Petit Pays Gaël Faye – Le livre de poche
Par ce dimanche brumeux, j’avais envie de m’évader, de lire autre chose, d’ailleurs. Envie de ne rien faire de la journée, que de lire. Commencé tôt dans la matinée, quand tout le monde dort encore, qu’il n’y a que vous devant votre tasse de café. Terminé dans la journée. Pas lâché. Complètement ailleurs, sur un autre continent, dans cette Afrique qui fascine mais qui fait peur aussi. Et là ô merveille, j’y étais. Dans les images, dans les odeurs, dans l’émotion. Ce n’est pas toujours facile de faire ressentir les odeurs d’un moment ou d’un endroit que l’on décrit. Et bien là, c’est juste l’ébahissement.
Il faut dire que l’auteur n’est pas un débutant. Débutant dans le roman, certes, puisque c’est son premier, mais pas débutant dans la musique où il excelle également. Et si un instant vous pensiez que je ne suis pas objective, sachez qu’il a remporté de nombreux prix avec ce premier roman dont le Goncourt des lycéens.
Avant Gabriel faisait les quatre cents coups avec ses copains dans ce coin de paradis. Et puis l’harmonie familiale s’est disloquée en même temps que son «petit pays», le Burundi, ce bout d’Afrique brutalement malmené par l’histoire. Plus tard, Gabriel fait revivre un monde à jamais perdu. Les battements de cœur et les souffles coupés, les pensées profondes et les rires déployés, le parfum de citronnelle, les termites les jours d’orage, les jacarandas en fleur… L’enfance, son infinie douceur, ses douleurs qui ne nous quittent jamais.
Le roman démarre tout en douceur, on se laisse porter par cette douceur de vivre africaine, il nous raconte sa famille, sa bande d’amis, l’entrée dans l’adolescence dans cette Afrique de carte postale. Puis on bascule soudainement dans l’horreur avec les guerres ethniques, entre les Hutu et les Tutsi, au Rwanda, des massacres que l’on connaît, puis dans le pays où il vit, le Burundi. Il parle de ce bonheur perdu, celui qu’on ne voit que dans le rétroviseur. Il tente de résister, de ne pas sombrer dans la folie quand il voit ses voisins, mais aussi des gens de sa famille mourir les uns après les autres. De ces amis qui deviennent ennemis du jour au lendemain, de cette peur incrustée dans sa moelle épinière, de ses nuits passées à même le sol pour ne pas prendre de balle perdue, de cette méfiance qu’il faut avoir avec tout le monde pour tenter de survivre.
Il y a aussi de cette voisine qui va peu à peu l’initier à la littérature, de ces livres qu’il lui emprunte et qui lui permettent de s’évader, de s’isoler de cet enfer.
Je me suis demandé si l’auteur avait vraiment vécu toutes ces horreurs et comment il s’en était relevé. Il a dit dans une interview que quelques détails coïncidaient mais qu’il s’était inspiré du drame qu’a vécu son pays dans les années 90.
C’est un merveilleux roman, avec des moments tristes, mais aussi des moments pleins de poésie et de joie.
Milka