Le peintre Louis Rivier, amoureux de la Renaissance et des montagnes suisses
Espace Graffenried à Aigle, du mercredi au dimanche, jusqu’au 5 mars 2023

Si vous passez par Aigle, allez jeter un coup d’œil à l’exposition consacrée au Vaudois Louis Rivier (1885-1963), dans le bel Espace Graffenried. Disons-le franchement: cet artiste n’était pas un grand peintre qui restera dans l’histoire, mais un « petit maître », néanmoins doté d’évidentes qualités techniques. Depuis sa jeunesse, il fut éperdu d’admiration pour la Renaissance italienne et flamande. Si bien qu’on peut voir à Aigle des tableaux religieux directement inspirés par Botticelli ou Raphaël! Son œuvre a donc quelque chose de résolument passéiste, tout comme les fresques de l’Aula de Rumine qu’il réalisa, entre autres travaux publics. Louis Rivier fut d’ailleurs passablement moqué par les critiques de son temps. Il réalisa aussi en 1934-35, pour la maison Nestlé, des planches publicitaires, un travail « alimentaire » au double sens du terme, représentant par exemple une Vierge de Raphaël… donnant le biberon au Divin Enfant. Passons aussi rapidement sur une œuvre symboliste, L’éveil à la poésie (1912), dans la ligne de Puvis de Chavannes et de Ferdinand Hodler, qui plaisait beaucoup à l’époque.
Il fut un portraitiste de talent, choisissant ses sujets parmi des personnes de la « bonne société » vaudoise, à laquelle la famille Rivier était liée par des mariages. Ses personnages se détachent sur des fonds de paysages, qui eux aussi rappellent ceux des maîtres de la Renaissance. On remarquera deux portraits un peu inattendus, ceux de Gottlieb Duttweiler, le célèbre fondateur de la Migros, et de son épouse Adèle. Sur le plan strictement pictural, l’artiste passa de la peinture à l’huile à la détrempe (technique très ancienne à base de jaune d’œuf pour lier les pigments), et inventa même un procédé spécial, composé de crayons de couleur, de craies, de diluants et de gomme.
Mais ce qu’il y a de meilleur chez Louis Rivier, ce sont incontestablement ses paysages panoramiques de montagnes. Protestant très pieux, il traduit à travers eux la présence du sacré. Sa touche est là plus audacieuse, proche du pointillisme et fait penser aux toiles de Segantini et de Giovanni Giacometti. Il aimait la nature et savait la représenter avec bonheur. Le tableau que nous avons préféré est une petite toile intitulée Campagne au printemps (1924), où Rivier s’est libéré de la pesante influence de cette Renaissance qu’il vénérait. Voilà donc un peintre dont l’œuvre séduit par moments, mais qui s’est tenu totalement à l’écart de la modernité.
« Louis Rivier. Derrière le paysage », Espace Graffenried, Aigle
Du mercredi au dimanche jusqu’au 5 mars 2023 (entrée libre)
