pour la plupart des souris et des rats – ont été utilisés pour des observations ou des études de comportement. Et en ce qui concerne des recherches avec des personnes incapables de discernement, on pense là aux enfants, les conditions sont encore beaucoup plus strictes.
D’après vous, le bien-être animal et la recherche sont-ils compatibles ?
La question est formulée de telle sorte qu’il est impossible de répondre par l’affirmative. Mais les animaux sont encore indispensables à certaines recherches pour tester l’efficacité et la sécurité des médicaments par exemple. Par contre, les chercheurs doivent veiller à utiliser le moins d’animaux possible et à limiter également le plus possible les contraintes. Pour le PS, il est toutefois important d’améliorer encore la situation et des fonds doivent être consacrés à des projets de recherche sans expérimentation animale.
En cas de oui, il sera nécessaire de trouver des alternatives à l’expérimentation animale, ne pensez-vous pas que ces alternatives favoriseraient la création d’emplois ?
En cas de oui à l’initiative, ce sont au contraire des emplois qui seraient menacés. Les hôpitaux, les laboratoires de recherche dans les universités ou dans l’industrie pharmaceutique auraient des difficultés à poursuivre leurs recherches. Et le risque est important que le choix final soit celui de la délocalisation. Mais de nouveau, le PS souhaite que des moyens soient débloqués pour encourager la recherche sans expérimentation animale avant de tout interdire et ceci pourrait être une source de création de nouveaux emplois.