Opinion
« Un filet de bioréacteur ou un filet de bœuf ? »
Jean-Pierre Grin, conseiller national | Voilà la question qu’un restaurateur devra peut-être poser à l’avenir à ses clients.
Qui ne se souvient pas du film de Claude Zidi en 1976, L’aile ou la cuisse. Avec Louis de Funès et Coluche, un film de fiction sur la nourriture artificielle qui presque 50 ans après est en phase de réalité. De la viande de poulet « artificielle » bientôt dans les assiettes américaines. Après Singapour, les Etats-Unis deviennent le deuxième pays à ouvrir la voie à la viande artificielle dans les assiettes, en autorisant en juin dernier pour la première fois la vente de viande de poulet cultivée en laboratoire par deux entreprises. Une demande a été aussi faite en Suisse pour commercialiser des steaks élaborés en laboratoire.
Alors que l’on parle de durabilité, de produits naturels, marche-t-on sur la tête en cautionnant et en finançant les recherches pour de la viande produite en bioréacteur ?
Les changements que l’arrivée de la viande synthétique pourrait générer dans l’industrie carnée suisse font débat. La question agite les milieux agricoles. La coopérative agricole Fenaco étudie actuellement le potentiel que représenterait en Suisse la viande créée en laboratoire. Migros et Coop financent également certaines recherches sur ce procédé de fabrication. Tout cela prouve que pour ces entreprises c’est le profit qui prime sur le naturel et la durabilité.
La fabrication de la viande artificielle de bœuf ou de poulet consiste à mettre en culture des cellules extraites d’un animal ou d’oeufs de poules fertilisées dans des bioréacteurs et de les nourrir avec des nutriments similaires à ceux ingurgités par les animaux réels : protéines, graisses, sucre, minéraux et vitamines et des agents conservateurs divers.
Selon l’OMS, la viande in vitro présente des problèmes de durabilité. Certaines études récentes indiquent aussi que la production de viande cellulaire serait très énergivore. Si l’on prend en compte l’ensemble du cycle de vie du produit, l’énergie dépensée est plus élevée que celle de la production de viande conventionnelle.
Personnellement, je pense que manger de la viande de synthèse qui a été cultivée dans des bioréacteurs, dans des enceintes stériles avec des stimulateurs de croissance et différentes hormones, ce n’est pas l’image et l’attente qu’ont la plupart des consommateurs.
La production de viande naturelle fait pleinement partie de la tradition suisse. La viande et la production animale en général sont essentielles dans la production agricole également, dans l’aspect d’apports en éléments fertilisants pour les cultures. La production animale a un rôle important de valorisation des herbages qui sont le 25 % de la surface du sol suisse. Tous ces éléments-là nous font espérer que la production animale en Suisse aura toujours un avenir.
Car pour la durabilité de nos pâturages, s’ils sont abandonnés, des broussailles vont s’installer, avec la sécheresse et l’herbe sèche non consommée par les animaux, les feux de forêt vont se propager et de ce fait la biodiversité sera mise à mal. Adieu les verts pâturages, il faut y penser avant qu’il ne soit trop tard !
J’espère qu’a l’avenir l’adage qui dit : « Quand l’on chasse le naturel, il revient au galop ! » se confirme.