Opinion
NON à une réforme trompeuse de la valeur locative

Etienne Blanc, conseiller municipal, Lutry | Le 28 septembre, nous voterons sur la suppression de la valeur locative. A première vue le titre est séduisant : qui refuserait d’abolir un impôt perçu comme injuste ? Mais derrière cet emballage trompeur se cache une réforme mal ficelée dont les effets sont tout sauf positifs. De plus, dans le canton de Vaud, voter « oui » ne signifierait pas payer moins étant donné qu’à court terme l’abolition de la valeur locative devrait entraîner entre 20 et 50 millions de recettes supplémentaires dans notre canton. Voilà pourquoi il faut refuser cet objet qui ne correspond plus du tout au projet initial.
A l’origine il n’était nullement question de supprimer la déductibilité des intérêts hypothécaires ni celle des frais d’entretien ou des rénovations énergétiques. Le compromis qui avait été esquissé en commission parlementaire ménageait un équilibre : corriger une anomalie fiscale tout en maintenant des incitations indispensables. Or, au fil des débats, le texte a été dénaturé. Aujourd’hui le Parlement a tout mélangé : plus aucune incitation à entretenir ou isoler son logement, disparition de déductions fiscales essentielles et même la possible introduction d’un nouvel impôt cantonal sur les résidences secondaires. On prétend supprimer une injustice mais on crée un système encore plus déséquilibré.
Les conséquences seraient multiples et préoccupantes. D’abord un retour du travail au noir faute de pouvoir déduire les frais de rénovation. Ensuite une dégradation progressive du parc immobilier car de nombreux propriétaires repousseront ou renonceront à des travaux d’entretien. Cela entraînera à terme une perte de valeur des bâtiments, notamment pour les générations futures qui hériteront de logements mal isolés et coûteux à rénover. Enfin les entreprises locales du bâtiment devront affronter une concurrence déloyale d’offres non déclarées.
Et les locataires ? Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ils ne seront pas épargnés. Si les propriétaires n’ont plus d’intérêt à rénover, les appartements se dégraderont. Résultat : davantage de logements vétustes, mal isolés et trop chers à chauffer. Les factures d’énergie grimperont, les charges locatives s’alourdiront et quand les travaux deviendront inévitables, ils coûteront plus cher et se répercuteront sur les loyers. Autrement dit cette réforme accroît les inégalités et pénalise non seulement la classe moyenne qui souhaite acquérir un logement mais aussi les locataires qui n’ont pas les moyens d’acheter.
Il y a aussi un paradoxe environnemental majeur. Alors que la transition climatique exige des rénovations importantes pour isoler les bâtiments, améliorer l’efficacité énergétique et réduire notre dépendance aux énergies fossiles, cette réforme supprime l’un des rares leviers incitatifs existants. Comment encourager les propriétaires à investir dans la transition écologique si l’on supprime les déductions fiscales qui rendaient ces travaux accessibles ? On prétend simplifier mais en réalité on récompense l’inaction et on décourage ceux qui veulent améliorer leur logement.
Cette réforme fragilise la classe moyenne, met à mal nos entreprises, décourage l’entretien du parc immobilier et tourne le dos à nos engagements climatiques et intergénérationnels. Le 28 septembre, il faut envoyer un signal clair : la Suisse mérite une réforme responsable, équilibrée et tournée vers l’avenir. Celle-ci ne l’est pas.