Opinions
Service citoyen : le bénévolat se choisit, il ne s’ordonne pas !

Philippe Lörtscher, président des Jeunes Libéraux-Radicaux vaudois, conseiller communal, Lutry | Le bénévolat est au cœur de notre identité collective. Chaque année, en Suisse, des centaines de milliers de personnes donnent librement de leur temps pour entraîner des juniors dans un club de foot, organiser des concerts de fanfare, soutenir des personnes âgées isolées, s’engager dans les sociétés locales et la politique communale. Cet engagement volontaire et désintéressé, fondé sur la générosité et la liberté, est un pilier de notre cohésion sociale. Sans lui, une grande partie de la vie associative, culturelle et politique s’effondrerait. C’est pourquoi il est inquiétant de voir surgir une initiative qui prétend renforcer la solidarité tout en imposant un « Service citoyen » obligatoire à l’ensemble de la population.
A première vue, le projet séduit : chacun aurait l’occasion d’accomplir un service pour la collectivité, qu’il soit militaire, civil, social ou environnemental. Mais derrière cette façade généreuse, l’initiative introduit un système rigide, bureaucratique et profondément contre-productif.
D’abord, elle repose sur l’obligation. Or, la valeur du bénévolat vient justement de son caractère libre. Transformer l’engagement citoyen en devoir d’Etat, c’est nier cette liberté et, à terme, dévaloriser le bénévolat. Les jeunes ne s’engageront plus par conviction mais parce qu’ils y seront contraints. Le risque est grand de tuer l’esprit même qui fait la force de notre tissu associatif.
Ensuite, la mise en œuvre de l’initiative est irréaliste. Qui paiera l’organisation et le suivi de dizaines de milliers de « conscrits civils » chaque année ? Les associations, les hôpitaux, les communes n’ont ni les moyens ni la capacité d’encadrer une telle masse. On créera des tâches artificielles, des stages sans contenu, une bureaucratie lourde, alors que la vraie vie associative repose sur des besoins précis et sur la continuité.
Le « Service citoyen » brouille aussi le rôle de l’Armée. Le service militaire obligatoire existe pour garantir la sécurité du pays. Seule la défense nationale justifie un service obligatoire au profit de la collectivité. En diluant ce principe dans une multitude d’activités sociales, environnementales ou culturelles, la clarté du système se voit affaiblie et, potentiellement, la défense nationale dans un contexte géopolitique incertain et tendu.
Au fond, cette initiative traduit une vision étatique de la citoyenneté. Elle défend l’idée que l’Etat sait mieux que chacun comment et pourquoi s’engager. Or, la citoyenneté ne se résume pas à cocher une case dans un service obligatoire. Elle se vit au quotidien, dans la liberté d’aider, d’associer ses talents à un projet, de donner sans y être forcé.
Refuser le « Service citoyen », ce n’est pas refuser la solidarité. Au contraire, c’est préserver l’engagement libre, sincère et durable qui fait la richesse de notre société. Préservons le bénévolat, ce trésor discret mais essentiel de la Suisse, et rejetons cette initiative qui, sous couvert de cohésion, menace de l’affaiblir !
A propos de la situation viticole

Christophe Chappuis, vigneron à Rivaz | Depuis quelques mois, vous avez pu lire dans la presse que la viticulture mondiale est en crise. Cette dernière n’épargne pas la production de vin en Suisse, dont le canton de Vaud. Baisse de la consommation, concurrence déloyale de vins étrangers vendus à des prix non concurrentiels avec nos coûts de production suisse, la viticulture vaudoise est en danger et c’est tout un pan de notre économie qui souffre. Vos vignerons, ainsi que tous les métiers de la terre, croulent sous les contraintes administratives et les importations massives de vins et de produits agricoles divers, bénéficiant de conditions de production beaucoup moins sévères. Il faut savoir que la Suisse impose à ses producteurs les normes et les contrôles les plus stricts au monde.
Ces dernières années, la situation économique de nombreuses exploitations viticoles s’est péjorée de manière importante et très rapide. Outre la chute des prix et la baisse progressive des quotas de production, c’est la non prise en charge de volumes importants par les partenaires commerciaux qui étrangle de nombreuses exploitations. Ces volumes qui ne sont pas écoulés sont autant de liquidités qui ne sont plus disponibles pour la rentabilité de nos domaines. A court terme, le déclassement en vin de table ou de probables arrachages de parcelles sont des solutions proposées aux exploitants ou aux propriétaires terriens. Peut-être que certaines décisions politiques fortes et rapides permettront d’améliorer quelque peu cette situation, mais le salut viendra surtout de nos consommateurs. Il est clair que les amateurs de vin ne vont pas boire plus, mais en sachant que la viticulture suisse ne produit qu’un peu plus de 30 % de la consommation du pays, nous ne devrions pas avoir de problèmes structurels pour écouler nos vins. Il faut absolument que la population suisse retrouve le réflexe de consommer local, en tout cas suisse.
Vous le faites certainement déjà beaucoup et vos producteurs vous en remercient. Il y a malgré tout de nombreux efforts à faire pour reprendre des parts de marché aux vins étrangers.
Une économie viticole forte est bénéfique. Vos producteurs sont aussi des acteurs de l’économie. Ils créent des emplois, investissent, rénovent, entretiennent, collaborent avec des artisans, d’autres producteurs lors de la réception de leurs clients. Les vignerons, comme les agriculteurs, sont aussi les gardiens des paysages magnifiques que sont les coteaux de Lavaux ou la campagne vaudoise.
Si vous ne deviez retenir qu’une chose, c’est que vous êtes nos ambassadeurs. Vous avez tous un rôle à jouer, à votre niveau, pour aider les producteurs de ce pays, de notre région, à faire rayonner leurs vins, leurs produits à chaque occasion. Vous avez tous des amis, de la famille, des connaissances, des entreprises, des commerces, alors vous pouvez participer à cette reprise de parts de marché… Nos vins, nos produits agricoles, sont de grande qualité et très variés. Soyez-en fiers, voire chauvins, et à chaque fois que vous aurez l’occasion de le faire, ayez le réflexe de privilégier les
producteurs locaux…
Une bouteille de vin étranger achetée en moins, c’est potentiellement une de vin suisse consommée en plus…
Merci d’avance à vous toutes et tous !


