Pully Lavaux en chanson : un nouveau festival pour faire vibrer la francophonie
Le rendez-vous musical qui se tient du 4 au 6 avril à l’Octogone Théâtre de Pully ambitionne de mettre à l’honneur les artistes suisses et d’ailleurs. Cette première édition débutera avec un hommage à Michel Bühler, figure incontournable de la chanson romande. Présentation.

Si le nom de Rico Perriard évoque un festival bien connu des amateurs de chanson québécoise, ce n’est pas un hasard. Il fut le fondateur de Pully-Lavaux à l’heure du Québec, un événement qui pendant 26 ans, a permis au public romand de découvrir les plus belles plumes venues d’outre-Atlantique. « Ce festival a marqué des générations de spectateurs et a contribué à tisser des liens solides entre les artistes suisses et québécois », se remémore Rico Perriard. « Mais après la dernière édition en 2022, j’ai bien senti que la relève allait partir sur une programmation plus jeune et peut-être plus d’actualité. Donc, plus rien à voir avec les 26 ans de chanson québécoise francophone. Avec plusieurs fidèles de l’ancien festival, nous avons, avec regret et amertume mis le drapeau de la belle province en berne. Provisoirement, car énormément d’artistes, dont Luc Plamodon m’ont sollicité à reprendre la route vers Québec et autres pays francophones. »
Denis Alber, lui, est un habitué des scènes romandes et a toujours défendu la chanson d’expression française. « L’idée était de prolonger l’héritage du festival tout en élargissant l’horizon », précise-t-il avant d’ajouter qu’ils ne voulaient pas seulement célébrer le Québec, mais bien l’ensemble des talents de la francophonie, de Suisse, de Belgique, de France et d’ailleurs.
Un lancement sous le signe de Michel Bühler
Pour sa première édition, « Pully Lavaux en chanson » débutera avec un hommage appuyé à Michel Bühler, auteur-compositeur-interprète vaudois disparu en 2022. « Michel Bühler était un poète, un militant, un amoureux des mots », rappelle Denis Alber. « Il a chanté les espoirs et les révoltes avec une sincérité rare. Lui rendre hommage nous est apparu comme une évidence ».
Le spectacle « La Fête à Michel Bühler », programmé du vendredi 4 au dimanche 6 avril réunira sur scène plusieurs artistes proches de son univers. Parmi eux, Sylvie Bourban, Edmée Fleury, Pascal Rinaldi ou encore des artistes québécois tels que Paule-Andrée Cassidy et Mario Brassard. Le tout sous la direction musicale du pianiste vaudois Gaspard Glaus. « Ce sera une grande célébration, dans l’esprit de ce qu’il aurait aimé. Une scène vivante, des chansons qui résonnent et des amis qui partagent leur art », confie Rico Perriard.
D’autres événements à venir
Les organisateurs de « Pully Lavaux en chanson » proposent plusieurs événements, tous centrés sur la chanson francophone. Pour l’heure, les thématiques futures ne sont pas encore connues. Mais une chose est certaine, c’est que l’Octogone Théâtre de Pully sera le point d’ancrage pour ces rendez-vous, qui mêleront découvertes, hommages et rencontres inédites entre artistes de différents horizons : « Nous voulons que ce festival devienne un espace de rencontre, de transmission », précise Rico Perriard. « A une époque où la musique est de plus en plus consommée en streaming et où la chanson d’auteur lutte pour exister face aux tendances éphémères, il est crucial de recréer des moments d’écoute, de partage, de proximité avec le public. »
Si le Québec reste un partenaire naturel, le festival compte également explorer d’autres territoires francophones et offrir une tribune aux jeunes artistes suisses : « La chanson francophone évolue, se renouvelle. Il y a une nouvelle génération qui porte des textes forts, qui mélange les influences. Notre but, c’est aussi de mettre en lumière ces voix-là », ajoute Denis Alber. Pour l’heure, les deux autres atmosphères du festival ne sont pas encore connues.
Retour aux sources
Avec « Pully Lavaux en chanson », la ville renoue avec son histoire musicale tout en regardant vers l’avenir. En interview, les organisateurs ont affirmé leur philosophie : offrir une scène à la chanson d’expression française, dans toute sa diversité, sa richesse et sa modernité. Un défi ambitieux, mais qui repose sur des bases solides et une équipe expérimentée.
Les billets sont disponibles sur le site de la manifestation, et le programme des futures éditions du festival promet déjà d’attirer l’attention des amateurs de chanson. Une chose est sûre : Pully n’a pas fini de chanter.

Luc Plamandon, parrain du Pully Lavaux en chanson
Parmi les artistes qui ont marqué la chanson francophone, difficile de ne pas mentionner Luc Plamondon, parolier québécois de légende. C’est entre autres, grâce à lui, que l’on doit « La Fête à Michel Bühler ». Né à Saint-Raymond-de-Portneuf, Luc Plamondon grandit dans une ferme familiale avant de découvrir, adolescent, la chanson française d’Aznavour à Gainsbourg, tout en étant bercé par le rock d’Elvis Presley.
Après des études en lettres et en histoire de l’art, il voyage à travers l’Europe et les Etats-Unis, où il se nourrit de comédies musicales. De retour à Montréal, il signe Dans ma Camaro, son premier succès en 1970. Mais c’est sa rencontre avec Diane Dufresne qui propulse sa carrière. Il devient le premier parolier rock de langue française et collabore avec Julien Clerc, Catherine Lara, Robert Charlebois, Françoise Hardy, Johnny Hallyday et bien d’autres. Sa carrière prend une dimension exceptionnelle avec la création de Starmania (1978), en collaboration avec Michel Berger, puis de Notre-Dame de Paris (1998), qui totalise plus de 12 millions de spectateurs dans le monde. Il est également à l’origine de plusieurs autres comédies musicales, dont La Légende de Jimmy (1990) et Cindy (2002).
A l’occasion de la première édition du festival, nous sommes partis à la rencontre de Sylvie Bourban et Pascal Rinaldi. Entre transmission, influences et projets à venir, ils se confient sur leur parcours et leur vision de la musique. Interviews.
Une voix valaisanne aux horizons multiples

Originaire de Nendaz, en Valais, Sylvie Bourban est une chanteuse suisse dont le parcours éclectique l’a menée des Alpes aux scènes internationales. Formée au Berklee College of Music de Boston, elle a su marier les sonorités jazz, pop et chanson française dans une carrière riche en collaborations et en projets personnels.
Le Courrier :Vous avez grandi à Nendaz et commencé votre parcours musical dans les chorales locales. Comment cette enfance en Valais a-t-elle influencé votre sensibilité artistique ?
Sylvie Bourban : C’est la nature qui a le plus influencé mon enfance. Petite, je discutais avec les arbres, je rêvais au bord des rivières… Autour de mon mayen, j’étais inspirée et mon imagination était très vivante ! On retrouve ça dans mes compositions, notamment.
Le Courrier :Votre formation au Berklee College of Music a été un tournant majeur. Qu’avez-vous retenu de cette expérience américaine et comment a-t-elle façonné votre carrière ?
SB : Ce que j’ai retenu, c’est à quel point c’est une chance folle de pouvoir partager mon art. Là-bas, je me suis sentie portée, encouragée. Les gens sont de nature joyeuse et te font sentir que tu n’es pas une menace si ça fonctionne pour toi… qu’il y a de la place pour tout le monde ! Mes profs et collègues étaient très inspirants et continuent à avoir des carrières qui m’impressionnent. Berklee a produit beaucoup de gens qui font partie du décor musical actuel. Je me sens chanceuse d’en être diplômée.
Le Courrier :Vous avez sorti plusieurs albums, dont « Et pourtant elle fond » en 2022 et « Encore » en 2023. Pouvez-vous nous parler de l’évolution de votre univers musical à travers ces œuvres ?
SB : Je ne sais pas comment mon monde musical évolue, mais en tout cas, je suis heureuse de vivre les ressentis de studio. C’est intense, feutré, ça demande une immense concentration. Il faut tout donner en très peu de temps.
Je n’ai jamais « présenté au monde un projet abouti ». J’ai toujours « partagé un moment instantané de studio », dans le plaisir de simplement jouer des chansons que j’aime, avec des musiciens que j’aime, tout en revoyant mes amis de Berklee et en voyageant… J’ai toujours enregistré mes albums en live, très rapidement et là où habitent mes musiciens… Ces dernières années j’ai enregistré à New York, Boston, Tel Aviv, Barcelone, Fribourg, en Suède aussi…
Le Courrier :Vous êtes également pédagogue et proposez des cours de chant. Comment conciliez-vous votre carrière artistique et l’enseignement ?
SB : Je suis tout simplement très très occupée… Mais je ne saurais choisir entre les deux… j’adore recevoir des élèves. J’ai des techniques qui permettent à mes élèves d’avoir beaucoup de plaisir et d’évoluer de façon très claire. C’est enrichissant, et j’adore la pédagogie.
Le Courrier :Votre participation au festival « Pully Lavaux en chanson » est très attendue. Que représente pour vous cet événement et quel lien entretenez-vous avec la chanson francophone ?
SB : Je me réjouis immensément de chanter les chansons de Michel Bühler. Il avait une plume incroyablement belle, et l’émotion que je ressens en chantant ses chansons est un ressenti dont je compte profiter au maximum lors de ces concerts.
Lors de mon dernier passage à ce festival et sur cette scène, j’étais à ses côtés, alors il va aussi beaucoup me manquer.
L’art de la chanson à l’état pur

Né à Lausanne, Pascal Rinaldi est un auteur-compositeur-interprète suisse qui, depuis plus de quatre décennies, enrichit la scène musicale francophone de ses textes poétiques et engagés. Lauréat du concours de la Chanson française à Montreux en 1978, il a su imposer son style unique au fil des années.
Le Courrier : Vous avez débuté votre carrière en remportant le concours de la Chanson française à Montreux en 1978. Comment cette reconnaissance a-t-elle influencé votre parcours musical ?
Pascal Rinaldi : Ce prix a été un véritable tremplin. Il m’a offert une visibilité et m’a permis de croire en la légitimité de ma démarche artistique. A partir de là, j’ai pu me consacrer pleinement à la musique et explorer diverses facettes de la chanson francophone.
Le Courrier : Votre discographie est riche et variée, avec des albums tels que « Squatter de cœur » en 1987 ou « Portraits de femmes en miettes » en 2020. Comment votre écriture a-t-elle évolué au fil du temps ?
PR : Mon écriture a évolué avec mes expériences de vie. Chaque album reflète une période spécifique, des questionnements personnels aux observations sociétales. Avec le temps, j’ai cherché à épurer mon style, à aller à l’essentiel, tout en conservant une certaine poésie dans les textes.
Le Courrier : Vous participez au festival « Pully Lavaux en chanson » qui rend hommage à Michel Bühler. Quelle relation entreteniez-vous avec lui et que représente cet hommage pour vous ?
PR : Michel était un ami et un mentor. Son engagement, sa sincérité et sa plume ont toujours été une source d’inspiration. Participer à cet hommage est une manière de saluer son immense contribution à la chanson romande et de partager avec le public l’empreinte qu’il a laissée en chacun de nous.
Le Courrier : La scène musicale a beaucoup changé depuis vos débuts. Comment percevez-vous ces évolutions et quel regard portez-vous sur
la nouvelle génération d’artistes francophones ?
PR : La musique évolue constamment, et c’est une bonne chose. Les nouvelles technologies ont bouleversé les modes de production et de diffusion. La jeune génération apporte une fraîcheur et une diversité qui enrichissent le paysage musical. Je suis toujours curieux de découvrir de nouveaux talents et de voir comment ils réinventent la chanson francophone.
Le Courrier : Vous avez collaboré avec de nombreux artistes tout au long de votre carrière. Quelle importance accordez-vous à ces collaborations et comment enrichissent-elles votre univers musical ?
PR : Les collaborations sont essentielles. Elles permettent d’échanger des idées, de se remettre en question et d’explorer de nouvelles directions. Chaque rencontre artistique est une opportunité d’apprentissage et d’enrichissement mutuel.
Le Courrier : Quels sont vos projets à venir et quelles aspirations nourrissez-vous pour l’avenir de la chanson francophone ?
PR : Je travaille actuellement sur un nouvel album qui sortira en juin. Quant à la chanson francophone, j’espère qu’elle continuera à évoluer tout en restant fidèle à ses racines. Il est important de préserver la richesse de notre langue tout en s’ouvrant aux influences contemporaines.