Une réforme qui coupe le courant au biogaz
Acceptée en juin 2023 et en vigueur depuis le 1er janvier 2025, la réforme de la loi sur l’approvisionnement en électricité fragilise le développement du biogaz. A Palézieux-Village, l’exploitant Eric Ramseyer redoute les conséquences d’un nouveau système de subventions devenu bien plus incertain. Interview.

Jusqu’ici, les exploitants de petites centrales à biogaz pouvaient bénéficier de la Rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC), un système garantissant un tarif fixe sur 20 ans. Ce modèle offrait une sécurité financière précieuse, permettant d’attirer des investisseurs et de stabiliser les projets à long terme. Mais la nouvelle loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité, approuvée à 68,7 % par le peuple en juin 2023, change la donne : le système RPC est remplacé par un mécanisme de marché. En clair, les producteurs devront désormais vendre leur électricité dans un système d’enchères où les prix fluctuent, ce qui accroît l’incertitude économique. Pour les pionniers du biogaz, comme Eric Ramseyer, ce tournant met en péril la rentabilité et la pérennité des installations.
Le Courrier : Votre installation est en service depuis 2014. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la réforme du système de subventions qui abolit les tarifs RPC ?
Eric Ramseyer : Le système de RPC offrait un tarif fixe garanti sur 20 ans. C’était un cadre clair, qui donnait confiance aux investisseurs et assurait une certaine stabilité. Avec la nouvelle réforme, on entre dans un modèle plus incertain, avec moins de garanties sur le long terme. Cela complique sérieusement les recherches de financement et réduit la visibilité pour les futurs projets.
Quelles conséquences cela peut-il avoir pour vous concrètement ?
ER : A court terme, nous ne sommes pas directement impactés car notre installation bénéficie encore de la RPC pour près de dix ans. Mais au-delà, rien n’est clair. Il n’y a ni visibilité ni engagement politique sur ce qu’il adviendra du biogaz dans une décennie. C’est cette incertitude qui nous inquiète.
Quelles sont les options qui s’offrent à vous afin d’adapter le revenu de votre centrale à biogaz ?
ER : Même avec la RPC il est difficile de rendre rentable une installation de biogaz, cela nécessite un engagement constant et une très forte disponibilité. Nous sommes toujours en recherche de valorisation complémentaires. La valorisation environnementale mérite d’être plus reconnue, on nous a fortement diminué le revenu lié aux compensation CO2 ces dernières années ce qui est surprenant dans le contexte actuel.
Certains avancent que l’ouverture au marché incitera à plus de compétitivité. Qu’en pensez-vous ?
ER : C’est une logique de marché qui ne correspond pas à la réalité du biogaz agricole. Ce type d’installation repose sur un cycle vertueux, avec des retombées écologiques et sociales positives. Chercher à les mettre en concurrence comme s’il s’agissait d’une production industrielle classique ne permettra pas leur développement. Il faudrait au contraire mieux valoriser leurs bénéfices globaux.
Pensez-vous que cette réforme va-t-elle freiner le développement du biogaz en Suisse ?
ER : Oui, clairement. L’augmentation des incertitudes refroidit les investisseurs et rend les projets plus difficiles à financer. Ce n’est pas un signal porteur pour la filière, au contraire.