Ropraz – Rouler vers l’inconnu pour tisser des liens avec la nature
Après avoir raconté leur expérience et les bienfaits d’une vie de nomade, Céline et Xavier Pasche participent à la création d’itinéraires et de projets visant à renouer avec la nature, notamment au Japon. Rencontre.
Partis en couple en 2010 pour rejoindre la Nouvelle-Zélande à vélo, Céline et Xavier Pasche ne se sont jamais arrêtés. Si l’idée vient de Xavier, Céline, séduite par ce projet, a rapidement voulu l’accompagner. Ce qui devait être un voyage de trois ans à deux s’est peu à peu transformé en une vie de famille sur les routes du monde. Nayla naît en 2013, suivie de Fibie en 2017. Leur tente devient à la fois leur maison, leur école et leur refuge, tandis qu’ils poursuivent leur route au gré des rencontres et des paysages. A l’approche du cap symbolique des 100’000 kilomètres parcourus, les Pasche font une halte en Suisse pour partager leur expérience.
L’urgence de renouer avec la nature
Dans leur conférence, Céline et Xavier partagent leur vision du monde : « On entend de plus en plus parler du déficit de nature chez les enfants. On ne se rend pas compte à quel point, être à l’extérieur développe les sens et les connexions neuronales. C’est essentiel pour eux », explique Céline. Anthropologue de formation, elle observe ce phénomène partout sur le globe. « Cette perte de lien est une préoccupation croissante, notamment au Canada, où le mode de vie moderne laisse peu de place aux expériences en plein air. Nos rythmes de vie s’accélèrent : école, sport, études, travail… Mais plus aucun temps libre pour se ressourcer dans la nature », regrette Céline. Pour illustrer cette frénésie, elle évoque l’image d’un cheval lancé au galop sans trop savoir où il va.
« Au Japon, un musée est équipé d’une pelouse synthétique pour que les habitants puissent expérimenter la sensation de marcher pieds nus dans l’herbe », raconte Xavier. Lors de leurs conférences, ils sont parfois interpellés par des parents qui demandent : « C’est génial ce que vous faites, mais comment aller en nature ? N’est-ce pas dangereux ? ». Une inquiétude qui interroge, selon eux, car ce sont ces enfants qui devront, demain, trouver des solutions face au changement climatique. Pour sensibiliser le plus grand nombre, la famille participe à un projet de revitalisation dans la province d’Hiroshima, à Akiota, un village déserté par la jeune génération. L’objectif : encourager l’éco-tourisme et créer de nouveaux itinéraires cyclables et pédestres en collaboration avec le gouvernement et les autorités locales.
Ils sont également impliqués dans Japan Eco Track, une initiative permettant de parcourir les cinq îles du Japon uniquement par la force physique : à vélo, à pied ou en kayak. « C’est une immersion totale dans une nature faite de volcans et de lieux parfois mystérieux », souligne Céline. Durant les deux dernières années, les Pasche ont donné 45 conférences et participé à quatre symposiums environnementaux au pays du soleil levant.
Nayla et Fibie, qui les accompagnent, ont de leur côté pris part à des journées « Sea to Summit », une aventure qui consiste à partir du bord de l’océan en kayak pour ensuite rejoindre le sommet d’une montagne à pied et à vélo. « Ce sont des expériences qui encouragent les enfants à passer du temps dehors », précise Céline avec un regard admirateur.
Une vie rythmée par la nature et ses défis
Si la nature est leur leitmotiv, elle représente aussi un défi quotidien. « Quand il pleut et qu’il faut plier la tente ou chercher de la nourriture, nous n’avons pas le choix », confie Xavier. Mais les difficultés ne se limitent pas aux intempéries. Céline a notamment vécu une épreuve douloureuse en perdant un bébé à cinq mois de grossesse. « Evidemment, cela a été très dur, mais je pense que la nature m’a aidée et nous a permis de guérir une partie de cette blessure », confiait-elle au micro de la RTS en 2023.
« Beaucoup de gens nous identifient au vélo, mais ce n’est qu’un moyen de transport et une façon de vivre », insiste Céline. C’est d’ailleurs en adoptant cette philosophie qu’ils se sont dit : « Pourquoi ne pas fonder une famille ? ». Après deux ans de voyage, Céline annonce à Xavier qu’elle est enceinte, face à l’Everest. Un des moments les plus marquants de leur aventure. Si la nature est source de bien-être et de sécurité, il en va de même pour les rencontres : « Nous n’avons jamais eu la sensation d’être en danger », affirme Xavier. Alors, quand on leur demande s’ils envisagent de poser définitivement pied à terre, leur réponse tombe sous le sens : « Nous vivons sur le chemin, c’est notre vie. Mais si un jour, l’un d’entre nous n’est plus en phase avec ce quotidien, nous nous adapterons. »
Un apprentissage en pleine nature
L’école sous la tente ne suit aucun programme académique strict, mais évolue avec le développement des filles : « Elles apprennent par l’expérience. Elles ne vont pas découvrir ce qu’est un désert dans un livre, elles vont le traverser », partage Céline. Polyglottes, Nayla et Fibie ont appris l’anglais, le chinois, le japonais et un peu de russe, en plus du français, simplement en étant en contact avec les habitants des pays
traversés.
Pour subvenir à leurs besoins, la famille vit de conférences, comme celles récemment données au Mont-sur-Lausanne et à La Tour-de-Peilz. « Nous en avons animé environ 200 depuis 2010 », détaille Xavier. Mais depuis la pandémie, leur activité s’est diversifiée : leur rôle de consultants pour les projets liés à la mobilité douce, la revitalisation des espaces et la reconnexion des enfants avec la nature a pris plus d’importance : « Se déplacer à vélo, c’est bien plus qu’un mode de transport. C’est un chemin intérieur qui permet de développer les cinq sens », conclut Céline.