L’histoire de nos villages: Mézières et Montpreveyres
Mézières
Claude Cantini | Les plus anciens vestiges datent de l’âge du bronze et sont une villa gallo-romaine et une nécropole du haut Moyen Age. On trouve une mention de «Paganus de Maseres» en 1161.
Le Moyen Age est marqué dès 1370 par deux coseigneurs, les de Vulliens et les d’Estavayer. Suivront les de Blonay auxquels succéderont vers 1540 les Lenzbourg, puis les Meyer, les Du Moulin, les de Graffenried, les de Diesbach et les Cerjats. Ces deux dernières familles étaient encore présentes en coseigneurage à Mézières en 1798.
En 1790, le village fut secoué par l’affaire du pasteur Martin. Ayant affirmé à la sortie du culte que la pomme de terre étant un légume et pas une céréale, la dîme (soit un dixième des récoltes) ne pouvait pas s’appliquer à elle, le ministre fut dénoncé. Le sénat bernois ayant ordonné son arrestation, il fut emprisonné à Berne et accusé à rien de moins que de haute trahison. Après quatre mois de détention, le bon sens des magistrats finit par triompher, permettant sa libération en avril 1791. Il fut même au bénéfice d’une indemnité de 100 louis d’or, et réintégré dans la paroisse; il put ainsi assister à la destitution de son délateur… Les armoiries de Mézières rappellent cet épisode.
Une école, partagée avec Carrouge, est mentionnée au XVIIe siècle ; une deuxième a été construite en 1836 et la «nouvelle» en 1978.
La paroisse existe probablement depuis le XIIIe siècle puisque l’ancienne église datait de 1228. Détruite par un incendie au début du XVIIIe siècle, elle a été remplacée par un temple (classé) en 1706. La cure est de 1756, probablement à l’emplacement d’un ancien presbytère. La paroisse protestante s’étendait alors aux sept localités environnantes.
La chronique parle d’un «soignant» mort en 1836; il s’agit d’un guérisseur qui fut régulièrement inquiété par la justice malgré ses succès. Rappelons d’autre part que le brigandage a disparu – ou presque – non seulement à la suite de lourdes sentences de mort, mais également, et peut-être surtout, grâce à l’action quotidienne des pasteurs ainsi que des régents envoyés et payés dans le Jorat par LL.EE. de Berne.
En 1874, Mézières connaissait déjà un Conseil communal, remplacé en 1885 et jusqu’en 1915 par un Conseil général.
En 1899 est fondée la Compagnie de chemins de fer (électriques) du Jorat. Les travaux commencent l’année suivante et se terminent en novembre 1902 par l’ouverture de la ligne La Sallaz-Moudon. Entre ces deux localités se situera l’importante gare de Mézières qui emploiera jusqu’à 20 employés. En 1963, les autobus remplaceront les trams.
Le Théâtre du Jorat ou «la Grange Sublime» (nommée ainsi à cause de sa construction intégralement en bois) date de 1908. La maison de maître «La Carrée» au Village est de 1737 et la Maison de Commune de 1910. La ferme au chemin du Crêt, encore active en 1979, date de 1640, et cinq autres (en Franey, au Village, à la Crosellaz, au chemin des Troncs et Es Champs-de-Noutes) sont toutes du XVIIIe siècle. La ferme des Troncs, qui avoisine un grenier de 1641, a été transformée en 1996 en un «petit musée de Ballenberg» par l’association «Jorat-souviens-toi». Quatre maisons paysannes modifiées – sises au chemin du Crêt, au Pouriez, aux Chardouilles et au chemin du Moulin – sont également du XVIIIe siècle. Une autre maison, de 1824, était «la maison pour le régent, avec un ancien café à l’étage et dans le pré des vestiges romains». Dans trois autres enfin, l’on signale la présence de forges et d’une cordonnerie.
Montpreveyres
Déjà avant 1160 la localité connaissait l’existence d’un prieuré de moines augustins dépendant du Mont Joux (Grand-Saint-Bernard). C’était un important relais routier en direction de Moudon. Le bâtiment n’existe plus.
Les droits féodaux du prieuré passèrent, dès 1536, aux Bernois et furent rachetés en 1645 par les «communiers» de Montpreveyres. Le village comptait alors 16 fermes. Ils ont par cette opération (encore rare à l’époque) anticipé sur la loi cantonale de 1803 visant à abolir les «droits» qui ont tant marqué pendant des siècles la vie sociale des villages vaudois.
L’ancienne église était déjà en ruines vers 1650 (seul le chœur servait de lieu de culte). Elle a été remplacée en 1758 par le temple, réparé en 1895 et deux autres fois. En 1576, la maison du prieur devient la cure, qui sera restaurée en 1821 et 1949. Jusqu’en 1810 Montpreveyres était une paroisse autonome qui sera absorbée en 1828 par Corcelles.
En 1639, la moitié de la population est fauchée par la peste.
Une école est mentionnée en 1694 et une deuxième sera installée dans un bâtiment de 1790 qui servait aussi d’auberge. Elle a été reconstruite en 1860.
En septembre 1802, le gouvernement helvétique en butte à une guerre civile s’est réfugié à Lausanne. C’est à Montpreveyres qu’aura lieu le tout dernier face à face armé entre ce qui restait de l’armée helvétique (déjà battue à Faoug) et l’armée bernoise; autrement dit, entre les partisans du changement et ceux de l’Ancien Régime, avant l’intervention de Bonaparte en octobre, qui imposera sa Médiation.
Le moulin du Creux est de 1525, l’Auberge du Paon de 1545 et celle de l’Ours de 1680. L’ancien moulin du Rosy (aujourd’hui habitation) a été reconstruit en 1834. Parmi les autres maisons, une à l’Allamand de 1619, modifiée en 1722 et deux de 1784 et 1786 au Clos-Devant. En 1725, on mentionne un logis à l’«Ecu de France».
Du côté des maisons paysannes signalons huit maisons construites entre 1732 et 1785 (entre autres Aux Chênes, Au Village, Au Carroz, Aux Bossons et au Praz-Paris). L’Auberge communale est de 1840.
L’isolement du village, relatif mais réel, a pratiquement disparu à partir de 1902 grâce à la ligne de transports publics Lausanne-Moudon.
Dans son «Journal», le pasteur François Jordan (1639-1652) raconte qu’il fut appelé plusieurs fois pour «consoler» des sorcières et sorciers condamnés à être décapités puis brûlés.