Puidoux – Où en sommes-nous avec les énergies renouvelables dans le district ? -Hydro-électricité
Transition énergétique – 3 / 4
Thomas Cramatte | La Suisse se trouve actuellement dans un tournant en ce qui concerne son approvisionnement énergétique. Arrivée comme un cheveu sur la soupe, la récente déclaration de black-out annoncée par Guy Parmelin en a surpris plus d’un. Mais alors, où en sommes-nous avec les énergies renouvelables dans le district ?

Pour éviter la saturation du réseau électrique, les fournisseurs d’énergies adaptent leurs prestations. L’objectif est simple : produire davantage grâce aux infrastructures existantes. Si les particuliers sont toujours plus nombreux à produire et consommer leur électricité via des panneaux solaires, les centrales hydrauliques génèrent près de la moitié (48.7 %) de l’électricité consommée en Suisse. 677 centrales installées au fil de l’eau sont dénombrées à la fin 2020, une vingtaine sont recensées dans le canton. Véritable symbole national, les barrages font intégralement partie du paysage helvétique, surtout dans les cantons alpins. Pourtant, la topographie favorable de Lavaux et les fortes précipitations permettent d’exploiter la force hydraulique, la preuve par l’exemple, avec la centrale du Forestay.
Exploitation historique
Méconnue, cette turbine ne date pourtant pas d’hier. « Durant plusieurs siècles, cette rivière a été exploitée pour sa force hydraulique par un grand nombre d’installations », écrit Denyse Raymond dans son ouvrage, Les Maisons rurales Vaud (tome 2). Le Forestay, qui est l’émissaire du lac de Bret, n’a pas toujours porté ce nom. Ruvina, puis Le Flon, on observe un premier rehaussement en 1875 pour améliorer son utilisation. « A l’époque, on détournait presque chaque cours d’eau pour faire tourner un moulin », explique Guillaume Gros, chef du service actifs et production chez Romande Energie. Si plusieurs moulins étaient répartis le long des sept kilomètres que compte le Forestay, c’est à l’embouchure avec le Léman que l’on retrouve l’unique centrale hydro-électrique du district. Plus exactement, au lieu-dit des anciens Moulins de Rivaz. Rachetée et rénovée par Romande Energie, cette infrastructure permet d’alimenter quelque 700 ménages en électricité. « Sa modernisation permet de produire 2.6 millions de kilowattheures (kWh) par an », précise l’ingénieur. A titre de comparaison, la Grande Dixence produit deux milliards de kWh par année. Mais pour le Gestionnaire de Réseau de Distribution (GRD), la rénovation de la centrale du Forestay permet de produire sept fois plus d’électricité qu’auparavant.
Première Suisse
Les contraintes environnementales et patrimoniales de Lavaux ont exigé une technique de forage innovante : « La conduite forcée permettant de diriger l’eau du Forestay jusqu’à la turbine est presque entièrement souterraine », ajoute Guillaume Gros, en précisant que ce cours d’eau est parfois capricieux. « Le bassin versant c’est-à-dire là où la pluie arrive est plutôt petit. C’est pour cette raison que le Forestay est sensible aux crues et aux fortes précipitations ». Techniquement, la nervosité du cours d’eau permet de démarrer quasi immédiatement la production d’électricité. Par contre, dès que les pluies s’arrêtent, la turbine perd rapidement de la vitesse. « Un débit minimum de 50 litres/seconde doit être laissé en permanence à la rivière pour la faune et la flore ». Hormis le respect de cette réglementation fédérale, le Forestay représente un attrait touristique : « Il serait dommage de voir la cascade, qui se situe juste en dessus de la centrale, asséchée ». Depuis 2015, autrement dit, depuis la fin des rénovations, Romande Energie se dit satisfait de la production de la petite centrale. « Aujourd’hui, on perçoit les impacts du dérèglement climatique sur nos centrales. Car la variabilité de la production est toujours plus importante », commente Guillaume Gros. A ce titre, le chef de la production informe que sa société prend le réchauffement terrestre très au sérieux et qu’elle travaille pour éviter que ses installations ne se détériorent. « Les centrales similaires à celle-ci, installées en montagne, sont plus sujettes à la hausse des températures. Avec la fonte du permafrost, on retrouve plus de sédiments et cela dégrade les installations ». Les barrages ont un intérêt plus stratégique, car ils permettent de retenir l’eau et de la redistribuer en été. Ces parois de béton peuvent également produire l’électricité à la demande et limiter les crues. Les GRD travaillent actuellement sur d’autres techniques de production d’électricité renouvelable. Même si le potentiel exploitable atteint bientôt son maximum, les spécialistes penchent sur plusieurs scénarios : « Le rehaussement des barrages déjà existants permettrait d’augmenter la production. Les glaciers se retirant, cela laisse apparaître une chute d’eau qui pourrait être valorisée », nous renseigne Guillaume Gros.
Black-out en 2025 ?
Pour le gestionnaire de réseau romand, il est important de ne pas faire d’amalgame entre un black-out et une pénurie : « Ce sont deux choses différentes », explique Michèle Cassani, porte-parole de Romande Energie. « Un black-out est une panne soudaine, tandis qu’une pénurie est un manque d’approvisionnement. Cette dernière peut être anticipée », ajoute la conseillère en communication. La Confédération travaille actuellement avec l’aide des différents GRD pour prévenir le risque de pénurie d’électricité. Sur le terrain, cela se résume à exporter la production d’électricité suisse en été et la racheter à nos pays voisins durant l’hiver. Si l’accord-cadre avec l’Union Européenne favorisait l’exportation et l’importation de l’électricité, sa récente rupture complique le travail des gestionnaires de réseau : « Nous devons repenser notre manière d’exporter et de nous approvisionner afin de trouver un juste milieu ». L’abandon de l’accord-cadre confronte plusieurs secteurs à une hausse des prix. « C’est une crainte pour nous, mais nous allons faire avec », indique Michèle Cassani. « La politique de Romande Energie est d’augmenter sa part de production des énergies renouvelables pour pouvoir se reposer le plus possible là-dessus ». Une stratégie qui s’observe au-delà de l’entreprise suisse, puisque l’Europe veut également sortir du nucléaire et exploiter davantage les énergies propres : « C’est aussi pour cette raison que l’électricité deviendra moins abondante et qu’il sera plus difficile de compléter le réseau helvétique ». La démarche pour espérer remédier à la pénurie serait de mélanger tous les types d’énergies renouvelables. « C’est le mix énergétique, soit la complémentarité entre l’hydraulique, le solaire et l’éolien, qui nous permettra de plus produire d’énergie renouvelable et potentiellement, d’anticiper une pénurie » détaille la porte-parole .
