Votations du 3 mars
Plébiscite pour des rentes décentes et refus de travailler plus longtemps

Christa Calpini, pharmacienne, ancienne députée au Grand Conseil VD | Le peuple suisse se prononçait sur deux objets ayant trait au seul sujet de nos retraites. Le premier, Initiative populaire « Mieux vivre à la retraite (initiative pour une 13e rente AVS) » a été largement accepté à 58,2 % des voix et par une grosse majorité des cantons. Rarement campagne de votation aura été aussi animée avec des arguments des deux camps faisant mouche. Les partisans justifiant leur choix en raison de l’augmentation du coût de la vie : cette 13e rente ne fait que compenser la perte du pouvoir d’achat due au renchérissement (panier de la ménagère, loyers, primes maladie, électricité, transports publics….). Les opposants dénonçant, eux, une mesure arrosoir dont le financement n’est pas précisé et pénalisant les travailleurs.
Le cœur me disait de voter « OUI » afin de soulager de manière immédiate et efficace les rentiers ayant de la difficulté à joindre les deux bouts et donner un bol d’air bienvenu à tous les autres. Mon pragmatisme me faisait hésiter pour plusieurs raisons. Oui, l’AVS est actuellement saine mais ces bons résultats découlent de l’introduction dès 2020 de la RFFA (Réforme fiscale et financement de l’AVS avec une augmentation des taux de cotisation employé-employeur de 0,15 %) qui injecte une manne de 2 milliards par an, auxquels viennent s’ajouter les 1,4 milliards de la réforme AVS 21 (hausse de la TVA de 7,7 à 8,1). Conclusion évidente : sans réformes continuelles, l’AVS périclite.
Certes, sa santé financière dépend de la santé économique du pays, de la croissance des salaires, de la démographie, des rendements boursiers et de la Confédération qui assume un cinquième de ses dépenses. Ces éléments varient mais ce qui est certain est que la tendance va vers une hausse du nombre de rentiers et un allongement de la durée de vie. Le peuple suisse a clairement choisi d’octroyer une 13e rente à ses retraités et je comprends parfaitement ce choix.
Ce que je comprends moins est pourquoi les opposants à la réforme n’ont pas réalisé un contre-projet à l’initiative afin de corriger l’effet « arrosoir » qu’ils dénoncent. En proposant une adaptation acceptable des prestations complémentaires et surtout une simplification du système via, par exemple, l’instauration d’un automatisme à partir des déclarations d’impôt. Un contre-projet aurait prouvé que nos autorités se préoccupaient réellement de la situation précaire de nombreux retraités, eux-mêmes lassés d’attendre des améliorations du système. Le choix de dimanche exigera de nouvelles réformes via les cotisations, la TVA ou l’âge de départ à la retraite.
Le second objet, initiative populaire « Pour une prévoyance vieillesse sûre et pérenne (initiative sur les rentes) » a été rejeté à 74,7 % des voix. Le peuple n’a pas voulu de cet automatisme trop rigide. L’âge de la retraite aurait passé à 66 ans d’ici à 2033. Puis le départ à la retraite aurait été fixé en fonction de l’espérance de vie à 65 ans. Rappelons qu’en 1948, lors de l’introduction de l’AVS, l’âge de la retraite était fixé à 65 ans. Les hommes percevaient alors une rente pendant 12 ans en moyenne et les femmes un peu plus de 13 ans. Aujourd’hui, nous vivons plus longtemps et en meilleur santé. Résultat, les hommes perçoivent une rente pendant près de 20 ans et les femmes 23 ans. Parallèlement, le taux de natalité diminue. Donc, s’il est évident que l’augmentation de l’âge de la retraite fait partie de l’équation pour pérenniser l’AVS, ce n’est de loin pas le seul élément à prendre en considération.
D’autres aspects tels l’état de santé de la population, l’évolution de l’économie et le marché de l’emploi en font partie. La population, pour adhérer à des projets, a besoin de solutions équilibrées et équitables, qui tiennent compte de son vécu. Ce dimanche, elle s’est mobilisée massivement pour défendre un niveau de vie décent pour ses citoyen (ne) s à la retraite.
C’est un avertissement à nos autorités car cette année les Suisses seront appelés à voter sur la réforme du 2e pilier, qui prévoit la baisse du taux de conversion et donc des rentes. C’est dire que le sujet du financement de nos retraites n’est de loin pas clos.