Missouri – Illinois
Christian Dick | Le Missouri, c’est vert et c’est propre. Moins de oldtimers, de reliques, une route qui ne s’éloigne jamais vraiment de l’interstate 44 mais qui traverse de ravissants villages. Nul graffiti, mais de magistrales peintures sur les façades. Les déserts, les montagnes, la prairie qui se déroulaient d’un côté comme de l’autre de la route ont cédé leur place aux cultures. On est entré dans le pays des tracteurs, des fermes.
L’Illinois s’inscrit dans cette suite. Les champs se succèdent, peu d’anciens pick-up, peu d’immeubles abandonnés, une route 66 qui longe sans grand intérêt l’interstate avec, parfois, un tronçon impraticable laissé comme un vestige des temps anciens. Toutefois, quelques localités, propres et jolies, méritent un arrêt. C’est aussi l’Etat des enseignes géantes.
Springfield est un arrêt obligatoire. C’est la ville de Lincoln avant son départ pour Washington. En fait, toute la capitale tourne autour de l’illustre abolitionniste de l’esclavage. Son élection à la présidence provoqua la guerre de sécession, les habitants des sept Etats du Sud, les Confédérés, refusant de reconnaître en Lincoln leur président. Celui-ci sera néanmoins réélu en 1864, mais mourra assassiné le 14 avril 1865 à Washington.
Abe, son surnom, est d’ailleurs le quatrième et dernier président taillé dans le granit du mont Rushmore.
A Wilmington, parmi les derniers miles avant la banlieue de Chicago, le fameux Gemini Giant, une des grandes enseignes, annonce un restaurant, le Launching Pad. Signe des temps, il est à vendre. Tout fout le camp, l’enseigne n’indique qu’une vente immobilière. Une affiche, d’une autre manière, suggère une assurance complémentaire au health care. On voit que là aussi le débat sur les assurances n’est pas clos. Et ce n’est pas le seul. Le long des champs, certains propriétaires affichent leurs arguments sur le port des armes, et le long des rues, des affiches invitent à voter pour tel shérif.
On aimerait peut-être aussi élire les magistrats qui se chargeront de la protection du citoyen, et non ceux qui lutteront pour celle du délinquant. Mais c’est une autre histoire. A chaque arrêt, j’ai pu laisser les bagages sur la moto. Ça rappelle un peu une époque où, chez nous, il n’était pas nécessaire de monter son vélo sur le balcon comme on le voit hélas trop souvent. Mais, comme chantait Reggiani, on ne repasse pas par sa jeunesse.
Cette traversée s’est arrêtée près de Chicago, après 3300 miles de route, de retours, de détours et d’hésitations, de rencontres et d’histoires. Huit états ont été traversés. Ce fut une expérience magnifique. On peut être seul sur la route ou dans son chemin. En fait, on ne l’est vraiment jamais tout à fait. Il vient toujours quelqu’un, le temps d’un verre, d’une halte, d’un mot. Voilà, ami lecteur, la fin d’un voyage et le début d’un autre.