Portrait – Théo Rogivue, les deux pieds dans la sciure et la tête tournée vers 2028
A 22 ans, le lutteur d’Essertes a participé à sa deuxième Fête fédérale de lutte cette année. A Mollis (GL), il a bouclé 8 passes (2 gagnées, 3 nulles et 3 perdues)et a franchi le cap des éliminatoires, terminant avec 71,75 points et une 21e place. Pas encore couronné, mais déjà reconnu pour sa constance et son fair-play, il poursuit sa progression avec patience et détermination.

Dès qu’il foule les cercles de sciure, il n’est plus tout à fait le même. Théo Rogivue enfile sa tenue de lutteur comme d’autres enfilent leur training. A Mollis, lors de la Fête fédérale de lutte, il s’est frotté à l’élite nationale pour remporter la 21e place, preuve qu’il a bel et bien sa place parmi les costauds. « La place n’a que peu d’importance dans la lutte, le plus important ce sont les passes, c’est-à-dire l’affrontement entre deux lutteurs ». Pas de couronne cette fois, mais une prestation qui fait tourner la sciure et tourner les têtes.
Originaire d’Oron, domicilié à Essertes, Théo n’a pas découvert la lutte par hasard. « Mon père m’a emmené un jour au club de la Haute-Broye où il luttait et, depuis, je n’ai plus quitté la sciure. » Le virus familial s’est vite transformé en passion. Enfant, il aimait déjà l’esprit de ce sport et a trouvé dans la lutte un terrain d’expression idéal : ancrage, puissance, respect. « Ce qui me plaît ? C’est que, malgré la confrontation, c’est un sport profondément loyal. On se salue avant et après, la poignée de main est sacrée. » La Fête fédérale reste le sommet du calendrier, l’équivalent d’un championnat du monde version helvétique. Tous les trois ans, les meilleurs lutteurs du pays s’y affrontent devant plus de 50’000 spectateurs. En 2022, à Pratteln, Théo avait fait ses premiers pas sur la grande scène. Trois ans plus tard, l’expérience a porté ses fruits : régulier, concentré, il a su tenir son rang dans l’arène géante de Mollis. « Quand tu sens l’arène vibrer, ça te donne des frissons. »

avec un cadeau souvenir – © Thomas Cramatte
Un sport plus exigeant qu’il n’y paraît
Derrière l’image folklorique, la discipline est rude. Séances physiques intenses, travail technique, sans oublier la préparation mentale. « Je m’entraîne quatre à cinq fois par semaine ». Théo s’investit dans son sport avec autant de sérieux que dans son apprentissage d’agriculteur ou plus récemment, la réussite de son bachelor en agronomie : « Le mental, c’est la moitié du combat. J’utilise des méthodes comme l’hypnose ou la visualisation, ça m’aide à rester lucide. » Dans un sport où chaque prise compte et où un instant d’inattention peut tout faire basculer, la constance est reine. La couronne fédérale, ce graal que tout lutteur rêve d’accrocher, récompense la régularité bien plus que l’exploit isolé. En 2025, le Grison Armon Orlik a décroché le titre de roi, tandis que Benjamin Gapany, seul Romand couronné, a rappelé combien l’accès à l’élite est étroit. « La couronne, ça reste un objectif. Mais ce n’est pas une obsession. Pour moi, chaque combat gagné, chaque progrès technique est une victoire. »
Théo n’a pas besoin d’un métal doré pour briller : il préfère se construire pierre après pierre. Ses résultats réguliers en fêtes régionales et cantonales témoignent d’une progression constante. « Je vise 2028. Dans trois ans, j’aimerais franchir un cap, me rapprocher de la couronne. Et si un jour, je peux lutter pour le titre de roi, ce serait un rêve », avoue-t-il avec une pointe de gêne. L’ambition n’efface pas l’humilité. Sur les places de fête, il retrouve des copains qu’il affronte dans la bonne humeur. « Il y a de la rivalité, évidemment, mais beaucoup de respect. C’est ce que j’adore. On se bat à fond, puis on partage un verre avec amitié. »
La sciure comme horizon
Loin des clichés, il rappelle que la lutte n’est pas qu’une affaire de campagnes ou de traditions figées : « C’est un sport national, suivi partout. En Suisse alémanique, les fans se lèvent à 4 heures du matin pour suivre les compétitions. C’est incroyable. » Cette ferveur, il l’a ressentie à Mollis, lorsque des dizaines de milliers de voix se sont élevées. Un instant suspendu qui vaut toutes les séances d’entraînement. « C’est pour ça qu’on s’inflige les côtes en feu, les épaules douloureuses et les réveils tôt. » Dans les cercles de sciure, Théo Rogivue avance avec patience et détermination. Dans trois ans, à la prochaine fédérale, il pourrait bien transformer ses tours de sciure en tour de force. Et peut-être, enfin, coiffer cette fameuse couronne qui ne se donne jamais, mais se mérite.
Théo Rogivue en quelques chiffres
Né le 7 janvier 2003 (22 ans)
Originaire d’Oron, domicilié à Essertes
Club : Haute-Broye (Oron)
Première Fête fédérale 2022 (Pratteln) : 43e place, 34 points
Fête fédérale 2025 (Mollis) : 17e place, 63 points
Objectif : décrocher une couronne fédérale en 2028