Le biologiste des bisons vaudois
Oron-la-Ville / Suchy
Thomas Cramatte | Cinq bisons venus de Pologne ont rejoint la forêt de Suchy dans le cadre d’un projet de sauvegarde. Derrière cette cellule de conservation génétique se cache un biologiste établi à Oron-la-Ville, Alain Maibach, qui a persévéré 13 longues années avant de voir arriver les mammifères en terre vaudoise. En semi-liberté, il s’agit d’une première suisse.
Bison d’Europe
Moins connu que son homologue américain, le bison d’Europe peuplait autrefois nos forêts. Ce bovidé a bien failli être exterminé par la chasse au début du 20e siècle, les derniers spécimens sauvages furent abattus dans les années 1920. Ce mammifère peuplait les forêts de France, d’Allemagne, de Suisse, de Roumanie, de Biélorussie et de Pologne. La Pologne fut le dernier pays où l’on pouvait trouver des bisons à l’état sauvage. Vers la fin des années 1920, il n’en restait que 54 : 25 femelles et 29 mâles vivant en captivité dans des zoos. Aujourd’hui, on compte un peu plus de 7000 bisons d’Europe. Principalement à l’Est, dans les grandes forêts de Pologne et de Biélorussie. Toujours menacé et sensible aux maladies bovines, principalement liées à la consanguinité, le bison reste fragile. L’association « Bisons d’Europe » de la forêt de Suchy est ce que l’on appelle une cellule de conservation génétique. Son rôle premier étant de pérenniser l’espèce en délocalisant les bisons pour qu’ils se reproduisent sous contrôle génétique et vétérinaire afin d’éviter les maladies. « Le service vétérinaire impose la réalisation d’un certain nombre de tests sur les maladies touchant les bovins. Comme la maladie de la langue bleue, fièvre aphteuse ou encore tuberculose bovine », nous explique Alain Maibach. Plus étroit que son cousin américain, le bison d’Europe est également plus gracieux et ne présente pas d’angle au niveau de son encolure. « On ne les entend pas toujours arriver lorsque l’on se trouve dans le parc », mentionne le gardien d’animaux en charge du parc, Kevin Mercier.
En semi-liberté
Les quatre femelles et le mâle sélectionnés pour rejoindre les contrées suisses sont arrivés début novembre 2019. « Afin d’éviter toutes les maladies qui pourraient se transmettre par les autres animaux sauvages, les bisons ont uniquement accès à deux enclos de quarantaine », précise le biologiste, Alain Maibach. Ces enclos sont grillagés du sol jusqu’à environ un mètre huitante. Une fois la quarantaine levée, le grillage sera mis en hauteur afin de permettre aux animaux sauvages comme le renard et le chevreuil de cohabiter avec le bison. De plus, les parcs présenteront une surface agrandie à environ 50 hectares chacun. « Le but est de pouvoir varier la qualité du fourrage et les dégâts occasionnés par les bovins », précise Alain Maibach. Située en plein centre du canton de Vaud, la forêt de Suchy, de par sa taille, permettrait d’accueillir plus d’une vingtaine de bisons.
Il ne s’agit pas d’un parc zoologique
Alain Maibach compare la forêt de Suchy à un hôtel, dont les clients seraient les bisons. « Les bisons ne nous appartiennent pas, ils font partie de la collectivité mondiale. S’ils se reproduisent, les petits seront exportés après décision dans une autre cellule de conservation possédant la même lignée génétique », explique le biologiste. Il tient à rappeler qu’il ne s’agit pas d’un parc zoologique, aucune infrastructure ne permettra d’approcher ou de mieux voir les bisons. Cependant, ils sont facilement observables pour tout amoureux du monde animal. 13 ans de procédure. Ce projet de longue haleine a été initié par Michel Mercier, père de Kevin Mercier et ami d’Alain Maibach. Entre autorisations cantonales et accords de la Confédération, de nombreuses procédures ont été nécessaires. Venant de Pologne, les cinq mammifères ont réalisé 26 heures de transport par camion avant de toucher le sol vaudois. « Rien que pour le jour de transport, il a fallu préciser aux douaniers qu’on n’importait pas les animaux pour les manger ou en faire du commerce » rigole Alain Maibach. Alain Maibach et son équipe sont porteurs de plusieurs projets aux alentours d’Oron-la-Ville. Comme par exemple la protection des batraciens à La Rogivue ou la revitalisation de cours d’eau régionaux.
Bio
1960 Naissance
1993 Alain Maibach est certifié biologiste ès science. Il épouse par la suite une fille d’Oron-la-Ville avant de s’installer dans la maison familiale
1997 Il fonde A. Maibach Sàrl, son bureau d’étude, spécialisé dans l’analyse et la gestion d’enjeux naturels et paysagers
1989 Naissance de son premier enfant. L’année suivante viendra son deuxième enfant avant d’en voir deux autres agrandir la famille en 1993 et 1996
1994 Départ en famille pour l’Angleterre. Il ira y étudier les syrphes dans les forêts de Nottingham pour effectuer un post doctorat d’une année
1989 – 2016 Il devient conseiller communal à Oron
2019 Création du parc à bisons dans la forêt de Suchy.