Oron-le-Châtel – Une exposition artistique qui éclaire l’envers du décor des contes de fées
Au château d’Oron du 13 mai au 30 septembre
Du 13 mai au 30 septembre, le château d’Oron accueille les œuvres de l’artiste engagée Peggy Jault, créées spécialement en fonction du lieu et des espaces dévolus aux accrochages. Les installations, sculptures, gravures et peintures invitent à la réflexion, bousculent les certitudes et sensibilisent le public aux enjeux sociétaux actuels.
Un château demeure de seigneurs, aujourd’hui propriété de l’ACCO
Vendredi 12 mai, un petit rayon de soleil se faufilait au travers de la verrière surplombant la cour intérieure du château lors de la conférence de presse organisée pour l’exposition « Le château – recto / verso ». André Locher, président de l’ACCO (Association pour la conservation du château d’Oron) fit un rapide historique de la bâtisse de 800 ans. Demeure de seigneurs pendant 600 ans, le château est passé dans le Comté de Gruyère puis a été rattaché au canton de Vaud. Il fut vendu à des familles bourgeoises avant qu’un élan populaire rassemble les deniers nécessaires à son achat en 1936. Fondée en 1934, l’ACCO en est devenue propriétaire et poursuit son but de conservation et de restauration.
Défaire les stéréotypes et les classifications sociales rigides
Monique Ryf, députée socialiste au Grand Conseil vaudois et municipale d’Oron, déclina les différentes représentations que l’on se fait d’un château « le petit garçon y voit le chevalier, le guerrier, conquérant alors que la petite fille imagine la princesse, les beaux atours, tout un imaginaire véhiculé par les contes qui bercent notre enfance. Les œuvres de Peggy Jault nous invitent à sortir du cadre des stéréotypes. Sa composition « Le nid » : un lit, symbole de l’institution du mariage, enserré dans une cage interroge. Quand et pourquoi le nid devient-il aussi cage ? Merci pour ces œuvres qui chahutent et bousculent l’esprit et amènent une nourriture spirituelle et visionnaire ». Sébastien Chauvin, spécialiste du genre, professeur associé à l’Institut des sciences sociales (ISS) et au Centre en étude du genre (CEG) apporte également un éclairage pertinent sur la démarche de l’artiste, mettant l’accent sur les normes de genre qui continuent à enchaîner les rapports humains et nos subjectivités, les 10’000 ans de patriarcat avec l’enfermement et la domestication de la femme, mais aussi les classifications rigides des êtres humains en fonction de leur orientation sexuelle. « Nous voyons surgir une prolifération des catégories qui ne permettent pas l’abolition des frontières entre les identités, ce qu’illustre « La grande cohésion sociale » une installation de tiroirs en bois arrangés en équilibre sur un tout petit casier de machine à coudre et tenus par une sangle d’arrimage tendue ».
Recto : ce que l’on montre et verso : ce qu’il y a dans la matrice
Peggy Jault, artiste peintre d’origine française, qui est née et a grandi à Lausanne, vit depuis l’an 2000 dans la campagne romande non loin du château d’Oron. Elle s’investit dans le dessin, la créativité, l’éducation et les relations humaines. Diplômée de l’Ecole supérieure d’Arts visuels de Genève (HEAD) elle s’implique également dans la formation d’adultes, l’enseignement et la médiation scolaire et le travail associatif. Très engagée, elle a pour ambition de questionner, pousser la réflexion et sensibiliser le public aux enjeux sociétaux, abordant sans détour, avec finesse, intelligence et humour les thèmes qui lui sont chers : la cohésion sociale, l’identité le genre la catégorisation et l’enfermement, l’égalité et la place de chacun (e) dans la société. Avant de nous faire découvrir ses œuvres, elle souligne « j’espère toucher, faire réfléchir et donner l’envie d’un micromouvement ». Au fil des salles apparaît « Utopie », un ensemble de 9 lés imprimés de dessins et gravures illustrant l’histoire authentique du château d’Oron de 1190 à fin 1800*, avec de vrais personnages, mais détournée pour conter la naissance d’une communauté égalitaire reconnue loin à la ronde. Autre ambiance pour « Captives » une installation avec des parties de vêtements féminins émergeant des fissures d’une tourelle de garde, interrogeant sur l’enfermement physique et psychique des femmes qui se perpétue partout dans le monde. Avec « Les trois grâces » des hommes nus, de dos révélant leur vulnérabilité et « God save the Queer » une galerie de portraits de personnes trans et cisgenre aux regards fascinants de vie, nous débouchons sur l’espace réservé aux peintures réalisée au crayon de couleur sur bois brut. Finalement « Préjugés » des coussins sculptés en béton moulé, disposés face aux ouvertures emmenant le regard au loin sur la campagne, nous invitent à la réflexion sur la difficile et lente déconstruction des préjugés.
Une exposition remarquable qui ne laisse pas indifférent. Un regard critique, qui donne à percevoir toute la sensibilité et la poésie de l’artiste, femme engagée pour un monde socialement plus juste, plus ouvert et plus égalitaire et qui saisit ici l’occasion d’éclairer l’envers du décor des contes de fées en prenant à rebrousse-poil ce symbole du pouvoir, de la grandeur, de la puissance patriarcale et de la protection.
* (écouter le conte https://art.peggyjault.ch/ utopie-au-château)
Le château – recto /verso, exposition au château d’Oron du 13 mai au 30 septembre 2023
Ouverte les samedis de 14h à 17h et les dimanches de 14h à 18h ou sur rendez-vous.
En présence de l’artiste les 14 mai, 10 juin, 8 juillet, 27 août, 24 septembre et sur rendez-vous.