Les deux livres du balayeur de rue et écrivain fribourgeois !
Une belle leçon d’humanité
Pierre Jeanneret | Qui n’a pas entendu ces fortes paroles « si tu ne travailles pas mieux à l’école, tu finiras balayeur de rue » ?… Et pourtant Michel Simonet, qui appartient à la corporation des cantonniers, donne ses lettres de noblesse à ce métier trop souvent méprisé. Son premier livre à la couverture orange qui est celle de l’uniforme des cantonniers, Une rose et un balai, a fait un tabac.
L’ouvrage rend hommage à cette profession peu valorisée, qui est cependant d’une évidente utilité publique. Au passage, l’auteur déplore, sans vraiment dénoncer car c’est un philosophe, la multiplication des incivilités : trottoirs jonchés de mégots, flaques de vomi au lendemain d’agapes trop arrosées, crottes de chien négligemment abandonnées sur le trottoir, et j’en passe… Un métier ingrat, toujours pénible, et pourtant que Michel Simonet a librement choisi il y a des décennies, après avoir travaillé dans un bureau. Il a conscience d’appartenir au « quart-monde ouvrier ». Mais son livre constitue aussi une réflexion sur l’homme, la société, la notion de « réussite sociale ». Animé d’une foi catholique profonde, l’auteur voit quelque parenté entre son métier et la vie monacale, ne serait-ce que le lever très matinal. Une profession qui lui a fait aimer les quartiers de Fribourg, bien évoqués, et qui lui a offert d’innombrables contacts humains. Michel Simonet est d’ailleurs devenu une figure très populaire dans sa ville !
De surcroît, il écrit dans une langue magnifique, avec une virtuosité éblouissante, qui le fait parfois un peu tomber dans la préciosité. Il aime les mots rares (« philoxène », « infusion tiliacée », « oblative », « congruente », etc.), les jeux de mots, le langage poétique. Car Michel Simonet n’est pas un balayeur de rue ordinaire : il a fréquenté le collège Saint-Michel, où il a appris le latin et acquis une solide culture classique, qu’il conjugue avec son travail manuel.
Son second opus, Un couple et sept coufins, relate un autre choix, assumé en symbiose totale avec son épouse, celui d’avoir sept enfants. Et de les élever avec un salaire très modeste, mais en leur insufflant des valeurs authentiques. Qu’on ne s’y méprenne pas: ce livre n’est nullement un pamphlet catholique hostile au contrôle des naissances ! Il témoigne, répétons-le, d’un libre choix, que l’auteur ne cherche nullement à imposer aux autres couples. A propos de couple, Michel Simonet a une expression très juste : « Alliance n’est pas alliage. Osmose n’est pas fusion ». Son ouvrage est aussi une réflexion profonde, mais exprimée avec beaucoup d’humour, sur le difficile métier de parent. Jamais au bout de surprises, on apprend que l’homme pratique le chant liturgique de rite byzantin !
En bref, lire Michel Simonet, c’est d’abord changer son regard sur un métier parfois injustement méprisé. Et surtout s’imprégner de vraies valeurs, qui ne reposent ni sur le fric, ni sur les belles voitures ou la villa-piscine, mais sur de riches qualités humaines.