Tout plaquer pour jouer au Rugby Club de Palézieux
Hendrin Adil vous invite à découvrir son sport au RCP. Promis : votre en avant ne sera pas sanctionné ! Rencontre avec un passionné.
Gérard Bucher | Personnage emblématique du Rugby Club de Palézieux, qu’il a repris avec deux compères en janvier de cette année, Hendrin Adil, 35 ans, est attaché à son sport et à sa région comme il est difficile de l’être plus. Les objectifs sont clairs : refaire découvrir le rugby dans ce coin de pays et étoffer le nombre de membres pour constituer une équipe masculine, voire féminine, à l’été 2024 et participer ainsi à un championnat. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Aujourd’hui, seul une vingtaine de joueurs et de joueuses forment le noyau du RC Palézieux. Ce n’est bien sûr pas suffisant.
Thierry Pidoux (président), Gaïth Zehri (vice-président), Hendrin Adil (directeur sportif), Safi Bigot (responsable équipe masculine) et Noémie Cavin (responsable équipe féminine) sont partis de zéro dans cette aventure. « Nous avons tout relancé, précise Hendrin Adil. Il n’y avait plus d’équipe, pas davantage de sponsor. »
L’idée phare a été de surfer sur la vague de la Coupe du monde de rugby qui se déroulait en France. « RugbyFest 2023 » était né. Du 6 au 28 octobre dernier, le battoir de Palézieux a été le théâtre d’innombrables activités, ponctuées, comme il se doit, par la diffusion sur écran géant des matches les plus importants. A l’heure du bilan, Hendrin Adil évoque une opération très positive. « La commune nous a énormément soutenus, ajoute-t-il, et nous avons retrouvé des sponsors. Pour pouvoir disposer de deux équipes, on a besoin d’un budget de 30’000 francs environ. Moins, c’est serré. Nous sommes sur le bon chemin. Pour l’heure, nos filles disputent des rencontres de rugby à 7, d’entente avec un club genevois. Les garçons n’en sont pas là. Ils joueront en revanche un match amical le 25 de ce mois à Berne, dans le cadre d’un match dirigé, entrecoupé d’arrêts et de corrections, et d’une durée de 4 fois 20 minutes. »
Le même poste qu’Antoine Dupont
D’origine kurde, naturalisé depuis, Hendrin Adil est tombé dans la marmite quand il était petit et plutôt par hasard. « Ma famille s’est installée à Yverdon, une ville qui fait la part belle au rugby comme chacun le sait, détaille-t-il. Un jour, à l’école, on nous a présentés plusieurs disciplines dans le cadre de journées sportives. J’ai coché la case rugby pour ne pas faire comme les autres peut-être. Toujours est-il que j’ai mordu à l’hameçon et que je n’ai jamais arrêté depuis, bien que j’aie dû stopper ma carrière de joueur très tôt, à 22 ans, sur blessure. En toute modestie, j’ai eu la chance de gagner à peu près tout ce que j’ai voulu. Avec le RC Yverdon, j’ai décroché la Coupe de Suisse et atteint à deux reprises la finale du championnat de Suisse. J’ai également porté le maillot national, après avoir été sélectionné dans les équipes suisses juniors des moins de 16, 18 et 20. Le CA Pontarlier Rugby a aussi fait appel à moi à une certaine époque » Son poste, pour les connaisseurs ? Demi de mêlée. Le même qu’un certain Antoine Dupont, autrement dit celui qui introduit le ballon en mêlée, qui le récupère lors d’une sortie en touche, d’une mêlée ou d’un regroupement, celui qui donne le tempo en résumé. Hendrin Adil aime donc être à la baguette. Cloué par sa blessure, il a pris le temps de réfléchir pendant trois mois, avant de revenir sur le terrain en qualité d’entraîneur. Sa passion était trop forte. Les U16 et les U18 d’Yverdon, Neuchâtel alors en Ligue B, et surtout l’équipe féminine de Berne pendant 5 ans, avec laquelle il a été plusieurs fois champion de Suisse, ont eu recours à ses services.
Hendrin Adil a une idée bien précise de ce qu’il faudrait faire pour promouvoir le rugby en Suisse. « D’abord, insiste-t-il, un constat : les clubs ont de la peine à travailler ensemble. Chacun bataille dans son coin, sans partager quoi ce soit. Pour pouvoir avancer, on devrait créer des écoles de rugby un peu partout et s’organiser en province ou en régions comme cela s’est fait en Irlande, en Ecosse ou au Pays de Galles. En Irlande, les équipes professionnelles sont rattachées à leurs provinces : Ulster, Munster, Connacht et Leinster. C’est la voie à suivre. »
Une histoire de ballonavec des copains autour
Reste la question centrale : pourquoi jouer au rugby ? Hendrin Adil ne manque pas d’arguments. Et de belles phrases. « Le rugby, s’enflamme-t-il, c’est une histoire de ballon avec des copains autour. Et quand vous enlevez le ballon, il reste les copains. C’est vraiment ça le rugby. On peut s’y défouler, mais cela reste dans le respect total du sport et de l’autre. Et puis, contrairement à ce que l’on croit, on se blesse moins au rugby que dans d’autres sports. Ce qui ne nous empêche pas d’aller au travail le lundi avec un œil au beurre noir ! Hors du terrain, il n’y a aucune agressivité. On l’a vu en France lors de la Coupe du monde. L’esprit était très festif. En novembre dernier, je me suis rendu à Marseille pour assister à un match amical entre la France et l’Afrique du Sud. Sur les quais du métro, les supporters français entonnaient des chants devant leurs homologues sud-africains, lesquels ont répliqué en chantant à leur tour. Au moment de poursuivre, ces derniers ont voulu s’engouffrer dans une autre rame. Ils ont été invités par les Français à monter dans le même wagon pour continuer à chanter à l’unisson. Impensable dans bien d’autres sports. Enfin, il faut savoir qu’au rugby, on ne peut pas tricher. Simuler une blessure, par exemple, est très mal vu, même par sa propre équipe. » Un autre monde décidément.
Pour revenir au RCP, les entraînements ont lieu les mardis et jeudis soirs. Quant à la troisième mi-temps, elle existe toujours après les matches, mais peut également avoir lieu au sortir des entraînements. A l’Hôtel de Ville d’Oron par exemple, qui fait partie des sponsors du club. L’esprit est toujours très amical, aussi bien chez les filles que chez les garçons. « On est très proches au RC Palézieux, souligne l’Oronais Hendrin Adil. Je ne peux pas dire le contraire, puisque j’y ai fait la connaissance de ma compagne ! »
Une question de geste
Le Sud-Africain Cheslin Kolbe est-il parti avant la fameuse tentative de transformation du Français Thomas Ramos lors du quart de finale de Coupe du monde qui a opposé les deux pays et qui a vu ce dernier être contré de manière spectaculaire ? Hendrin Adil est catégorique. « Non, assure-t-il. Tout simplement parce que c’est le premier geste qui compte et non pas les premiers pas. Or, Ramos a jeté son épaule en arrière avant de démarrer. Ce que Kolbe savait. Il n’y a donc pas eu d’erreur d’arbitrage ».