Médiation
Médiation sous le sapin
Décembre approche et avec lui, cette période étrange où tout le monde veut être heureux quitte à s’engueuler pour y parvenir. C’est la saison des guirlandes, des bilans, des repas en famille et des règlements de comptes autour de la dinde. Pour un médiateur, c’est un mois fascinant, soit celui où la paix sur terre rencontre la réalité des êtres humains.

Laurent Damond, avocat | Il y a d’abord le grand classique, la dispute sur l’organisation du réveillon. Chez les uns ou chez les autres ? Chacun a ses arguments, solides comme un tronc de sapin : « On y est allés l’an dernier ». Ou encore « Oui, mais ta mère m’a demandé si je savais encore tenir une conversation sans parler de travail ». Bref, les dialogues de fin d’année ressemblent parfois à des négociations internationales.
Puis vient le casse-tête des cadeaux. Certains y voient un geste d’amour, d’autres une corvée budgétaire. « On avait dit pas de cadeaux cette année ! » « Oui, mais c’est juste une petite attention ». Et voilà comment une attention devient une tension. Derrière chaque ruban, il y a parfois une attente, une reconnaissance espérée, un message non-dit tel que vois-moi, aime-moi ou comprends-moi. En somme, tout ce que la médiation tente de décoder l’année entière, le 25 décembre le met en scène.
Et que dire des vœux de Nouvel An, ces grandes déclarations d’unité, ces promesses d’harmonie, aussitôt suivies de petites piques : « Cette année, on tourne la page ? » « Ok, mais si tu pouvais commencer par ranger tes vieilles rancœurs, ça aiderait ». Les résolutions sont les médiations de soi-même, puisqu’elles expriment ce qu’on voudrait pacifier à l’intérieur avant d’espérer la paix autour de soi.
D’ailleurs, la médiation pourrait être le plus beau cadeau à glisser sous le sapin. Pas un abonnement annuel, rassurez-vous, mais cette idée simple de parler sans vouloir avoir raison, d’écouter sans préparer sa réponse, de chercher ce qui unit plutôt que ce qui sépare. C’est moins brillant qu’une montre connectée, mais beaucoup plus utile quand on se retrouve coincé entre un beau-père qui a trop bu et une belle-sœur qui veut toujours avoir raison.
Et si on imaginait un Noël médié, soit un repas où chacun viendrait avec une phrase sincère plutôt qu’un dessert trop sucré. Où l’on poserait la table des émotions, à ma gauche, la frustration, à ma droite, l’amour, en bout de table, la patience et au centre, un médiateur invisible, qui rappellerait doucement que vous n’avez pas besoin d’être d’accord sur tout pour être ensemble.
La médiation ne transforme pas le monde en carte postale, elle apprend juste à composer la photo sans que personne ne soit coupé du cadre. Elle invite à comprendre ce qui se cache derrière la colère, la fatigue ou le silence. Quand on y pense, c’est exactement ce que Noël nous promet chaque année, soit un moment pour renouer, pardonner et se redire l’essentiel.
Alors, en cette fin d’année, au lieu d’ajouter un vœu à la liste, peut-être pourrions-nous en retirer un, celui de vouloir que les autres changent. Commençons par écouter un peu mieux, sourire un peu plus et parler un peu moins fort. Si tout le monde faisait ça, le monde ressemblerait peut-être à une médiation géante, avec moins de sapins renversés et plus de verres levés.
Et si le champagne faisait naître de grandes théories et quelques vérités irréfutables, pas d’inquiétude, la paix familiale est souvent à une respiration ou à un médiateur de distance. Dans le doute, servez la bûche , ça calme presque tout.


