Oron-le-Châtel – Dans l’obscure clarté du Château d’Oron

Chaque année, en décembre et au début du mois de janvier, une fois le soleil couché, la possibilité est offerte aux curieux de découvrir le Château d’Oron à la lumière des bougies. Un fascinant voyage dans le passé, à une époque pas si lointaine où seules quelques chandelles permettaient de percer chichement l’obscurité des longues nuits d’hiver. Les deux ultimes visites de cette saison ont eu lieu vendredi et samedi derniers. Avec la complicité d’André Locher, le président de l’Association pour la conservation du château, nous avons pris part à cette insolite et crépusculaire exploration.

Première surprise, les visiteurs sont arrivés en nombre : une trentaine, le maximum autorisé ! Des ainés certes, amoureux de vieilles pierres, mais aussi des jeunes couples, venus avec leurs enfants. Célian, le benjamin du groupe, lové dans les bras de son papa, a juste un an et demi. Ses parents viennent de déménager à Vuibroye. « Depuis chez nous, nous voyons le château. Nous étions impatients et curieux de le découvrir de l’intérieur », expliquent-ils. Noémie et Sara sont, quant à elles, venues de Morges : « Nous cherchions une activité originale pour l’anniversaire de Sara. Nous avons découvert cette visite sur Internet. C’est génial ! On adore les châteaux ».
Avant d’entamer le parcours, dans la salle de réception de la vénérable bâtisse, André Locher ne manque pas de rappeler qu’il n’y pas si longtemps, les gens ordinaires n’avaient que des chandelles pour s’éclairer. « Les bougies en cire d’abeille coûtaient très cher. Seuls les riches pouvaient s’en procurer. Les chandelles étaient accessibles pour le plus grand nombre. Mais elles étaient fabriquées avec des graisses animales. Elles brûlaient avec une forte odeur et dégageaient une fumée noire qui s’imprégnait partout ».
Une fois le groupe rassemblé dans la cour, notre hôte ouvre la marche en brandissant trois bougies. Les visiteurs sont bien emmitouflés dans leurs habits d’hiver. Heureusement, car dans cet auguste monument, il fait un froid de canard… « A l’époque, seules quelques pièces étaient chauffées. Il fallait d’énormes quantités de bois », souligne André Locher. Il profite de chaque étape pour raconter l’histoire de « son » château, bâti au XIIe siècle et qui fut successivement habité par des seigneurs locaux, des baillis bernois, puis par de riches familles, avant d’être acquis, en 1938, par l’association qu’il préside et qui en prend grand soin.
La progression est prudente, à petits pas mesurés, sur un sol parfois inégal et dans les ténèbres qui enveloppent la petite troupe. Les trois bougies de notre guide qui ouvre la marche, et celle, unique, de Simone, son épouse, qui la ferme, ne dispensent qu’une pâle et très fragile lueur. Nous sommes bien loin des films hollywoodiens qui montrent de nocturnes festins médiévaux inondés de lumière. On comprend mieux que jadis, ceux qui vivaient ici devaient s’accommoder, bon gré mal gré, de l’obscurité, une fois la nuit tombée. L’éclairage était un luxe…
L’un des moments forts de ce parcours insolite fut la halte dans la vaste cuisine ornée d’une immense cheminée. « Il n’y a pas de robinet ici. Pour avoir de l’eau pour cuisiner, il fallait envoyer une servante à la fontaine, dans la cour du château », raconte André Locher. Il ajoute, rigolard : « L’expression eau courante nous vient peut-être du fait que la servante revenait en courant avec son seau ». Plus loin, dans la grande bibliothèque, riche de 18’000 volumes, notre guide est fier de souligner : « Il y a ici de véritables trésors : des romans français du XVIIIe siècle, notamment, dont il n’existe qu’un seul exemplaire. »
On revient de ce fascinant retour dans le passé avec le sentiment affirmé d’être de nos jours des privilégiés, bénéficiant d’un confort inouï : eau courante, chauffage, électricité, etc. Tout s’achève autour d’une boisson réconfortante, comme un verre de vin chaud… Mais pourquoi ne proposer ces visites qu’en décembre et en janvier ? « C’est le moment ou la nuit tombe le plus tôt… Nous pouvons ainsi commencer notre parcours vers 17h30 », explique Simone Locher.
Ah, ben oui… Ça tombe sous le sens. Merci !
