Pourquoi l’arrachage de laurelles peine-t-il à décoller ?
Malgré une subvention cantonale, l’arrachage de laurelles peine à décoller dans les communes du district Lavaux-Oron. Celles-ci soulignent notamment leur difficulté à promouvoir les mesures de biodiversité auprès de la population.

Texte et photo Diane Zinsel | Les laurelles forment des haies parfaites, mais mettent en danger nos forêts et la biodiversité. Ciblées par plan cantonal d’action Biodiversité 2019-2030 du canton de Vaud, celui-ci alloue une subvention aux communes et aux propriétaires privés qui s’en débarrassent. Près de 7590 mètres de laurelles ont ainsi été remplacés ou sont sur le point de l’être sur le territoire vaudois depuis le début de l’opération, selon les chiffres de la Direction générale de l’environnement que Le Courrier Lavaux-Oron-Jorat a pu consulter. « La subvention pour le remplacement des haies de laurelles est la subvention de promotion de la nature dans l’espace bâti qui a le plus de succès auprès des communes et des particuliers. Il s’agit d’une excellente mesure complémentaire à l’interdiction de vente de laurelles, entrée en vigueur l’année passée », indique-t-on de même source.
Dans le détail, un montant de 60 francs par mètre est distribué si le ou la propriétaire remplace ses laurelles par un mélange de différentes plantes indigènes. « A l’heure actuelle, nous avons reçu 150 demandes. Certaines d’entre elles font suite à des campagnes de communication menées par certaines communes et regroupent plusieurs demandes de propriétaires privés. Les dix districts sont représentés », précise le département. Au total, jusqu’ici, 455’208 francs ont été alloués ou promis.
Différence étonnante
A regarder de plus près les chiffres à disposition, l’arrachage et le remplacement de laurelles rencontrent un succès très différent d’un district à l’autre. Ceux de Nyon (2237 mètres arrachés), Morges (1587 mètres) et l’Ouest lausannois (1101 mètres) représentent près de deux tiers de la totalité de l’effort. En queue de peloton figurent Lausanne avec 166,5 mètres et Lavaux-Oron avec 60 mètres. Ces chiffres sont toutefois à prendre avec des pincettes : aucune statistique ne recense le nombre de mètres de laurelles existants chez les privés ni les arrachages qui auraient été faits sans recours à la manne cantonale.
Contacté, Jean-Yves Cavin, municipal à Bourg-en-Lavaux ne s’explique pas cette différence. « Nous avons mis en place un formulaire sur notre site internet pour aider les propriétaires et regrouper leurs demandes au canton, lancé un appel à la population via divers moyens de communication. La commune organise aussi un jour de ramassages de laurelles par année afin de faciliter leur transport jusqu’à la déchèterie », liste-t-il. Au final, seules deux personnes ont entrepris la démarche. « Il est difficile de promouvoir les mesures en lien avec la biodiversité auprès de la population. C’est un constat partagé par différentes communes », note Etienne Blanc, municipal à Lutry, où une seule demande a été déposée. Cela a débouché sur l’arrachage, actuellement en cours, de 17 mètres de haies, qui n’a pas encore été comptabilisé dans le décompte cantonal. « Peut-être que certains propriétaires le font eux-mêmes sans passer par la subvention », avance-t-il aussi.
Si le domaine public a bien été libéré des laurelles et une communication à la population effectuée, « on n’en a pas fait une priorité », souligne Daniel Bourloud, municipal à Puidoux, qui a enregistré une seule demande. Tout comme les autres communes, Puidoux a l’obligation légale d’arracher ou de faire arracher les plantes invasives nuisibles, telles que la renouée du Japon, l’ambroisie, le chardon ou encore les bambous dorés ou du Japon. « On ne peut pas être partout et on estime que la lutte contre les chardons par exemple et, dont les fleurs s’envolent pour se ressemer, est plus urgente que celle contre les laurelles », résume-t-il.
Question de subventions
La laurelle, très présente en Lavaux, est une plante néfaste pour la biodiversité (voir encadré) ; elle est aussi increvable, extrêmement facile d’entretien, reste verte toute l’année et forme un brise-vue de choix pour quiconque veut protéger l’intimité de son jardin, analyse Loïc Magnin, qui dirige la société Onepaysage, essentiellement active dans la région.
« Nous avons beaucoup de demandes de devis pour l’arrachage de laurelles et nombre de nos clients ne connaissaient pas l’existence de cette aide cantonale », explique-t-il. Selon lui, la subvention n’a pas forcément d’impact sur la décision finale. La manne n’est attribuée que si les laurelles sont remplacées par un mélange d’essences indigènes ; or, constate-t-il, ses clients ne sont pas toujours convaincus par les options de remplacement qui demandent plus d’entretien pour moins d’opacité. Et puis, le montant de 60 francs par mètre ne permet pas de couvrir les frais d’arrachage qui peuvent s’avérer très compliqués lorsque les haies ont eu des années pour ancrer leurs racines ou qu’elles sont difficiles d’accès. Cette somme permet en réalité tout juste de quoi payer l’achat de petits plants, ajoute-t-il.
Les laurelles étaient encore vendues en jardinerie il y a un an, une importation permise et taxée par la Confédération, rappelle de son côté Daniel Bourloud, de Puidoux. Selon lui, et pour ces raisons, il est aujourd’hui difficile d’exiger des propriétaires ou de la commune qu’ils sortent de leur poche de quoi payer cet arrachage, ou du canton qu’il augmente son aide.
De son côté, la commune de Bussigny (Ouest lausannois) a, elle, décidé de compléter l’aide cantonale. « Depuis 2023, nous prenons en charge 30 % de la facture totale et les demandes ont clairement augmenté dans la foulée », précise Steve Jacot, délégué communal au développement durable, qui estime à 460 (200 sur le domaine public et 260 chez des privés) le nombre de mètres de laurelles ainsi supprimés. Mais depuis cette année, les subventions ne sont plus cumulables, regrette-t-il.
« Je trouve vraiment dommage que le canton se désengage si la commune prend le relais. Ce n’est pas le cas en ce qui concerne les subventions énergétiques, alors pourquoi le faire pour celles liées à la biodiversité. Ce n’est pas un bon signal », ajoute Steve Jacot. La commune de Bussigny a identifié treize kilomètres de haies exotiques sur son territoire, dont environ huit de laurelles.
« Il reste du boulot ! », relève Steve Jacot.