Péréquation financière – Le canton se serre la ceinture pour soulager les communes
Voilà plusieurs années que le système péréquatif entre communes et canton est à bout de souffle. Un accord a été trouvé pour revoir la répartition financière. A partir de 2026, l’Etat assumera la majeure partie des dépenses sociales.

Cet accord clarifie les mécanismes du système existant », annonce la présidente du Conseil d’Etat, Christelle Luisier. Malgré ses nombreuses adaptations pour calmer la grogne des communes, tout le monde s’accorde à dire que le fonctionnement actuel prétérite les villes et les villages vaudois. Pour faire simple, le canton avait demandé aux communes de passer à la caisse dans les années 2000 pour éponger ses dettes. Depuis, changement de paradigme, puisque ce sont les communes qui souffrent aujourd’hui :
« Nous avons subi un véritable déséquilibre financier », nous expliquait Gil Reichen, syndic de Pully en février dernier (voir édition du 16 février).
Sur la table des négociations depuis 2016, ce nouvel accord accélère le rééquilibrage financier instauré en 2020 en faveur des communes : « Cette nouvelle mouture a l’objectif d’atteindre rapidement une répartition de 1/3 pour les communes et de 2/3 à la charge de l’Etat », se réjouit Christelle Luisier. Dans le détail, le montant supplémentaire de 150 millions par année annoncé pour 2028 sera atteint dès 2025. L’année suivante, le canton renforcera son soutien en injectant 10 millions supplémentaires par an : « L’Etat prendra 160 millions à sa charge afin de réduire la participation à la cohésion sociale (PCS). »
Facture sociale et policière éjectée
La future architecture du système péréquatif prévoit d’extraire la PCS et la facture policière : « Ces dernières vivront leurs vies indépendamment », expose Christelle Luisier. L’accord paraphé jeudi dernier envisage également le maintien du montant actuel de la facture policière. « Celle-ci sera désormais financée à raison de 35 % par l’ensemble des communes et de 65 % par les communes sollicitant la police cantonale (gendarmerie) », précise la cheffe du gouvernement vaudois.
Du côté des charges liées aux besoins structurels des communes, un financement – franc par habitant – sera appliqué : « Ces charges seront calculées sur des critères standardisés : surface, altitude, déclivité du territoire, nombre d’élèves, etc », détaille Chantal Weidmann Yenny, présidente de L’Union des communes vaudoises (UCV) et syndique de Savigny.
Autre aspect évoqué : la hausse des dépenses sociales à la charge des communes : « Ces augmentations sont directement liées avec l’évolution de notre société. D’ici 2040, l’effectif des personnes de plus de 80 ans va presque doubler dans notre canton (+88 %) », annonce Rebecca Ruiz, conseillère d’Etat en charge de l’action sociale. « Avant 2015, villes et villages finançaient la moitié des dépenses sociales. Actuellement, ce sont 33 % qui sont à la charge des communes. Dès 2026, le nouvel accord diminue de moitié cette contribution et ne représentera que 17 % à la charge des communes. »
« L’Etat prendra 160 millions à sa charge
Christelle Luisier, cheffe du gouvernement vaudois
afin de réduire la Participation à la cohésion sociale »
Compensation transitoire
Pour éviter de désavantager certaines communes lors de la mise en place du nouveau système péréquatif vaudois, une compensation transitoire sera instaurée sur une durée de cinq ans : « Elle sera de 100 % en 2025 et en 2026, de 75 % en 2027, de 50 % en 2028 et de 25 % en 2029, avant d’être supprimée à partir de 2030 », informe le Conseil d’Etat.
Si le gouvernement et les deux faîtières se réjouissent de ce nouvel accord, son exécution n’est pas encore assurée :
« Le projet devra être accepté par les communes. Mais je suis très confiante, car le système actuel présente d’importantes disparités brisant la solidarité des communes », évoque Chantal Weidmann Yenny (voir encadré).
Prochaines étapes
Cet avant-projet sera mis en consultation au courant du mois de mai. Des simulations communes par communes seront réalisées sur la base des décomptes péréquatifs 2022 pour démontrer les effets positifs ou négatifs sur les 300 communes que compte le canton de Vaud. Jusqu’à fin juin, des séances d’information seront réalisées par le Département des institutions, du territoire et du sport (DITS), l’UCV et l’Association de communes vaudoises (Adcv). Ces rendez-vous permettront de faire comprendre ce nouveau système péréquatif de façon à pouvoir permettre aux représentants des communes de se prononcer en toute connaissance de cause : « Ce sont les communes qui auront le dernier mot sur l’aboutissement de cet avant-projet », rappelle Chantal
Weidmann Yenny.
Qualifié d’historique, ce nouvel accord sera soumis au Grand Conseil au cours de cet automne. Les Vaudois pourraient également avoir leur mot à dire si une éventuelle votation populaire venait à voir le jour dans la première moitié de l’année prochaine.
Texte Marie Durussel

Interview de Chantal Weidmann Yenny

Quelles seront les répercussions vis-à-vis des communes ?
Les budgets étaient difficiles à concevoir pour elles auparavant. Avec une participation à la cohésion sociale en francs par habitant, les prévisions financières seront plus simples et les communes pourront établir des budgets avec précision.
Vous êtes présidente de l’UCV, mais également syndique de la commune de Savigny. Concrètement, qu’est-ce qui va changer avec ce nouvel
accord pour Savigny ?
La nouvelle péréquation va entrer en vigueur le 1er janvier 2025. Pour le budget 2024, il n’y aura donc pas de changement. Nous sommes au stade d’avant-projet et il est encore trop tôt pour avoir des simulations de ce nouveau système commune par commune. Si l’accord est accepté tel qu’il a été proposé, il y aura plus de lisibilité en termes de participation à la cohésion sociale.
Est-ce que la commune de Savigny sera plus sereine ?
Rire. On arrive quand même à dégager des tendances car Savigny est fiscalement une commune assez stable en termes de recettes. Nous arrivons à avoir une prévisibilité mais ce n’est pas le cas de toutes les communes.
Peut-on garantir que cette action n’impactera pas les communes de manière négative ?
Cette version de la nouvelle architecte péréquative vaudoise ne présente pas d’impact négatif pour les communes. Aujourd’hui, il s’agit de pouvoir mettre en place ces grands principes, mais dans une vision réaliste et qui satisfera communes et canton.
Les finances entre communes et canton est le cheval de bataille de l’Adcv. Avec l’accord historique d’aujourd’hui, pourrions-nous revoir une seule est même association de communes comme c’était le cas avant les années 2000 ?
Il faut déjà que le projet aboutisse, ce qu’il sera, j’en reste persuadée. Après, cela n’est pas du tout à l’ordre du jour entre l’UCV et l’Adcv.
Propos recueillis par Thomas Cramatte