Viticulture – La reprise à Riex
Texte et photos Manon Hervé | A Riex, Jean Duboux et sa compagne Constance se distinguent avec le Caveau des Langins. Le couple a misé sur l’œnotourisme depuis déjà une dizaine d’années, à une époque où l’accueil touristique était loin d’être répandu dans la région. Il faut dire que Constance a eu de quoi s’inspirer pendant sa formation qui l’a amenée de la Loire au Chili avant d’atterrir sur le territoire suisse. C’est à Changins que Jean et Constance se sont rencontrés, lui dans le cadre de son brevet fédéral, elle terminant sa formation d’œnologue.
En 2017, la remise des clés du domaine par Marc Duboux, les a embarqués tous les deux dans une belle aventure. Les rôles se sont répartis plutôt facilement : Jean est à son aise dans les vignes, Constance lui préfère le travail à la cave, tous deux se retrouvent pour gérer la paperasse.
« On adore recevoir les clients
et créer des événements pour eux »
Constance Duboux
Ces deux hyperactifs adorent essayer de nouvelles choses. Chaque année, ils créent une nouvelle cuvée basée sur une idée originale. Ainsi leur gamme s’est vue complétée temporairement d’un Blanc de Noir, d’un assemblage rouge sans sulfites, d’un vin muté de Chasselas ou encore d’un Chasselas mousseux, le « Lavaux’secco », en hommage à la spécialité de Master œnologique de Constance : les bulles.
Investis dans diverses associations locales, fervents organisateurs du Cully Jazz, impliqués dans le réseau écologique de Lavaux, tous deux sont particulièrement engagés dans la promotion et valorisation du vignoble et de ses acteurs.
Complémentaires, ils se forment puis appliquent ce qu’ils ont appris au domaine. Comme ce cours de viti-foresterie qui les a poussés à planter des arbres et à installer des nichoirs dans les vignes. Aujourd’hui, ils intègrent la biodiversité dans leur projet global de production.
Quelques mètres en dessous, de l’autre côté du cours d’eau qui marque la frontière entre Riex et Cully, Louis Blondel a accepté de bonne grâce de paraître dans notre numéro dédié à Riex. « Il s’en remettra », assure son épouse Charlotte avec un sourire. Le couple a officiellement repris le domaine en janvier 2022 après plusieurs années de travail « à huit mains » avec les parents de Louis. En 2020, la cuvée Blondel amorce le changement : à l’occasion des 100 ans du domaine, c’est la première cuvée pour laquelle Louis a eu carte blanche pour la vinification. Résultat, un Chasselas non filtré : la tradition mise en valeur par l’innovation.
« S’il y a un métier multitâches,
c’est bien celui de vigneron »
Charlotte Blondel
Louis a baigné dans la vie du domaine depuis tout petit, Charlotte, elle, y est entrée en 2019. Cette enseignante généraliste s’est convertie en responsable marketing, comptabilité et ressources humaines aux côtés de son mari.
Jean-Luc Blondel et son épouse Francine se sont doucement mis en retrait afin de permettre au jeune couple de se lancer. Après quatre années passées ensemble, il était temps que les jeunes prennent leur envol. Désormais, les rôles se sont inversés : Charlotte et Louis sont à la tête de la cave tandis que les parents de ce dernier donnent de fréquents coups de main pour les livraisons ou autres besognes. Charlotte et Louis ont eux aussi trouvé leur équilibre de façon naturelle, entre la production de vin, la communication et les tâches administratives qu’ils gèrent à deux – une quantité de travail non négligeable.
Parents de deux enfants, la reprise est pour eux un challenge familial. Ils s’estiment chanceux d’avoir repris un domaine qui fonctionne et ont la tête pleine de projets pour les années à venir. Parmi diverses idées, celle de moderniser les locaux pour pouvoir accueillir des gens à l’intérieur.
Côté cave, la gamme Création déjà existante va présenter de nouvelles cuvées au fil de leurs envies et des millésimes.
Face aux grandes caves, Charlotte et Louis prônent les valeurs d’une cave familiale au travail artisanal. « Cela impose de produire bon, même meilleur, afin de tenir le choc », explique Louis. « Il est important que les gens comprennent pourquoi acheter auprès de petits encaveurs est essentiel et tout ce qu’ils font vivre grâce à cette façon de consommer. »
La phase d’installation dédiée à prendre leurs marques touche gentiment à sa fin et ensemble, Louis et Charlotte vont désormais pouvoir se projeter et mettre leur patte petit à petit. Tout en assurant la continuité, pas question de bousculer les habitués.
Plus haut, à la sortie du village de Riex, au domaine Fauquex surplombant majestueusement les vignes et le lac, « Emilie Fauquex, toute petite déjà, voulait « faire comme mon papa ». Si elle s’est éloignée de la terre après le gymnase, la Fête des vignerons de 2019, vécue en famille avec sa sœur et ses parents, l’a ramenée à la tradition viticole.
« Le temps passe tellement vite à la cave »
Emilie Fauquex
Après un retour forcé par le covid de Vancouver où elle était partie apprendre l’anglais, la jeune fille se retrouve à travailler à la cave familiale en compagnie de son père. Elle enchaîne avec deux années de CFC caviste effectuées à l’Union Vinicole à Cully. Actuellement dans les vignes chez Christophe Chappuis à Rivaz, il lui reste encore deux ans d’études à l’ES Changins.
A la cave familiale, il a fallu s’adapter après le décès de son papa. Sa maman, Laurence, a quitté son travail de laborantine pour assurer la relève de la gestion du domaine. Elle est accompagnée par un caviste, Ludovic Lin, et une vigneronne-tâcheronne, Alizée Bujard, qui assurent la transition.
Ce qui passionne Emilie dans le vin, c’est l’idée de créer le produit de A à Z, dans toute sa globalité. Toutefois, la jeune femme reconnaît avoir une grande préférence pour le travail à la cave où elle ne s’ennuie jamais.
Convaincue, au début de son apprentissage, que la relation client serait le plus difficile pour elle, elle a depuis réalisé qu’elle adorait cela. « Vendre une bouteille c’est clore un processus qui a débuté l’année précédente ! C’est joli » sourit-elle. Et de se féliciter de voir ses copains s’intéresser au vin et prendre conscience de tout le travail effectué caché derrière une simple bouteille. Sa priorité aujourd’hui : pouvoir faire du bon vin chez elle. Pour la suite, on verra. A 23 ans, Emilie a les épaules et l’enthousiasme nécessaire pour se lancer dans les pas de son père, pour l’amour du vin.