Auteurs américains à l’honneur
La troisième édition du festival « l’Amérique à Oron » a rassemblé les passionnés de littérature américaine.
Après une première édition à succès en 2016, une autre deux ans plus tard, 2022 signe le grand retour de l’Amérique à Oron. Unique manifestation en Suisse réservée à cette littérature, le festival d’Oron se désigne comme le petit frère du Festival America de Vincennes (Val-de-Marne, France). Si le rendez-vous français accueille plus de 70 auteurs et 45’000 visiteurs, l’édition romande se veut plus intimiste et accessible : « Ils ont eu un rythme de rock stars la semaine dernière », explique David Spring, trésorier de l’Association de l’Amérique à Oron en parlant des auteurs présents dans la région parisienne.
Plus abordable et moins élitiste, sans pour autant négliger les têtes d’affiche, le festival de littérature américaine d’Oron se place aujourd’hui comme une référence. Pour preuve, l’un des plus célèbres auteurs de romans policiers a fait le déplacement hier. La venue de Ron Rash constitue une belle reconnaissance pour les organisateurs : « C’est le romancier remportant le Grand prix de littérature policière en 2014 qui nous a demandé de participer à notre festival », témoigne Marie Musy, organisatrice de l’Amérique à Oron. « Il a visiblement été touché par l’atmosphère de la librairie oronnaise ».
Echanges avec le public
Avant de recevoir Ron Rash pour un déjeuner et une table ronde dans l’après-midi du mercredi 5 octobre, deux auteurs ont partagé leurs expériences avec les visiteurs : « Je viens d’une petite ville et j’aime les petites villes », annonce David Treuer. Né à Washington DC, il est le fils d’une mère indienne ojibwée et d’un père juif autrichien : « Il connait bien la vie au sein des réserves d’indiens, car il vit lui-même dans la réserve de Leech Lake dans le nord de l’état du Minnesota », annonce Nicolas Derron, membre du comité d’organisation en présentant l’homme de lettre à la trentaine de personnes présentes. Auteur de romans bouleversants traitant des divergences entre Amérindiens et « colonisateurs blancs », ses ouvrages retracent la vie dans les réserves et les tentatives d’intégration dans les grandes villes « blanches » des autochtones. On peut citer « Little » (1995), « Comme un frère » (1999), « Le manuscrit du docteur Apelle » (2006) ainsi que « Et la vie nous emportera » (2015). Une thématique tragique que David Treuer retranscrit avec émotion : « Malgré ce sujet dramatique, il trouve un peu d’espoir dans l’histoire de son pays ».
Pour David Treuer, la taille du festival n’a pas d’importance, ce qui compte, ce sont les rencontres : « Ecrire me permet de voyager et de sociabiliser avec de nombreuses personnes passionnées », précise l’auteur avant d’ajouter avec humour qu’il attend toujours que la richesse lui tombe dessus.
Pour l’accompagner dans cette table ronde, Michael Christie, ancien skater semi-professionnel durant 19 ans. Le Canadien, basé à Vancouver, s’est reconverti dans l’écriture après ses études de psychologie en 2008. Si le skate et l’écriture peuvent paraître aux antipodes, l’auteur trouve néanmoins de nombreuses similitudes entre ces deux pratiques : « Tu te casses aussi la figure quand tu écris ». Auteurs de quatre romans « Le jardin des mendiants » (2011), « If I fall – If I die » (2015), « Greenwood » (2020) et « Lorsque le dernier arbre » (2021), nous lui avons demandé de nous dévoiler ses secrets d’écriture.
Interview de Michael Christie
Dans quel contexte vous mettez-vous lorsque vous écrivez ?
C’est rigolo, car quand je me mets à écrire un nouveau livre ou des nouvelles, je n’ai aucune idée de ce que je fais. Il m’est même eu arrivé de comprendre mes écrits lorsque je mettais le point final. Je dirais que j’écoute les personnages qui me parlent. Je ne pense pas être schizophrénique, mais je suis convaincu qu’il faut travailler sur sa personne et ce qui nous entoure pour écrire avec de l’émotion. Pour moi, il est nécessaire d’écouter la nature. La nature aux alentours de Vancouver est une grande source d’inspiration.
On dit souvent que le peuple suisse est très sérieux et réservé, que pensez-vous de cela ?
Rire. Je ne suis ici que depuis 24 heures. Il est donc difficile d’établir un constat sur la personnalité du peuple suisse. J’ai néanmoins observé que la place de la nature était bien présente ici, donc je pense que
l’expressivité et l’émotion doivent être les mêmes que chez moi, à Vancouver.
Quelles sont les similitudes entre le skate et l’écriture ?
Lorsque tu skates, tu n’as pas de chef, tu n’as pas de conseiller, tu es seul avec toi-même. C’est la même chose quand tu écris. On me questionne souvent à ce sujet. Et je réponds en disant que les chutes en écriture font tout aussi mal qu’en skate, elles sont simplement moins visibles. La créativité est sans fin dans les deux pratiques.