“Le retour des loups” – Qui dit loup, dit conflits
“Le retour des loups” (Die Rückkehr der Wölfe) – Documentaire de Thomas Horat
Colette Ramsauer | L’augmentation du nombre de loups dans nos Alpes a interpellé le cinéaste suisse Thomas Horat. Elle est le sujet de son dernier documentaire qui a nécessité plus de trois ans de tournage. Tour d’horizon sur l’acceptation ou pas du retour du canidé chez les humains, le documentaire nous emmène dans d’autres pays en Europe et outre-Atlantique.
Dans nos verts pâturages
Le film est construit sur des interviews avec des éleveurs, des scientifiques, mais aussi avec un photographe, des observateurs, de simples passionnés, ou pas. Thomas Horat a rencontré Uely Metz, éleveur sur l’Alpe Ramuz dans le massif du Calanda où est apparue en 2012 la première meute de loups en Suisse. Après avoir perdu six bêtes de son troupeau, l’éleveur grison a décidé d’élever des chiens de garde, d’installer des barricades, d’engager pourquoi pas un berger. Il doute que l’aide de la Confédération suffise à combler ses frais. Non loin de là, à Oberkunkels, le cinéaste recueille le témoignage touchant de Lieni Schneller: « J’ai toujours clôturé mes moutons. Je ne supporterais pas qu’un renard ou un loup les égorge, j’ai déjà bien de la peine à les amener à l’abattoir ». Il dit ne pas vouloir un grand troupeau, ce qui l’empêcherait de reconnaître chaque bête. En Valais, David Gerke, du groupe suisse pour la protection du loup, explique son intérêt global pour la cause. La synthèse des observations sur les loups, les cervidés, les ovins, la flore et l’agriculture par ce biologiste, berger et chasseur tout à la fois, prouve que le loup a sa place parmi nous. Thomas Horat donne la parole à des scientifiques convaincus de la nécessité pour la biodiversité de la présence du prédateur des bouquetins et des chamois en pléthore.
De la Bulgarie au Minesota
Une séquence étonnante tournée au Canada montre la biologiste autrichienne Gudrun Pflüger se laissant approcher par deux loups, une scène qui confirme que cet animal ne s’attaque pas aux humains. Faisant du retour du loup son combat, cette passionnée va à la rencontre des bergers pour dialoguer, invite les enseignants d’écoles d’agriculture à sensibiliser leurs élèves. Certains se disent « pas intéressés, pas concernés par le sujet » déplore-t-elle. En Slovénie, Bulgarie, Pologne où le loup, le lynx et l’ours n’ont pas été éradiqués, la tolérance de certains malheureusement ne cesse de baisser. Là encore, éleveurs et scientifiques s’expriment. Le film nous offre des images magnifiques lorsque la caméra suit un photographe passionné dans le Minesota ou qu’elle retrouve des scientifiques allemands répèrant les traces d’une première meute sur un champ militaire abandonné, aujourd’hui une zone de nature en fleurs.
Situation inédite
Le film revient sur notre héritage d’angoisse concernant le loup. Des séquences animées à partir d’anciennes illustrations, rappellent la peur que le canidé suscitait fin du 19e siècle. L’image du gros méchant loup, du Petit chaperon rouge, a hélas davantage marqué nos mémoires que celle de la brave louve romaine qui allaita Romulus et Rémus ! On reconnaît aujourd’hui que les attaques d’êtres humains par le loup sont extrêmement rares. Nous nous trouvons devant une situation inédite. Qui aurait imaginé, il y a même pas vingt ans, une telle évolution de l’espèce dans notre pays. Du premier spécimen observé en 1995, quelque 80 loups étaient recensés en Suisse l’an dernier. Même si le film répète ce que les médias nous diffusent depuis des mois concernant l’acceptation du canidé dans nos montagnes, le documentaire de Thomas Horat est à ne pas manquer, la dimension internationale du sujet faisant tout son intérêt.
Le retour des loups (Die Rückkehr der Wölfe) Documentaire de Thomas Horat, Suisse, 2019 – 90′, vostfr, 16/16
Sortie le 23 septembre Au cinéma d’Oron en présence du réalisateur: le jeudi 1er octobre, à 20h