Oron – Inquiétudes des gestionnaires des forêts
Obtention des soutiens financiers et responsabilités
Jeudi 17 juillet, le charmant refuge du Chaney situé au cœur de la forêt, sur la Commune d’Oron, accueillait, dès 11h, un conseiller national, les députés, et syndics des district de Lavaux-Oron et de Broye-Vully ainsi que les inspecteurs forestiers, invités par le Groupement forestier Broye-Jorat (GFBJ), afin de transmettre les inquiétudes des gestionnaires des forêts quant à l’obtention des subventions et à la responsabilité en matière d’accidents sur les sentiers pédestres et les places d’accueil en forêt.

Les collectivités locales ne peuvent plus assumer seules l’entretien et la sauvegarde des forêts

Prouvant l’intérêt pour la forêt, une vingtaine de personnes ont répondu présent, tous partis confondus, comme l’a souligné Daniel Sonnay, président du GFBJ lors de son discours d’accueil « Nous sommes fiers de notre patrimoine forestier, fruit d’un équilibre patient entre l’homme et la nature. Il constitue un bien commun qui se trouve aujourd’hui en danger. Nos communes, malgré leur attachement à la gestion durable de ces espaces ne disposent plus de moyens suffisants pour en assurer pleinement la préservation. L’entretien et la sauvegarde de nos forêts nécessitent des ressources humaines, techniques et financières que les collectivités locales ne peuvent plus, seules, assumer. C’est pourquoi, nous nous tournons vers vous, car il en va de nos responsabilités collectives de soutenir concrètement cet effort de préservation. Il faut que cette volonté se traduise en actes et en engagements financiers clairs, pérennes et suffisants pour que l’avenir des forêts devienne la priorité de tous soutenue avec vigueur, constance et détermination afin de pouvoir garantir à nos enfants un patrimoine forestier vivant, protégé et transmis avec fierté ».
Le Groupement en quelques chiffres
Mathurin Pidoux, garde forestier de Moudon, présenta le GFBJ constitué de trois triages : Moudon (57), Broye-Jorat (54) dévolu à Didier Gétaz et Jorat (55) à Marc Rod. Ce territoire représente 2436 ha de forêts gérées. De 2020 à 2024, il a été organisé pour Fr. 10’060’457.- de travaux forestiers relatifs à l’entretien des forêts des communes et le maintien de toutes ses fonctions. Une bonne partie de ces travaux ont été subventionnés à hauteur de Fr. 2’658’797.20, représentant 537 demandes de subventions, exigeant chacune 1h à 3h de travail administratif, voire plus.
Le Plan climat, un dispositif jugé complexe et lourd
Marc Rod, rappela qu’à ses débuts, le métier de garde forestier se passait principalement sur le terrain, aujourd’hui, 60 % à 70 % de son temps est consacré aux tâches administratives à cela s’ajoute 20 % dans les véhicules, il ne lui reste donc plus que 25 % pour être dans les peuplements. La forêt vaudoise couvre 40 % de la superficie du canton (127’775 ha) dont les trois-quarts sont considérés comme productifs. La gestion durable des forêts repose sur le principe de la multifonctionnalité, soit la prise en compte des différentes fonctions assurées par une même forêt : production de bois, protection contre les dangers naturels, biodiversité et accueil au public. Certaines mesures peuvent être soutenues financièrement par des subventions cantonales et fédérales, introduites par le garde forestier, interlocuteur principal entre le canton et les propriétaires forestiers. Bien qu’en 2021, le Grand Conseil vaudois a avalisé une mise en œuvre des mesures du Plan climat pour 25 millions, actuellement des dysfonctionnements apparaissent dans le processus de demande de subventions. Les procédures sont devenues peu claires et non uniformes. Le contrôle des demandes est redondant. Cette surcharge administrative pour toutes les parties, couplée aux contraintes toujours plus nombreuses démotive le personnel de terrain. Il en résulte une sous-utilisation des montants votés par le Grand Conseil alors que les besoins de la forêt nécessiteraient un engagement accru des moyens disponibles. « La politique forestière 2040 souligne l’importance d’une organisation optimisée de la DGE-FORET d’ici à 2025. Quel est le calendrier prévu pour la mise à niveau du système de demande de subventionnement, sans augmentation du personnel administratif ? La DGE-FORET envisage-t-elle une simplification du système ? Où en est le Plan climat cantonal forestier, quels sont les montants déjà engagés et quel est l’agenda des prochaines étapes ? » interpella-t-il.

La forêt un milieu naturel ne pouvant être totalement sécurisé
« Avec l’évolution climatique l’état sanitaire des forêts se dégrade rapidement. Cette situation débouche sur une augmentation significative des dangers dans le milieu forestier liés aux risques de chutes d’arbres ou de branches. Ces dernières années, plusieurs accidents impliquant le public se sont produits avec de lourdes conséquences physiques voire funestes pour les victimes et des implications juridiques pour les autorités en charge des forêts : municipaux et gardes forestiers », constate Didier Gétaz ajoutant que l’accroissement du nombre d’activités en forêt amène à une augmentation de la fréquentation. La forêt étant un milieu naturel, il n’est pas possible d’y garantir une sécurité absolue même sur les infrastructures aménagées, malgré les contrôles et les mesures de sécurisation. « Actuellement les responsabilités en cas d’accident sur les sentiers pédestres et les places d’accueil en forêts ne sont pas abordées dans la législation forestière fédérale ou cantonale mais par d’autres publications. Nous pensons que cet aspect doit l’être, car la forêt reste un milieu dangereux. Toute personne y venant le fait en connaissance de cause et sous sa propre responsabilité.
Une campagne de sensibilisation et de responsabilisation du public face aux dangers que peut représenter le milieu forestier devrait être lancée dans les médias ». Si aucune mesure n’est prise y aura-t-il un risque de voir une fermeture massive des sentiers forestiers et des places d’accueil en forêt ? Quelles sont les mesures prévues à court terme pour remédier à cette problématique ?
Changement climatique et prix du bois
Damien Jordan, inspecteur forestier du 5e arrondissement, rappela que les forêts sont particulièrement bien protégées en Suisse. La loi forestière vaudoise entrée en vigueur en 1991 vise à sa gestion durable. Il rappela que depuis 2008, le bois ne rapporte plus financièrement d’où la mise en place des aides financières fédérales. En 2016, un document relatif à l’adaptation des essences au climat a été produit indiquant les étages de végétation. A cause du changement climatiques ces stations se déplacent vers le haut, la limite des forêts monte. Avec la diminution des pluies, des sols gelés et l’augmentation de la chaleur, la plantation d’essences plus résistantes diversifiées incombe à la sensibilité et la connaissance du terrain des forestiers.
Jean Rosset, inspecteur cantonal des forêts du canton de Vaud remercia l’assemblée pour son engagement. Il souligna que la politique forestière 2040 est validée. Les problèmes liés au changement climatique et au prix du bois sont connus, des mesures sont prévues. Les pressions sont fortes sur le budget du canton, certaines prestations doivent être revues à la baisses. Concernant la complexité des procédures administratives, le système a déjà été simplifié avec des contrat de prestation au forfait. Les responsables administratifs qui utilisent l’argent public subissent de nombreux contrôles. « Nous nous efforçons de faciliter ces procédures tous les 4 ans, lors des rencontres visant à développer les directives. Le vrai problème réside dans le prix du bois. Espérons être au creux de la vague. Il faut saluer l’engouement réjouissant du Parlement pour les constructions en bois à la suite de la motion d’Yvan Pahud pour l’utilisation du bois suisse ». Le canton est conscient de la thématique des dangers en forêt. L’inspecteur rappela que le propriétaire de la forêt n’est pas responsable si un arbre tombe mais que cette responsabilité incombe au propriétaire de l’ouvrage. Un système de suivi devra être mis en place avec un dispositif qui protège les gardes forestiers.
Finalement Yvan Pahud, conseiller national, salua le canton pour son impulsion dans les constructions en bois. Il rappela que lorsque la Confédération met Fr. 1.- pour la forêt, le canton met également Fr. 1.-. « Le travail des députés et de s’assurer que ce montant n’est pas utilisé par des fonctionnaires mais sur le terrain » martela-t-il. D’avril à septembre, les entreprises ne peuvent pas travailler dans les forêts, alors que l’industrie a besoin de bois frais. Il réclama un peu de bon sens.
A l’issue de ces propos écoutés avec attention, l’assemblée fut invitée à partager, à l’ombre des arbres, le repas concocté par Marc-Etienne Caillat et servi par les membres de la voirie d’Oron.
