Une remarquable collection de peintres impressionnistes
A la Fondation Gianadda, jusqu’au 16 juin
Pierre Jeanneret | L’exposition de printemps de la Fondation Gianadda attirera et séduira un large public. Elle est basée sur la collection danoise Ordrupgaard. Celle-ci a été rassemblée par Wilhelm Hansen (1868-1936), fondateur d’une grande compagnie d’assurances. Ses voyages professionnels le conduisaient souvent à Paris, où il s’enthousiasma pour les Impressionnistes, dont il acquit un grand nombre de toiles. Fait particulièrement intéressant, il acheta souvent une série de tableaux du même artiste. Sa collection, rassemblée dans le manoir d’Ordrupgaard (et ultérieurement dans un musée ultramoderne), au nord de Copenhague, a été léguée en 1951 par son épouse Henny à l’Etat danois. L’exposition procède de manière chronologique. On verra d’abord plusieurs pré-Impressionnistes, dont un portrait de Dante par Ingres, plus chaleureux que ses toiles antiquisantes habituelles. Puis ce ne sont pas moins de huit tableaux de Camille Corot. Cet artiste représente la tradition du paysage poétique de la première moitié du XIXe siècle. Il fut considéré par les Impressionnistes comme leur maître à tous. On admirera la douceur de sa touche, l’harmonie de ses compositions et son rendu de la nature. Tout autre tempérament que celui de Gustave Courbet, le matérialiste, le réaliste, le républicain, le socialiste! Les vagues furieuses de l’océan se jetant contre les falaises d’Etretat, en Normandie, pourraient bien être une métaphore des révolutions populaires à l’assaut des monarchies. Quant à Alfred Sisley, il fut par excellence le peintre de l’eau et des rivières, notamment la Seine, et de leurs rives. Edouard Manet est sans doute le plus classique des Impressionnistes. Sa Femme avec une cruche fait penser aux portraits de la Renaissance, et particulièrement au Titien. On a souvent qualifié les œuvres de Berthe Morisot de «féminines». C’est vrai, par l’exquise douceur de sa palette. Mais n’oublions pas qu’elle fut aussi une féministe, revendiquant d’être une artiste professionnelle au même titre que les hommes, et pas seulement une jeune fille de bonne famille faisant du piano, du crochet et de l’aquarelle… De Claude Monet, on admirera un chef-d’œuvre absolu: le Pont de Waterloo à Londres, où l’on perçoit l’activité humaine (chalands, omnibus à impériale), noyée dans le brouillard et la fumée des usines. Monet poursuit ici ses fameuses recherches sur la lumière. Camille Pissarro, lui, a passé par le pointillisme prôné par Seurat, avant de s’en détacher. Mais cette influence est encore sensible dans son admirable toile Pruniers en fleurs à Eragny. La collection Ordrupgaard possède un ensemble remarquable de tableaux de Paul Gauguin. Celui-ci n’a cessé de rechercher le paradis perdu, d’où sa toile Adam et Eve. Il a cru le trouver d’abord dans une Bretagne rurale et catholique, puis à Tahiti, mais il sera désillusionné par la société autochtone maori dont la culture était en voie de destruction par le colonialisme et le christianisme. Autre œuvre majeure, les Baigneurs de Paul Cézanne, qui annonce toute la peinture contemporaine du XXe siècle. On le voit, cette exposition est extraordinairement riche et intéressante. Et puis elle rend heureux! Les amateurs de belle peinture doivent absolument la voir.
«Trésors impressionnistes. La collection Ordrupgaard», Martigny Fondation Gianadda, jusqu’au 16 juin.