Lutte estivale contre la prolifération des ravageurs des résineux
Une nécessité coûteuse
Gil. Colliard | Alors que les travaux forestiers, en cette saison estivale, se limitent généralement à de l’entretien des jeunes peuplements, les entreprises forestières sont à pied d’œuvre pour effectuer des coupes de bois dans le but de contenir la pullulation du bos-tryche qui profite d’une météo sèche et chaude pour infester les massifs d’épicéas.
Des piles de bois fraîchement bûcheronnés
Aux abords des chemins forestiers, de Jorat-Mézières, Oron, Servion, et Vulliens en particulier, de nombreuses piles de bois interpellent le promeneur. La faute au bostryche typographe, un petit insecte de 2 à 3mm. Ce coléoptère adulte pond ses œufs sous l’écorce des épicéas. Après avoir éclos, les larves se nourrissent en creusant des galeries tortueuses ressemblant un peu à des lignes d’écritures dans le bois juste sous l’écorce, ce qui affaiblit rapidement l’arbre, et finit par entraîner sa mort. « Depuis le début de l’année, nous assistons à une pullulation sur la plupart du territoire du Groupement forestier Broye-Jorat. Afin de préserver les massifs sains et de contenir cette invasion, nous sommes obligés d’exploiter sans délai les bois infestés, d’où ces coupes sanitaires en cette saison » déplore Didier Gétaz, qui a constaté des foyers de plus de 200m3. Le but étant de couper les arbres infestés avant que les larves n’éclosent et que les insectes matures colonisent d’autres sapins, mais aussi d’évacuer des arbres secs potentiellement dangereux pour les promeneurs et les professionnels de la forêt. Afin de respecter ces quotas, le volume du bois infesté exploité actuellement est déduit du volume des possibilités de coupes annuelles. Ce ne n’est donc pas une quantité supplémentaire de coupes. « Ces foyers apparaissent principalement dans les vieilles futaies, dans les massifs mûrs. Un arbre en pleine santé se défend en noyant les insectes avec sa sève. Mais lorsque l’attaque est importante, le nuisible, en creusant ses galeries, coupe cette circulation de liquide et condamne l’épicéa. Ces derniers étés chauds et secs stressent les arbres. Leur production de sève est fortement diminuée d’où leur difficulté à combattre l’envahisseur » explique le garde forestier de la Haute Broye qui constate malheureusement de plus en plus de massifs jeunes, où les arbres sont censés être plus vigoureux, également subir des attaques d’une autre espèce de bostryche, le chalcographe. Bien que moins virulentes que celles du typographe, ces invasions nécessitent néanmoins une intervention rapide.
Un coût financier supplémentaire
Aux dimensions sanitaires et sécuritaires s’ajoutent les coûts supplémentaires induits par cette lutte. Lorsque les grumes ne peuvent pas être évacuées rapidement en scierie, il faut procéder à un écorçage en forêt. Les branches et les cimes non commercialement utilisables actuellement, sont déchiquetées afin de détruire les couloirs de ponte et dispersées sur les chemins forestiers. Avec les problèmes liés à la sécheresse, à la protection des eaux et à la surveillance, cette solution est privilégiée par rapport aux feux. « Le bostryche ne se contente pas de ravager les arbres, il amène avec lui un champignon qui donne une teinte bleu/noir au bois. Bien que cette coloration n’affecte pas la qualité du matériau, qui est utilisé pour la charpente et la menuiserie, elle est évitée pour les bois destinés aux intérieurs, occasionnant une diminution du prix de vente qui est déjà à la peine. Le déficit d’exploitation par chantier est régulièrement de 20% à 30% selon les massifs, à la charge du propriétaire ou du gestionnaire et cela malgré les aides financières du canton et de la Confédération. Ces coupes sanitaires ne sont donc en aucun cas réalisées dans un but de profit puisque déficitaires. Pire, si ces aides devaient tomber, certains propriétaires ne seraient tout simplement plus en mesures de les effectuer » expose le professionnel, ajoutant : « la situation est actuellement critique dans toute l’Europe. En Allemagne, par exemple, des milliers d’hectares sont touchés et au lieu de se contenter d’effectuer uniquement des coupes sanitaires dans le but d’endiguer la pullulation, de grandes quantités de bois frais sont abattus avant d’être infestés. Une attitude qui amène à une saturation du marché du bois, raison supplémentaires pour laquelle nous nous passerions bien volontiers de devoir effectuer ces coupes ».
Que faudrait-il pour contenir la pullulation de ces foyers infestés ? Une météo hivernale avec de bonnes périodes en-dessous de zéro degrés et plus de précipitations permettraient aux sapins de retrouver de la vigueur et les armeraient contre cet envahisseur xylophage.