Nénuphars, reflets sur l’eau et sculptures
A la Fondation L’Estrée, Ropraz, jusqu’au 27 mars
Pierre Jeanneret | L’artiste fribourgeoise Monique Monod approche de ses 90 ans. Et pourtant, elle a gardé une remarquable énergie créatrice. Toutes ses toiles exposées actuellement à Ropraz datent en effet des années 2020-2021. Le meilleur de son œuvre est constitué par des peintures aquatiques, où flottent des nénuphars. On pourrait craindre un « remake » des célèbres « Nymphéas » de Claude Monet, qui ont sans doute inspiré l’artiste. Mais celle-ci a trouvé une voie originale. Il y a dans sa peinture une touche très « féminine » (si l’on ose encore user de ce terme), qui rappelle un peu celle de Berthe Morisod ou de Marie Laurencin : couleurs plutôt pâles, douceur dans le trait. Son chef-d’œuvre est incontestablement « Reflets », où l’on perçoit particulièrement bien la vibration de la lumière sur l’eau. Cette toile, fluide, allant à l’essentiel, est très japonisante, comme l’est aussi le magnifique paravent intitulé « Intime conjugaison ». On perçoit par les titres de ses œuvres, à connotation poétique, que Monique Monod traduit ses états d’âme. Petit détail qui a son charme : la signature de l’artiste ne se trouve pas toujours en bas à droite, mais s’intègre parfois dans un élément de la toile, par exemple une feuille longiligne.
Ses peintures « champêtres » du 1er étage sont moins convaincantes, car un peu trop réalistes. On appréciera davantage ses tableaux peints au Maroc, dont « Porte de Marrakech ». Cette terre de soleil incandescent et d’austérité a inspiré d’innombrables créateurs ! L’artiste donne le meilleur d’elle-même quand elle élague, élimine tout le superflu pour aller vers quelque chose de plus épuré, de plus évanescent, parfois aux limites de l’abstraction.
Le travail sur la pierre d’Anna Sutter
Pour accompagner les toiles de Monique Monod, l’exposition présente quelques sculptures d’Anna Sutter sur stéatite, une pierre douce. Abstraites, ses œuvres opposent le minéral brut et rugueux à des parties polies, que l’on a envie de caresser. Un peu comme Michel-Ange, dont « les Prisonniers » de la galerie de l’Académie à Florence arrachent leurs formes humaines à la matière.
Le contraste entre les toiles empreintes de délicatesse de Monique Monod et les sculptures de pierre d’Anne Sutter donne paradoxalement une unité à cette belle exposition.
« Monique Monod. Au fil des saisons. Peinture »
Fondation L’Estrée, Ropraz, jusqu’au 27 mars.