Où va la presse ? Une question de souveraineté !
Le mot de George Pop

Georges Pop | Il est inutile de tenter de convaincre celles et ceux qui refusent de croire que la presse, celle issue du service public notamment, joue un rôle vital dans la continuité d’une démocratie comme la nôtre. Ils semblent davantage hermétiquement fixés à la perpétuation en cercle fermé, sur les réseaux sociaux américains ou chinois par exemple, de leurs propres opinions, qu’à la confrontation des idées ou à la pluralité des opinions.
Pour ceux-là, la presse autochtone est forcément une source d’aigreur, à réduire ou à bannir, car elle véhicule des positions pour eux suffocantes, négligeant le fait qu’ils y trouvent aussi souvent un vecteur pour se faire entendre !
Bien qu’elle ne soit pas la seule, une mouvance dite « souverainiste » se trouve régulièrement en première ligne pour dénoncer la « pensée dominante » de la presse « mainstream », incarnée surtout par un service public dispendieux et forcément « toxique », dont il est urgent de rabattre l’orgueilleux caquet en le privant d’oxygène. Libre à eux de le penser et de le dire !
Ce qui est paradoxal, cependant, au point d’en être cocasse, c’est que ce service public, si décrié par les bardes de l’autorité nationale suprême sur nos terres et nos destins, est l’un des derniers bastions d’une souveraineté qui relève davantage du mythe que de la réalité.
Petit pays, autrefois pauvre et d’émigration, enclavé dans un continent qui se construit – souvent, il est vrai, par spasmes successifs – la Suisse dépend largement des autres pour son approvisionnement en énergie et en produits alimentaires ; ses transports, terrestres, fluviaux ou aérien ; sa sécurité, policière ou militaire ; ses exportations et sa recherche, garants de notre prospérité ; ses télécommunications, etc. La liste est loin d’être exhaustive.
Alors que la Suisse, bon gré mal gré, pour échapper à un cloisonnement continental, adopte, sans avoir eu son mot à dire, la plupart des directives européennes, que reste-t-il vraiment de notre souveraineté ? Vite dit : gérer notre petite domesticité nationale, régulièrement par la voie des urnes, tout en caressant dans le sens du poil une neutralité à géométrie variable, imposée (on l’a oublié) à notre pays par les puissances européennes au Congrès de Vienne en 1815.
A quoi on peut encore heureusement ajouter : « nos » journaux, locaux, régionaux ou nationaux, pour ceux, dans ce dernier cas, qui ne sont pas déjà assujettis à la finance mondialisée, ainsi que « nos » radios et télévisions régionales, ainsi que celles issues de « notre » service public national. Pour le moment, celles-là sont toutes « bien de chez nous » !
Qu’en restera-t-il demain, sous les assauts des réseaux sociaux, des « fake news », de l’IA, et des voracités financières et idéologiques ? Je n’en sais rien…
Mais j’espère bien ne plus être là le jour où un Cyril Hanouna, mondialisé ou indigène, remplacera Philippe Revaz ou son successeur au TJ de 19h30…
* Journaliste pendant plus de 40 ans à la RTS, Georges Pop fut aussi correspondant en Suisse, de l’AFP, de RTL et du journal Ouest-France.
Il fut aussi chroniqueur pour le Journal du Jura, La Région (Nord Vaudois) et feu Le Régional. Il collabore au Courrier depuis plus de 30 ans.