Une petite histoire du point d’exclamation
Selon une étude réalisée par des psychologues américains, l’abus de points d’exclamation, dans les courriels et les textos, notamment, serait une source de sourde anxiété pour le lecteur. L’utilisation intempestive de ce signe de ponctuation serait aussi la marque d’une trop forte conscience de soi, d’une volonté de se distinguer des autres, mais également, dans certains cas, d’un manque égocentrique d’ouverture et donc d’une forme dissimulée d’agressivité. Tiens ! Donald Trump, par exemple, en use et en abuse sur les réseaux sociaux.
Le professeur d’anglais Ben Yagoda, s’est lui récemment déchaîné dans le New York Times contre le point d’exclamation utilisé à mauvais escient. Il évoque une véritable surdose de « ! ! ! » qu’il attribue à la platitude et à la monotonie des courriels et des textos qui nécessite « qu’on fasse tout monter d’un cran ». D’autres encore pointent du doigt la publicité dont la force de frappe exige une bordée de « ! ! ! ».
A vrai dire, cette polémique – si c’en est une – n’est pas nouvelle. Dans son essai « Comment raconter une histoire », publié en 1895, Mark Twain demandait déjà à ses amis auteurs de ne pas succomber aux « exubérants points d’exclamations » (« whooping exclamation point ») qui sont, selon lui, une façon de se satisfaire de ses propres affirmations ou de rire de ses propres blagues. Plus près de nous, le regretté Pierre Desproges écrivait : « J’évite ce genre de ponctuation facile dont le dessin bital et monocouille ne peut qu’heurter la pudeur ».
Mais d’où diable nous vient cette petite barre qui surmonte un point ? L’un de ses ancêtres serait une ponctuation apparue dans le « Techné grammatiké », un ouvrage du grammairien grec Denys de Thrace, au IIe siècle avant Jésus-Christ. A l’époque, il ne s’agissait que de trois points : le point haut, le point médian et le point bas. Ce signe indiquait les durées de pause à adopter dans la lecture.
Pour le point d’exclamation proprement dit, il faut attendre le début de la Renaissance et les annotations des textes antiques par le poète italien Iacopo Alpoleio Da Urbisaglia. En 1360, dans son ouvrage « De Ars punctuandi » (« l’Art de ponctuer »), il invente le « point d’admiration », composé d’une barre penchée à droite et de deux points au-dessous, s’inspirant sans doute du « scandicus », un signe de notation musicale marquant des notes ascendantes. C’est avec le développement de l’imprimerie que le point d’exclamation prit sa forme puis son nom actuels. A partir du XIVe siècle, son usage se répandit dans la littérature.
De nos jours, le point d’exclamation est recommandé pour marquer une exclamation, une interjection, un ordre, ou pour exprimer la surprise, l’admiration ou l’indignation. Mais son usage abusif est considéré comme un appauvrissement du langage, en distrayant le lecteur et en affaiblissant la signification du signe. Pour le reste, faut-il croire ceux qui lui prêtent un pouvoir anxiogène ? C’est bien possible…
Faut-il rappeler que, de nos jours, le point d’exclamation est aussi utilisé pour signaler un DANGER. On le voit PARTOUT, dans nos rues, sur les panneaux de signalisation, à l’intérieur d’un triangle rouge. Dans le subconscient de chacun, il est donc synonyme de péril.
Pour cette raison, à l’instar de l’alcool pour ceux qui prennent le volant, il est suggéré à ceux qui prennent la plume, de le consommer… avec modération ! ! !