Arts Vivants – Du roque au barock
Birds on a Wire au Théâtre du Jorat
Le Théâtre du Jorat accueille ce 7 septembre le duo Birds on a Wire composé de Rosemary Standley et Dom La Nena. La Française et la Brésilienne y proposeront un répertoire mâtiné d’œuvres en tous genres.
Qu’il est compliqué et souvent réducteur de limiter un artiste ou un groupe d’artistes à un style, de dessiner les contours de son/de leur œuvre comme pour dire : « j’ai compris ce que vous proposez et je sais que vous n’en sortirez plus jamais. » On dira pourtant de Gainsbourg qu’il écrit des chansons provocatrices teintées d’humour noir et puisant tant dans le rock anglophone que dans la chanson des années folles. De Proust, on notera qu’il fait des phrases à rallonge pleines de mots précieux. De Chaplin qu’il allie la force de l’humour slapstick et la douce poésie du cinéma muet.
Ainsi facilement résumé en quelques lignes, le parcours de ces artistes peut ma foi sembler relever de l’anecdotique. A quoi servirait en effet de se farcir toute l’œuvre d’un tel ou d’une telle si tout dans celle-ci ne faisait qu’inlassablement se ressembler ?
Parler du travail de Dom La Nena et de Rosemary Standley sur Birds on a Wire présente, de même que pour les précédents cités, nombre d’écueils, parmi lesquels celui de n’en donner à apprécier qu’une infime part de la production. Car quoique leur œuvre se résume pour le moment à deux albums (Birds on a Wire, sorti en 2014 et Ramages, paru en 2020), la quantité de leurs influences et l’éclectisme de leurs titres ne sauraient se condenser en quelques phrases. Essayons tout de même ici d’en dresser les grandes lignes.
Ainsi pourrait-on assez rapidement définir Birds on a Wire comme un « groupe de reprises ». Pourtant, derrière cette terminologie bien véridique, puisque le duo a pris pour habitude de réinterpréter diverses perles musicales allant de Jacques Brel à Claudio Monteverdi et de Pink Floyd à Tom Waits, fleure parfois un sentiment de mépris, qui pourrait assimiler le travail de Dom La Nena et Rosemary Standley à celui d’un obscur groupe de copains qui reprendraient Smells Like Teen Spirit pour énième fois. Non, rien à voir ici avec une fin de soirée de la Fête de la musique. Car Birds on a Wire, bien loin de proposer une pâle copie des œuvres qu’elles reprennent, nous servent au contraire une réinterprétation toute personnelle de chansons parfois puissamment complexes. Peut-on dès lors encore parler de reprises ? Les termes de « réinvention » ou de « réinterprétation » seraient ici davantage pertinents, tant les deux artistes mettent une couleur, un timbre, un ton à toutes ces œuvres que l’on croyait figées dans leur interprétation première.
A côté de cette capacité à transfigurer, un autre point essentiel et intrinsèquement lié au premier semble définir Birds on a Wire : la polyvalence. Capable de passer du rock au baroque, de la folk à la chanson à texte, du portugais au français et de l’anglais à l’italien, les deux comparses dressent, en seulement deux albums, le portrait d’une diversité fascinante de cultures et d’époques. Là encore, on pourrait leur reprocher de puiser à tous les râteliers sans que leur œuvre ait une quelconque cohérence. Faux, une fois de plus. Car de ces influences diverses, Dom La Nena et Rosemary Standley arrivent à dessiner les contours d’une unité globale qui leur permet d’allégrement éviter le risque d’un gloubiboulga mélodique et de créer un univers tout à elles. Un univers fait de poésie, de nostalgie, de liberté, de rêve et surtout d’une concordance parfaite entre musicalité vocale et musicalité instrumentale.
Le mieux est donc peut-être, au moment de se rendre au concert de Birds on the Wire, d’entrer dans la salle sans a priori aucun, de se laisser guider par les sons et les gestes de ces deux chanteuses hors norme et d’apprécier intérieurement ce moment d’évasion, sans chercher forcément à le mettre en mots.
Une occasion qui se présentera le 7 septembre au Théâtre du Jorat dans lequel certains auront déjà pu admirer Rosemary Stanley qui s’y produira le 3 septembre dans le Carmen. de François Gremaud.