Mézières – Sacrés Graals !
Graals au Théâtre du Jorat, le samedi 17 août, à 20h
Après L’Île de Tulipatan d’Offenbach la saison passée, le Théâtre du Jorat s’apprête à proposer une nouvelle œuvre opératique avec Graals. Une épopée lyrique qui conduira ses spectateurs du Mont Golgotha en Angleterre. Un moyen de réconcilier une large audience avec un genre souvent considéré comme pédant ?
« C’est un arbre ! C’est un arbre qui chante !… C’est de l’allemand ? Hein ?
– Chhhhhht !
– Quoi chut ? C’est en allemand ! C’est de l’allemand, en plus, vous êtes tarés ! Ça dure combien de temps ?
– 4 heures.
– Oh putain ! »
Nombre d’entre nous auront reconnu ces quelques répliques mythiques d’Intouchables, succès du box-office français et international en 2011, tirées d’une scène où Driss, jeune banlieusard, accompagne Philippe, milliardaire tétraplégique, à l’opéra. Comme une représentation du gouffre culturel entre celui qui se soûle de Vivaldi et celui qui s’abreuve d’Earth, Wind and Fire. Et qui met bien en avant l’art qui semble souvent le plus élitiste des plus prétentieux. Un art souvent réservé aux plus nantis, dont Driss semble, comme bien d’autres, fort éloigné.
Il est vrai qu’il reste un prestige lié à cette pratique et à son audience, un faste, une exigence, un intellectualisme qui fait s’en éloigner plus d’un. Et dans des classes plus populaires, nombreux sont ceux qui tranchent fort rapidement entre Bigard et Puccini.
Plusieurs lieux s’évertuent toutefois, depuis plusieurs années en Suisse romande à y donner un nouveau souffle. On peut notamment citer le cas du Nouvel Opéra de Fribourg qui propose régulièrement de nouvelles formes pour dépoussiérer un genre qui en a parfois besoin, du Grand Théâtre de Genève qui ne cesse de développer de nouvelles actions de médiation culturelle, ou de l’Opéra de Lausanne, dont la « Route lyrique » parcourt les scènes romandes chaque année pour tenter de porter l’art lyrique au-delà de ses lieux habituels.
C’est dans ce même esprit que le Théâtre du Jorat présentera le 17 août, en collaboration avec ce même Grand Théâtre de Genève Graals, nouvelle création de la Compagnie Opératic, sur un livret de Luc Birraux, également metteur en scène, et une composition de Kevin Jullierat qui dialoguera avec des œuvres d’Henry Purcell.
Rien de plus symbolique dans cette volonté de démocratisation que de retourner dans cette Grange Sublime qui accueillit en ses débuts les œuvres souvent conjointes de Gustave Doret, Arthur Honegger et René Morax. Une volonté, déjà à l’époque, de proposer un théâtre musical qui faisait fi du classisme et qui mêlait tout à la fois exigence de qualité et capacité de parler à tous les publics et qui se retrouve aujourd’hui au moment d’envisager cette création.
Rien de plus représentatif non plus dans l’idée d’un opéra populaire, que celle de prendre en « guest star » un Graal qui, des légendes du Roi Arthur aux Monthy Python, en passant par le Parsifal de Wagner et le Merlin l’enchanteur des studios Disney, a su être décliné devant tous les publics à toutes les époques. Cette fois-ci, c’est sur les origines du mythique calice que la Compagnie Opératic a décidé de se concentrer en nous proposant les pérégrinations de Jospeh d’Arimathie et de Marie-Madeleine, ceux-là même qui, partis du Mont Golgotha aurait récupéré le sang du Christ dans ce même graal avant de se rendre avec celui-ci jusqu’en Grande-Bretagne.
C’est donc une large équipe qui se chargera, comme à l’époque du Roi David et de La Servante d’Evolène, d’en mettre plein la vue au public du Jorat. Sous la direction musicale d’Antoine Rebstein, pianiste et chef d’orchestre reconnu internationalement, Giulia Bolcato (soprano), Cecilia Molinari (mezzosoprano), Paul-Antoine Bénos-Dijan (contre-ténor) et Joé Bertili (basse-baryton) seront accompagnés par Alain Maratrat, Beatriz Sayad et Michael Comte et par les musiciens et musiciennes de l’Ensemble Operatic.
Un collectif puissant, de plus en plus rare dans les productions actuelles, qui prendra possession de la scène du Théâtre du Jorat pour clore au mieux les vacances scolaires d’été. Et qui, qui sait, saura peut-être dire aux Driss qui sommeillent en nous que l’opéra est aussi un peu pour nous.