Paudex sauve sa pinte
Emotion ! La pinte de Paudex et l’immeuble qui l’abrite est mis en vente pour 2 millions. En cas d’achat par un promoteur, il est possible que la pinte disparaisse au profit de logements de standing. La commune est-elle intéressée par cet immeuble édifié en 1777, restauré en 1950 et qui a vu passer tous les syndics depuis que Paudex est Paudex ?

Le bâtiment abrite sur trois niveaux un café-restaurant et sa terrasse et un appartement de 5.5 pièces en duplex. Le bâtiment est classé au recensement architectural comme un objet intéressant au niveau local (note 3). Ce qui n’empêche pas qu’il puisse être démoli et reconstruit dans les gabarits actuels.
La situation du bâtiment est exceptionnelle avec la Campagne Marcel pour voisin, le lac à deux cents mètres, ainsi que toutes les commodités en immédiate proximité : écoles, commerces, bus, santé. D’autre part, le café de Paudex et sa terrasse sont intimement liés à l’histoire du village et à sa réputation actuelle. Pinte vaudoise par excellence, sa terrasse sous treille est unique en son genre avec son mobilier d’époque et ses longues tables où l’on partage le blanc de la commune.
Deux commissions négatives et une Municipalité très prudente
Dans son préavis, la Municipalité soumet au Conseil un projet d’acquisition de cet immeuble pour en faire une annexe à l’UAPE au premier étage tout en maintenant le café et sa terrasse au rez-de-chaussée. La Municipalité fait ainsi d’une pierre deux coups. Elle sauve le café de Paudex et augmente éventuellement les capacités de l’UAPE qui en a bien besoin. A noter que la Municipalité est dans l’urgence ce qui explique nombre d’incertitudes qui demeurent, le marché devant être conclu le 18 mars après la séance du Conseil.
La pinte de Paudex reste à Paudex !
Santé et conservation !
Tout ceci a naturellement un coût : acquisition, 2 millions ; rénovation, transformation, selon une première estimation brute de décoffrage, 1,3 million, soit un total de 3,3 millions, avec un intérêt annuel de 66’000 francs et un amortissement de 110’0000 fr/an sur trente ans. Total des charges 196’000 fr/an, charges et frais d’entretien compris (20’000 fr/an), dont on déduit le produit des locations estimées à 70’000 francs. Ce qui finalement grève les comptes de la commune de 126’000 fr /an. Pour le financement, plusieurs options : augmenter d’un point le taux d’impôt (apport de 130’000 fr), renoncer à d’autres projets comme la réfection des routes, vendre des biens communaux.
Le préavis de la municipalité est assez ambigu. Elle recommande du bout des lèvres cette acquisition, sans enthousiasme : « les analyses démontrent que l’impact de cette acquisition serait lourd. Si la situation de la commune était meilleure, il serait aisé pour la Municipalité de recommander au Conseil de sauver le Café de Paudex. Cela n’est malheureusement pas le cas et cette opération pourrait même conduire à une augmentation d’impôts ». Un point de plus d’impôt : c’est agiter le chiffon rouge devant le nez du taureau !
Le rapport de la commission ad hoc est aussi mi-figue mi-raisin. Le café de Paudex est plus qu’un simple établissement commercial. C’est un lieu de vie où les habitants se retrouvent et tissent des liens sociaux. Mais une fois encore, les coûts ! La commission souligne le prix élevé au vu des expertises demandées. Pour le financement, la commission ad hoc ne veut ni augmentation d’impôts ni l’abandon de projets nécessaires et déjà planifiés. Elle propose de faire deux appartements tout en conservant le café pour augmenter la rentabilité de l’immeuble ou de vendre d’autres actifs communaux. En conclusion la commission ad hoc recommande de refuser le préavis tel que présenté, de vendre les appartements rénovés et de rester propriétaire du café.
C’est à la commission des finances de sonner l’hallali et de planter le dernier clou au cercueil. Ainsi : « La commission des finances ne recommande pas l’acceptation du préavis 01-2024 pour l’achat de la maison café de Paudex au vu de l’absence de financement concret pour cet excédent de charges et de la capacité financière très limitée de la commune et des autres investissements nécessaires ».
Pas de sous, pas de café ! Le Conseil s’est montré moins timoré et a dit oui contre l’avis des commissions, contre les réticences municipales.
Le débat a plus tourné autour de l’affectation du bâtiment que sur son achat. Tout le monde est d’accord de maintenir le café. Il y a divergences quant à l’affectation des étages. Faut-il y mettre l’UAPE ou faire deux appartements à louer ou à vendre ? Des amendements assez restrictifs concernant le devenir du bâtiment ont été refusés. Le Conseil a laissé toutes les options ouvertes pour trouver la meilleure solution sur la base d’études à faire. Le financement a aussi occupé le Conseil : emprunt, vente d’un bien communal, mais lequel ? Après une suspension de séance et le vote de trois amendements, par 18 voix pour, 7 voix contre et 9 abstentions, le Conseil a accepté l’achat de l’immeuble sis à la Bordinette 8, pour un montant de 2 millions.
La pinte de Paudex reste à Paudex ! Tous ceux qui y passeront boire un verre cet été et les cinquante étés à venir pourront dire merci à la Municipalité et au Conseil de 2024 pour avoir su et voulu conserver ce morceau du patrimoine vaudois. Santé et conservation !