(Re)découvrir les peintres vaudois et suisses
Au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne jusqu’au 15 mai
Pierre Jeanneret | Cet article s’adresse particulièrement à celles et ceux qui croient ne rien savoir de la peinture (ce qui n’est pas honteux !). La collection permanente du MCBA offre la possibilité de parcourir les différentes périodes, écoles et mouvements de la peinture vaudoise et suisse. De courtes notices explicatives accompagnent les œuvres les plus marquantes. On ne se laissera pas impressionner par la froideur extérieure du nouveau musée sis à côté de la gare…
La visite commence avec un tableau de François Dubois, huguenot d’Amiens réfugié à Genève : c’est la représentation la plus réaliste et la plus atroce du massacre de la Saint-Barthélémy en 1572. Puis l’on passe à la période romantique, avec notamment les paysages du Genevois Alexandre Calame. Les 18e et 19e siècles se caractérisent en particulier par la passion pour l’Italie antique et ses ruines. On retrouve ce goût dans le classicisme, dont Charles Gleyre fut un illustre représentant. Il s’est adonné à la peinture d’histoire : Les Romains passant sous le joug était un manifeste de la Suisse en train de se créer comme Etat fédéral, et recherchant des mythes fondateurs. On doit aussi à Gleyre des nus très académiques (Le coucher de Sapho), bien loin de la sensualité qui imprègne ceux du Titien ou de Renoir ! Quant à Albert Anker, trop souvent considéré comme passéiste, il fut un portraitiste au talent remarquable, s’attachant notamment aux figures de vieillards et d’enfants. La visite permet aussi de contempler plusieurs toiles de François Bocion, le peintre du Léman, notre lac étant souvent saisi au crépuscule dans des teintes rougeoyantes.
La peinture du 20e siècle
Au 1er étage du MCBA, le visiteur est confronté à la peinture du 20e siècle. Elle est représentée, entre autres, par un bel ensemble d’œuvres de Félix Vallotton, Vaudois émigré en France, dont on admirera la toile Vases à Honfleur, peinte en 1917, et où l’on distingue donc à l’arrière-plan une flottille de guerre. René Auberjonois a peint des tableaux très intimistes aux couleurs assez sombres, dont un célèbre portrait de Charles-Ferdinand Ramuz. Le Vaudois Théophile-Alexandre Steinlen, devenu parisien et acquis aux idées anarchistes, a laissé de percutantes gravures aux sujets sociaux. Dans un canton très conservateur sur le plan artistique, Gustave Buchet fut l’un des rares à adhérer aux courants novateurs comme le cubisme et le futurisme. On le voit bien dans son œuvre L’Esprit nouveau de 1926-1928. Elle aussi influencée par le cubisme, Alice Bailly a exalté la figure féminine dans des toiles chatoyantes comme La Femme à l’éventail. Marius Borgeaud, lui, a trouvé en Bretagne son thème favori, les scènes d’intérieur. D’Ernest Biéler, surtout connu comme peintre d’un Valais traditionaliste, on ne manquera pas un superbe grand tableau symboliste, L’Eau mystérieuse.
L’art contemporain
Le 2e étage est, lui, consacré à l’art contemporain. Parmi bien d’autres œuvres, nous mentionnerons la vue expressionniste de Glion par Oskar Kokoschka, les œuvres très colorées de Francine Simonin et l’originalité de celles de Jean Dubuffet. Sans parler d’autres œuvres actuelles, où l’idée l’emporte souvent sur la réalisation (art conceptuel), peut-être moins accessibles pour le profane. Cela étant dit, le MCBA présente aussi un joli florilège de peintres français, tels Monet, Renoir, Gauguin, Degas…
Résister, encore
Cette exposition temporaire, la dernière du directeur Bernard Fibicher à la veille de sa retraite, veut rendre compte des diverses manières de résister au capitalisme néo-libéral, à la mondialisation, à l’homophobie, au harcèlement sexuel, au racisme, et j’en passe… Une série de peintures, sculptures, vidéos, montages sont censés illustrer ce thème. On relèvera les toiles de l’Américain Philip Guston, qui pose sur ses personnages les coiffes pointues des membres du Ku-Klux-Klan, celles de Myriam Cahn au contenu très féministe, ou encore l’installation de Fabrice Gygi, inspirée par les défenses antichars. Une attention particulière pour les remarquables broderies réalisées par des femmes d’Amérique centrale, imprégnées par le sang de leurs consœurs assassinées. L’exposition dure jusqu’au 15 mai.