« Le but du voyage, c’est le voyage lui-même »
365 jours, 15’000 kilomètres et tout autant de souvenirs indélébiles. Accompagnée de son meilleur ami, Chloé Vioget a parcouru l’Europe, la Thaïlande, le Japon et la Nouvelle-Zélande à vélo. De retour dans son village de Chexbres, cette ingénieure en géomatique partage ses expériences sur les routes du monde. Rencontre.
Retrouvant le confort de son appartement, la jeune habitante de Chexbres a posé ses sacoches le 23 mai dernier. Après plus d’une année à se déplacer à la force des mollets, elle récupère physiquement et mentalement avant de rejoindre un bureau de géomètre à Vevey. Tout comme son voyage à géométrie variable, Chloé Vioget et son meilleur ami Silvan ont vécu une aventure inouïe : « Voyager à vélo implique des hauts et des bas. Mais c’est grâce aux imprévus que l’on découvre les bienfaits de ce mode de déplacement ».
Sentiment de liberté
Avant de partir pour cette aventure, les deux amis, qui ont sympathisé sur les bancs de l’école d’ingénieur d’Yverdon, organisent un périple différent : « Nous projetions de voyager à pied et à bord du Transsibérien pour rejoindre la capitale chinoise depuis Moscou. Mais la pandémie en a décidé autrement », se remémore Chloé. Ils ne le savent pas encore, mais cette adaptation sera la première d’une longue série. Si cette idée tombe à l’eau en raison du Covid et à la fermeture des frontières, les deux ingénieurs se rabattent sur leur pays natal et ses cours d’eau : « Nous avons réalisé la Via-Alpina. Un itinéraire de 390 kilomètres traversant les Alpes de Vaduz à Montreux ». Avec leurs tentes accrochées à leurs sacs à dos, ces deux amoureux de nature et de grands espaces n’effectuent pas moins de 23’500 mètres de dénivelé positif en 19 jours : « Avec le recul, nous aurions dû réduire le pas, afin de mieux profiter de ces moments en pleine nature. Mais cette expérience a prouvé que nous avions besoin de nous dépenser pour voyager ».
En attendant que la situation sanitaire s’améliore, les deux amis continuent de rêver d’un voyage plus conséquent. Cependant, ils font leurs armes chacun de leur côté. En 2021, Chloé, accompagnée de son copain Yves, part de Chexbres pour descendre au sud de la France : « Nous sommes partis de Lavaux jusqu’à Marseille : « C’était épique ! », rigole la voyageuse. « J’ai adoré ce sentiment de liberté qu’offre la petite reine. Malgré le fait que mon vélo de course n’était pas du tout approprié pour les longues distances, je ne pensais plus qu’à repartir une fois rentrée ». Si son meilleur ami n’était pas de la partie, c’est pourtant lui qui influence Chloé à l’aventure cyclonomade : « Silvan me parlait des anecdotes que son père a vécues en voyageant à vélo. C’était passionnant ! ».
Faire mûrir un projet
pour en sortir grandi
On peut penser qu’il est nécessaire de tout laisser tomber pour partir une année, or ce n’est pas forcément le cas. Du moins, pas pour Chloé. Car même si la jeunesse autorise une certaine légèreté, la chexbrisienne, du haut de ses 31 ans, juge qu’il n’est pas obligatoire de tout abandonner, à l’exception de sa vie professionnelle : « J’avais besoin de sortir de ma zone de confort, de découvrir autre chose. Bref, de partir à l’aventure ». Après quelques discussions avec Yves, son compagnon, Chloé part en mai 2022 : « Cela n’a pas été facile pour lui non plus. Mais j’avais besoin de ce voyage pour apprendre à me connaître. Et ça, Yves l’a compris ».
Avant de rejoindre l’Asie, les deux aventuriers décident d’engager le pas par l’Europe : « Nous avons commencé par la Loire. Cette région de France est plate et il y a des campings partout. Parfait pour les novices que nous étions ». Une fois avoir longé le plus long fleuve s’écoulant en France, ils prennent la direction de la Bretagne. Leur plan est assez simple, aller au point le plus au nord du continent : le Cap Nord. Après la traversée de la mer celte, place à l’Irlande : « C’est à ce moment-là que les difficultés ont commencé. Dénivelés, vents, pluies, tant d’éléments auxquels nous avons dû faire face. Sans parler des routes qui sont truffées d’irrégularités et d’automobilistes pressés ». Malgré ces inconvénients, les cyclonomades découvrent la beauté de l’île d’émeraude : « Quelle sensation incroyable de se retrouver entouré des paysages irlandais ».
Une fois en Irlande du Nord, ils embarquent pour l’Ecosse. Un pays qui ne les laissera pas indifférents, entre la beauté des paysages et un épisode grippal dû aux pluies insistantes. En visionnant les prévisions météorologiques norvégiennes, les deux voyageurs décident de changer de direction.
Cap au sud
Après ces expériences anglo-saxonnes, Chloé et Silvan atteignent les Pays-Bas avant de descendre en Allemagne : « Nous voulions retrouver un climat plus sec. Quoi de mieux que de longer le Danube jusqu’à Budapest ». Voilà déjà quatre mois qu’ils sillonnent les routes d’Europe. Arrivé à Vienne en août 2022, le papa de Silvan les accompagnera durant trois semaines jusqu’à la capitale hongroise. « Au début de notre voyage, il y avait comme une urgence d’avancer, comme si une année n’était pas suffisante. Mais après Budapest, certaines questions restent en suspens : « Pourquoi avancer sans se faire plaisir ? C’est à ce moment-là que nous avons trouvé le but de notre périple ainsi que notre raison de vivre. Ce n’est pas la destination qui importe, mais le trajet pour l’atteindre. Le but du voyage, c’est le voyage lui-même ». Dès leur arrivée en Slovénie, les deux cyclistes changent de formule. Ils lèvent le pied et profitent de faire des randonnées pédestres dans les alpes slovènes.
Après la Croatie et l’Italie, Chloé et Silvan rentrent en Suisse pour les vacances d’octobre. Trois semaines de pause dans leur famille respective pour recharger les batteries. Mais afin de ne pas couper court leur périple, ils prennent un billet d’avion pour la Thaïlande avant de rentrer en Suisse : « Autrement, nous ne serions peut-être jamais repartis ».
Choc culturel
Les cyclistes repartent en selle le 8 novembre : « C’était un vrai choc culturel ! Il faisait chaud, des véhicules grouillaient de partout, sans parler des chiens errants qui en voulaient à nos mollets ». Malgré le dépaysement, les deux cyclonomades ont adoré la Thaïlande. « La population, la nourriture, nous y avons fait de très belles rencontres. Je suis d’ailleurs toujours en contact avec une habitante de Koh Lanta ».
L’épisode thaïlandais, les deux amis le quitte au lendemain de Noël : « Après 56 jours passés dans ce pays, nous avons pris l’avion pour la Nouvelle-Zélande le 26 décembre 2022 ». Arrivé à Auckland, Yves, le copain de Chloé se joint à l’aventure : « Nous avons adoré traverser ces deux îles ». Pistes cyclables partout, paysages somptueux, nature préservée de traces humaines, population accueillante, tant d’éléments donnant même des envies à Silvan, puisque l’idée de refaire sa vie dans ce pays traverse l’esprit du Jurassien.
Après trois mois passés au pays des Maoris, Chloé et Silvan s’envolent pour Tokyo, laissant Yves rejoindre la Suisse et son village de Chexbres. L’étape au pays du soleil levant sera la dernière pour les deux nomades. « A chaque fois que l’on change de pays, il faut se réadapter à la culture locale. Les Japonais sont très différents des Néo-Zélandais ». Arrivés en mars dernier, les aventuriers rencontrent la pluie et le froid durant la première semaine. La météo tourne en leur faveur par la suite, et ils découvrent un pays incroyable. La nature omniprésente, les rencontres généreuses avec les autochtones ainsi qu’une nourriture délicieuse leur laisseront un magnifique souvenir du Japon.
Au terme d’un périple riche en efforts physiques et en découvertes, Chloé et Silvan achèvent leur voyage d’une année en mai dernier. Une expérience qui leur aura permis une ouverture d’esprit et qui leur aura appris à s’émerveiller des petits plaisirs de la vie, en apprenant à se dépasser et gagner confiance en soi.