Opinion
Principe de précaution

François Junod | Heureux pays qui peut tout paralyser et instaurer la peur juste par « principe de précaution ».
Le Courrier numéro 37 nous apprend que notre lac contient 7 fois plus de triazole que la limite admise en Suisse par « principe de précaution ». Pourtant, en France, l’agence nationale de la sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail (acronyme : ANSES) considère qu’il y a un risque pour les consommateurs à partir d’une teneur 72 fois supérieure à la limite suisse. Sûrement que les scientifiques français sont de parfaits crétins, ou ont décidé de réduire drastiquement la population de leur pays. Bref, je suis heureux que nos autorités prennent à cœur de préserver notre population. Toutefois, nos dirigeants sont petits joueurs, et je propose que, en vertu d’un vrai principe de précaution on applique immédiatement les mesures suivantes :
Zéro km/h et zéro pour mille, y compris pour les piétons sur toutes nos routes publiques
Vaccination obligatoire contre toutes les maladies, même celles qui n’existent pas encore
Interdiction de prendre l’ascenseur, le câble, même surdimensionné, pourrait péter
Interdiction de prendre l’escalier, on pourrait faire une mauvaise glissade
Interdiction de consommer de l’eau du robinet
Interdiction de consommer de l’eau en bouteille, elle subit des traitements et se prend des particules fines de plastique
Interdiction de consommer du vin, on dépassera le zéro pour mille
Interdiction de consommer des sodas, on pourrait chopper le diabète et devenir obèse
Interdiction de consommer des légumes, y a peut-être de la dioxine dans tous les sols
Interdiction de consommer de la volaille, des œufs, et de la viande, les vaches broutent de l’herbe potentiellement contaminée
Interdiction de rire, le rire se faisant toujours aux dépens de quelqu’un d’autre
Interdiction de sourire à une femme, c’est de l’agression
Interdiction de lui tenir la porte, c’est du paternalisme
Interdiction de procréation par « voie normale », c’est sale
Interdiction de travailler, ça pousse au burn out
Interdiction de ne rien faire, c’est anti-social
Interdiction de sortir de chez soi, on pourrait infecter son prochain
Interdiction de rester chez soi, ça risquerait de mener à la folie.
La liste exhaustive de tout ce qu’on pourrait interdire ou obliger par principe de précaution donnant une idée de l’infini, je vais donc m’arrêter là. La seule interdiction qui ne sera jamais instaurée, c’est celle d’être très cons (on l’est déjà tous un peu). Je crains même que cela devienne rapidement une obligation si on n’a pas tous crevé d’obéir à tous ces principes de précaution .