Puidoux – Des langues et des accords… une vie mise en musique
90 ans de Françoise Krauer

Françoise, Valentine, Sébastien et Aloïs
Valentine Krauer | Jeudi passé, René Gilléron, syndic de Puidoux, Jean-François Rolaz, municipal et Jacques Chevalley, président du Fil d’argent, venaient célébrer les nonante ans de Françoise Krauer. Le pasteur Eric Bornand était également présent, mais, a-t-il dit, en sa qualité de voisin, relevant le plaisir qu’il a à batoyer avec Françoise, « qui lui apprend quelque chose à chaque visite ». Les bras chargés de fleurs et de cadeaux, cette joyeuse délégation a dégusté un apéro oriental, puisque c’est la couleur locale de la maison. En effet, Françoise Krauer, est née le 12 octobre 1931 au Caire, son père ayant été envoyé là-bas pour diriger la branche égyptienne de la maison Sulzer. A Maadi, petite bourgade en marge de la capitale, Françoise façonne son enfance entre l’école anglaise, dans laquelle on l’envoie pour y recevoir une éducation occidentale, sa famille aux traditions bien ancrées dans leurs origines vaudoises et les amitiés qu’elle tisse avec le jardinier, le cuisinier et les amis du quartier. Ce mélange de cultures lui permet d’intégrer très vite trois langues qu’elle parle encore aujourd’hui avec aisance. Vers l’âge de huit ans, elle commence le piano et à partir de ce jour pas une journée ne se passe sans que ses mains courent sur un clavier. Chaque été, Françoise passe les trois mois de vacances chez sa grand-tante, à Crissier avec sa mère et ses frères. Ainsi, la barque de ses jeunes années descendra le cours du Nil pour remonter celui du Rhône…. A 20 ans, alors que ses deux frères sont âgés respectivement de 9 et 4 ans, Françoise traverse une dernière fois la Méditerranée pour passer une année dans une école ménagère près de Zurich. Changement d’ambiance. Elle passe des falafels aux röstis et s’enrichit d’une quatrième langue. Une fois la maîtrise de la panosse accomplie, elle poursuivra ses études de piano au Conservatoire de Genève avant de s’engager dans une formation de secrétaire à l’école Payot de Lausanne. Elle trouvera sa première place de travail dans un internat privé pour enfants de familles aisées à Gryon. Dans la boîte à souvenirs de cette période-là, elle garde outre les frasques du fils de François Malraux, la photo de John Kerry qu’elle a mouché bien des fois avant qu’il ne se présente aux élections américaines. C’est là qu’elle rencontre André Krauer, un artiste original qui l’emmènera en side-car vers des plages sauvages, des appartements bucoliques et délabrés, les chœurs qu’il dirige, les scènes de théâtre et bien plus tard à l’Hôtel de Ville. Le jeune couple quitte la montagne pour s’installer en ville. Françoise travaillera quelques années comme secrétaire et se grisera de cette nouvelle indépendance dans le Lausanne des années soixante. En 1962, Françoise et André trouvent une maison en équilibre sur un rocher, une vieille grange désaffectée à côté de la chapelle de Puidoux. On change de partition! Le couple s’installe et engage des travaux pour accueillir leur premier enfant qui naîtra en 1965. Plus de cinq années passent avant la naissance d’une petite sœur. Françoise reste active dans le domaine de la musique puisqu’elle donne des leçons de piano à toute la marmaille des environs et continue de chanter dans tous les chœurs dirigés par son mari, notamment la Chorale de Puidoux qu’elle ne quittera qu’en 2018 !!! Elle propose aussi des leçons d’anglais et d’allemand aux élèves de la région et des cours de français aux jeunes suisses-allemands en séjour linguistique de notre côté de la Sarine. Le temps s’écoule, laissant sur son passage les écueils de la vie, André s’en va vers d’autres aventures, les enfants quittent le nid et Françoise reste. Réputée dans toute la contrée pour ses cours de langues et de piano, elle poursuit son activité d’enseignante privée jusqu’à l’âge de huitante ans et continue de chanter. Fidèle gardienne de la maison sur le rocher, désormais couverte de vigne vierge, toujours entourée d’un cortège d’amis fidèles, de voisins attentifs et de chats affectueux, Françoise offre encore généreusement son sourire à celui qui prend le temps de s’arrêter là pour un sirop…