Le nouveau 3e âge risque bien de devenir l’avenir de notre pays ?
Le nombre de personnes âgées augmente chaque année en Suisse
Gérard Bourquenoud | L’Office fédéral de la statistique renseigne sur la répartition de la population résidente selon le sexe, l’origine, la confession et la langue maternelle. Il nous indique entre autres que le nombre de personnes âgées augmente chaque année en Suisse, comme dans de nombreux pays, alors que l’effectif de l’agriculture diminue. Arrêtons-nous donc quelques instants sur le problème du troisième âge dont l’espérance de vie s’allonge chez les hommes, même si les femmes gardent une longueur d’avance. On vit plus et on vieillit mieux. L’outil humain demeure en parfait état mental et physique presque jusqu’au bout, quand on ne meurt pas guéri ou en excellente santé. Ainsi, la retraite vécue naguère comme un palier de repos avant la mort, sécrète à l’heure actuelle sa propre angoisse: «Oui, je l’ai bien méritée, mais pas si tôt, que vais-je faire de tout ce temps?», me disait un jour un Vaudois qui accomplissait son dernier jour de travail dans une entreprise. Et pourtant la retraite peut être animée de belles activités bénévoles ou même rémunérées modestement. Il y a les voyages qui apaisent les fourmis dans les jambes, les promenades dans la nature en compagnie d’un chien, la pétanque, le vélo et j’en passe. Les thérapeutes préconisent l’artisanat, le bricolage, le jardinage, la gymnastique. Il faut reconnaître que le troisième âge, pour ne pas dire le quatrième pour certains, est une génération qui a beaucoup vécu et qui n’est pas pour autant résignée. Elle brûle de réaliser enfin tout ce dont elle a été empêchée lorsqu’elle était prisonnière de son travail et de ses devoirs de parents. Elle a cependant ce don, refusé aux plus jeunes, de relativiser les choses et de les mettre en perspective. Et que voit-elle? La jeunesse est, à peu près, l’âge de l’apprentissage de la vie et de l’acquisition des connaissances, tandis que la période adulte et du travail est celui de la restitution de l’expérience professionnelle et culturelle à la société, celui aussi de l’épanouissement de la créativité personnelle et de la préparation à un quatrième âge plus digne et serein. Ce nouveau troisième âge prend alors une importance singulière car, de sa réussite, dépend celle de toute une vie. A cet égard, les deux premiers n’auront servi qu’à forger les outils. Le premier en formant le corps et l’esprit, l’amour et le savoir. Le second, en provisionnant savoir-faire et réflexion, tout en apportant à la société sa part de production par son travail et la création de sa famille. On est donc loin de la retraite ancienne tradition. L’obsolescence n’est pas pour demain, même si la sénescence reflue. Les personnes âgées confèrent aux jeunes générations ce qu’elles voient dans la nuit et ce qu’elles entendent dans le silence. Ce qui importe, me disait une femme de 95 ans, c’est l’essence des choses. Le quatrième âge lui-même peut être comparé à l’irradiation du soleil à travers les nuages, tel un rayonnement de la satisfaction d’avoir accompli le troisième. Tout dépend donc de ce qu’on va en faire. Ce qui est presque certain, c’est que le nouveau troisième âge risque bien de devenir l’avenir du pays.