Peur, colère, cynisme
L’accord entre l’Union européenne et le Marché commun du Sud (Mercosur) signé le 6 décembre dernier en Uruguay ne présage rien de bon. Il n’est que la préfiguration des négociations avec l’AELE et affirme un mépris cynique envers la production locale.
Si la porte-parole de l’Union suisse des paysans, Sandra Helfenstein, n’y voit aucune menace pour l’heure, c’est que le lien entre les négociations passées et à venir n’a pas encore été fait. Le directeur de Prométerre, Martin Pidoux, confiant lui aussi, n’a pas d’avis particulier mais possède une clarté de la vision globale : déplorant l’impossibilité de rivaliser avec ces pays du sud sur l’importation de produits organiques (viande ou soja), il pointe l’avantage qui serait celui de l’économie suisse en matière d’exportation de produits inorganiques (pharmaceutiques, chimiques et machines) si l’accord était signé. Dans les deux sens, la libération du marché « autorégulant » grâce à une réduction pharaonique des taxes douanières. Les taxes, encore elles.
Réaction placide d’économiste hors-sol se voulant rassurant. La routine.
La peur est l’émotion qui accompagne la prise de conscience d’un danger imminent. C’est le cas chez les producteurs et consommateurs locaux. Demande leur a été intimée de consommer local, de proximité et de saison. Demande leur a été faite de produire avec respect pour la nature, la durabilité et la biodiversité. Puis vinrent les accords avec le Mercosur.
La colère est une réaction de défense. Depuis quelques mois, paysans d’ici et d’ailleurs manifestent leur mécontentement sans être entendus des bureaux feutrés d’où les accords émergent.
Le cynisme est caractérisé par un mépris effronté devant l’éthique ou les conventions sociales. Si ce n’est qu’une attitude, elle révèle tout de même la vision d’une classe économique et financière ayant perdu tout lien avec la réalité, et par-là, tout sens.
A pousser la réflexion, je suis tenté par une caricature esthétique et futuriste. Mangeons moins cher et sans scrupules grâce à l’importation de viande argentine et de vins australiens. Demandons aux vignerons de Lavaux et aux paysans du plateau des jardins à la française et des pelouses à l’anglaise afin de garantir de beaux paysages dédiés à l’économie touristique et à la carte postale. Cela fait-il sens ?