Théâtre – Davel le révolté, l’homme et le mythe
Le Major Davel connaissait les horreurs de la guerre et lorsqu’il décide finalement de mener le combat pour le Pays de Vaud c’est avec conscience du danger et la volonté de protéger ses compatriotes. Un des ordres donnés à ses troupes sera notamment d’ôter la munition de leur arme. Aujourd’hui, que raconte l’histoire de cette insurrection sur notre canton de Vaud ?

Lionel Tissot | Le 24 avril 1723, le Major Davel est exécuté sur la place publique à Vidy. 300 ans plus tard, Davel est un héros vaudois, le fier représentant de la lutte pour l’indépendance. Jean Daniel Abraham Davel est né à Morrens, puis il est arrivé à Lausanne à 6 ans. Une fois devenu notaire, il s’installe avec sa mère à Cully en 1688, alors âgé de dix-huit ans. C’est quatre ans plus tard qu’Abraham Davel débute sa carrière militaire qui lui vaudra le grade de Major en 1712. Et c’est sur la place d’Armes de Cully, le lieu de rassemblement pour les 600 hommes du Major que se joue, en plein air, Le Mystère Davel. Dans le cadre magnifique de Lavaux, quel meilleur lieu pourrait servir pour revivre l’histoire de ce personnage historique ?
Le Mystère Davel
Mise en scène
par Nathalie Pfeiffer
Place d’Armes, Cully
A voir les 31 août,
1er, 2, 3 et 4 septembre
C’est sur un texte de Nathalie Pfeiffer qu’une trentaine d’artistes font revivre une part de l’histoire vaudoise. Sur la scène, les comédiens et comédiennes professionnels se mélangent aux amateurs, à l’orchestre local, à la chorale et même à trois chevaux. Les traditions du terroir et les éléments commémoratifs se mélangent très agréablement sur des tableaux toujours vivants et animés. Les magnifiques costumes, imaginés par Nadia Cuénoud, à Cully, nous transportent sans efforts dans les différentes époques. Et les accessoires ne sont pas à plaindre non plus, entre chars à cercles, calèche ou camion de pompier historique, la représentation est un vrai régal pour les yeux.
Lorsque Philippe Bugnon (Laurent Flutsch) discute avec le jeune Sylvestre (Arsène Passamani) autour de trois décis de blanc, c’est pour lui parler de ces différentes personnalités vaudoises qui se sont prises d’admiration pour le Major Davel. En définitive, l’histoire de ce personnage vaudois est avant tout politique, il était alors tout indiqué de commencer avec la société d’étudiants « Zofingiens » revendicatrice et provocatrice pour la cause du climat ; illustre société dont C.-F. Ramuz ou Juste Olivier ont été membre. Le pari de faire un spectacle actuel et tout public est réussi. Quoiqu’il faille peut-être un certain intérêt pour l’histoire du Pays de Vaud pour connaître tous les personnages qui se succèdent, après la représentation, difficile de ne pas vouloir faire quelques recherches. Je n’ai moi-même pas pu m’empêcher de parfaire mes connaissances sur Frédéric-César de La Harpe, Juste Olivier, C.-F. Ramuz, René Auberjonois ou encore Charles Gleyres. Autant de personnalités qui ont fait rayonner le canton de Vaud bien au-delà de ses frontières. En se basant sur des faits historiques, Nathalie Pfeiffer a glissé habilement quelques éléments dans les lacunes laissées par le temps. C’est le cas notamment de Paul Grel, un fils potentiel du Major et de la belle inconnue, ou du mystérieux coffret qui contiendrait des textes inédits de Davel.
Mais alors, les Vaudois sont-ils des résistants ? Eh bien, force est de constater que la scène politique vaudoise du 18e au 20e siècles a été plutôt mouvementée. L’opinion publique sur l’insurrection du Major Davel a d’ailleurs changé plusieurs fois. Ce sont bien les autorités lausannoises qui l’ont dénoncé en premier aux Bernois. Davel sera longtemps considéré comme un parjure avant d’être élevé au rang de héro. L’occupation bernoise a continué encore près de 70 ans après son exécution et pour de La Harpe, Davel a été un précurseur des idées des Lumières. Le Major aura inspiré plusieurs partisans à ses idées, mais des figures politiques comme de La Harpe ou Juste Olivier ont dû s’exiler au cours de leur carrière en raison de leurs désaccords avec les autorités vaudoises en place.
Jean Villard Gilles disait du Vaudois qu’il n’aime pas les mots trop précis car leurs exactitudes le gêne. Si l’ont dit volontiers que les Vaudois et les Vaudoises sont « un peu mous » ou alors juste lents, Le Mystère Davel nous rappelle que sous ces demi-teintes se cachent des révolutionnaires et des historiens qui n’ont pas peur de secouer le système en place. Alors, que dira le futur sur les grèves du climat ?
Article rédigé par Quatrième Mur, agence de presse spécialisée dans les arts de la scène. Plus d’articles sur : www.quatriememur.ch