“Marinette” de Virginie Verrier – Restituer une vie sportive
Le biopic Marinette de la réalisatrice française Virginie Verrier passe en ce moment au cinéma d’Oron. Un projet intéressant et utile, mais qui peine à dépasser son statut informatif.

L’usage du biopic
Un biopic retrace la vie d’un personnage célèbre. Mais connaissons-nous Marinette Pichon comme nous connaissons Simone Veil ou Céline Dion, dont les biopics sont sortis ces dernières années en France ? Probablement pas, car Marinette Pichon est une joueuse de football féminin, un milieu peu reconnu malgré son exigence. Alors qu’elle joue en équipe de France, une interview au terme d’un match perdu lui donne l’occasion de faire entendre sa rage contre la Fédération française du foot et contre le statut non professionnel des jeunes femmes de son équipe. « C’est l’échec d’un système » dit-elle au début des années 2000. Rien n’a changé depuis. Marinette semble dès lors être une occurrence très particulière du biopic, qui vient ici accompagner et soutenir la démarche d’une personnalité encore vivante. Or les revendications de Marinette Pichon, dans le film comme dans le monde réel se doivent d’être entendues, tant elles font suite à une injustice grave que l’on peut désigner par des chiffres : alors qu’un footballer français touche en moyenne 67’000 euros par mois, une footballeuse en ligue 1 ne peut espérer gagner beaucoup plus que 1300 euros, en s’entraînant tout autant.
Noyau féminin salvateur
Peut-être pour cette raison, le film de Virginie Verrier semble se cantonner à retranscrire une vie et un combat de manière assez convenue. Si son visionnement est aussi instructif que nécessaire, sa réalisation ne surprend pas, et sa forme est basique voire clichée par moments. Les rôles féminins sont néanmoins très bien incarnés par Garance Marillier pour Marinette et par Emilie Dequenne, profondément touchante en mère dévouée mais violentée par son mari. La distribution se corse néanmoins avec le rôle du père (Alban Lenoir), qui n’apparait que par bribe, pour faire des horreurs, et sans desserrer la mâchoire. En même temps, cette sorte de grand méchant loup qui reste la plupart du temps hors champ détermine ce qu’il se passe à l’écran entre les femmes de la famille qui constituent un véritable noyau dur, salvateur pour l’équilibre de Marinette Pichon.
Adhérer au combat
On salue la présence d’une mère aussi attentionnée que celle de Marinette grâce à la performance d’Emilie Dequenne, notamment en observant tout au long de son biopic les difficultés traversées par la joueuse, tant au niveau professionnel que privé. Outre la misogynie ambiante rencontrée sur le terrain avant ses seize ans, Marinette Pichon doit en effet faire face à l’homophobie et aux violences d’un milieu très compétitif. A ce titre, le bout de carrière tracée aux Etats-Unis apparait comme un eldorado d’émancipation. La découverte de Philadelphie à l’apogée de sa carrière permet aussi de mettre en perspective le système français, dans une scène ironique où les médias français s’intéressent finalement au football féminin de leur pays une fois qu’il s’est exporté. Ces interviews, présentes à plusieurs reprises dans le film permettent de relayer les positionnements politiques de la joueuse, et de montrer l’adhésion du film à ces derniers.
A la sortie de Marinette, sa réalisatrice Virginie Verrier note qu’elle ne se serait jamais autorisée autant de rebondissements dans une œuvre de fiction qu’elle aurait scénarisée. Marinette est en effet un film au rythme terriblement soutenu, qui n’hésite pas à multiplier les ellipses. Son début est ainsi tellement rapide qu’il semble défiler en accéléré, résumer des faits, parler le plus vite possible quitte à oublier de choisir ses mots. Par sa volonté de vouloir couvrir quarante-sept ans d’une vie pleine de rebondissements, et de respecter la véracité de chaque étape, il semble que se perd un peu de la justesse rythmique qui aurait fait accéder Marinette au statut d’œuvre d’art plutôt que celui du récit de vie engagé.
Marinette, fiction de Virginie Verrier, France, 2023, 95’, VF, 12/14 ans