Lavaux – Vendanges 2021 : une récolte frugale, mais une qualité prometteuse
Georges Pop | Les vendanges ont commencé la semaine dernière et les craintes se confirment : une météo capricieuse a abimé le vignoble qui a été attaqué, de surcroit, par le mildiou, Quantitativement, la récolte sera faible. Petite consolation pour les vignerons de la région: la qualité s’annonce très bonne, voire excellente selon les endroits. Personne n’a été épargné, comme en témoignent les quatre vignerons que notre rédaction a pu joindre, en plein travail. Tous sont résignés, mais affichent, malgré tout, un vrai sourire empreint d’optimisme. Les caprices de la nature n’ont guère entamé la bonne humeur de Pascal Dance, à Aran. Le domaine, qu’il partage avec son épouse Cécile, comprend 4 hectares de vignes, réparties sur 21 parcelles. Aucune n’a été épargnée par les assaut conjugués du gel de printemps, de la grêle, des précipitations et du mildiou, ce champignon ravageur, cauchemar des maraîchers et des viticulteurs, qui se propage très facilement par temps humide. « Sur certaines parcelles, la récolte sera trois à quatre fois inférieure à celle d’une année ordinaire, pour le rouge notamment. D’autres ont été relativement épargnées », constate-t-il avant d’ajouter : « Mais ce qui reste nous promet une qualité magnifique. Je me réjouis de vinifier ce millésime ». Le couple craint-il un embarras financier ? Pascal Dance répond sans l’ombre d’une hésitation : « Non, car depuis plusieurs années, mon épouse et moi avons privilégié la vente directe. Notre chasselas Les Echelettes est l’un de nos produits phares. Il marche très bien ! De plus, les assurances vont nous indemniser pour les dégâts subis par la grêle. Je ne suis pas inquiet ».
Un marché du vin fortement impacté
« Il est certain que le marché du vin sera fortement perturbé. La vente directe mise à part, il sera impossible, cette année, de répondre à la demande de la grande distribution, ou même des commerces plus modestes », souligne, de son côté, Betrand Dufflon du domaine de Crétaz, à Grandvaux, dont « l’Etoile de Grandvaux », un chasselas aux saveurs fruitées, figure parmi les vins les plus appréciés. Depuis trois générations, la famille Dufflon exploite 3 hectares, dont les parcelles sont réparties entre la commune de Bourg-en-Lavaux, et les villages de Grandvaux, Cully, Aran-Villette, ainsi que sur la commune de Lutry. Ici encore, sur certains lopins, la perte est estimée à plus ou moins 50%. Ce sont les rouges qui ont le plus souffert. « Mais tout n’est pas négatif », souligne Betrand Dufflon qui voit dans le raisin rescapé « la promesse d’un excellent millésime ». Le son de cloche n’est guère différent du côté d’Emmanuel Hug. Lui prend soin, parmi d’autres, du domaine communal de Corcelles-le-Jorat qui occupe une surface de deux hectares, composée de 12 parchets autour des villages de Villette et Grandvaux. Il évoque ce même cocktail dévastateur de gel, de grêle, de surabondance de pluie et de mildiou. « Peut-être aurions-nous du traiter davantage, mais bon… », lâche-t-il, songeur.
Des sondages très rassurants
Le compte-rendu d’Emmanuel Hug est comparable à celui de ses pairs : les rouges, les spécialités et, dans une mesure peut-être moindre, les blancs, en ont pris un sacré coup. Mais la qualité pourrait sauver l’année. « Nous avons déjà procédé à certains sondages et le chasselas grimpe parfois jusqu’à cent degrés Oechlse. C’est vraiment excellent. Les autres cépages ont aussi donné de très bon résultats ». Il n’en demeure pas moins, selon lui, que le marché du vin sera fortement impacté par la frugalité de la récolte. Ancien pompier, Alain Ruchonnet, à Saint-Saphorin, est bien connu des soldats du feu de la région car, outre son chasselas grand cru« Château de Glérolles », il propose des bouteilles étiquetées« Réserve du 118 ». Il montre aussi à ses visiteurs une rare collection de quelque 700 casques de pompier, collectés dans le monde entier. Depuis peu, parmi ses spécialités, figure un Gewürztraminer, en quantité - il est vrai - très limitée. Les aléas météorologiques l’ont quelque peu épargné. Les vignes situées à proximité du vénérable château ont certes été un peu abimées par la grêle, mais assez peu par le mildiou. Le maître des lieux estime la perte à quelque 20%. « La qualité s’annonce excellente, notamment pour le chasselas. Quant au Gewürztraminer, il n’a pratiquement pas été affecté. Heureusement car les quantités sont très modestes », relève-t-il, sereinement. Malmenés par la nature qui s’est arrangée, malgré tout, pour épargner la bonne tenue du millésime 2021, les vignerons de la région n’en gardent pas moins leur immuable sens de l’hospitalité. Dans tous les domaines, les visiteurs sont attendus avec le sourire, pour goûter aux fruits du travail de nos ouvriers du vin, dans un si bel environnement qu’il fait la fierté de tous.
Saint-Saphorin
Oron
Convivialité, partage, mais aussi grande émotion
Vendange du Clos d’Oron à Corsier-sur-Vevey
La petite histoire du Clos d’Oron
Michel Dentan | Philippe Modoux nous a conté l’histoire de ce coin de vignoble acquis par la commune qu’il dirige et nous relatons ci-après ses propos. Des recherches effectuées dans les archives ont permis de retrouver un acte de donation de la Famille de Blonay, datant du 11e siècle, qui offrait les vignes, allant de Vevey à Saint-Saphorin, au seigneur d’Oron. Par la suite, les baillis bernois, alors administrateurs du Pays de Vaud, ont cadastré vers le 16e ou le 17e siècle, leur territoire et attribué le nom de « Clos d’Oron » à cette parcelle qui faisait alors partie intégrante du Château d’Oron. Lorsque les Bernois sont partis, ils ont laissé le château, qui était en ruines et conservé les vignes qui produisaient et rapportaient. Le domaine est ensuite devenu propriété, il y a une quarantaine d’années, de la famille Herbert Riem, domiciliée à Kiesen, dans le canton de Berne. Lors de la constitution du nouveau district de Lavaux-Oron, la Municipalité a songé à créer des bouteilles de vin avec une étiquette intitulée Clos d’Oron. Et c’est ainsi que le choix s’est porté sur ce vignoble dont la commune a fait l’acquisition en 2009. A l’époque, c’était déjà Olivier Paley, vigneron-tâcheron, qui s’occupait de la vigne, jusqu’au moment où les camions de Riem venaient chercher le raisin à maturité pour le traiter dans le canton de Berne. Après quelques années, la Municipalité a songé qu’il serait préférable de ne pas laisser ces beaux raisins quitter notre région et de les vinifier sur place. Et c’est ainsi qu’une partie était traitée par Jean-Philippe Mayor, à Vevey, tandis qu’une autre l’était par Pascal Fonjallaz, à Epesses, qui se chargeait de la vinification. De son côté, c’est toujours Olivier Paley qui prenait soin de la vigne, comme il l’a maintenant fait depuis 40 ans. A la suite des départs à la retraite des deux derniers nommés, ces tâches vont être attribuées, pour les prochaines années, à d’autres vignerons. Nul doute que la qualité de ces nectars continuera à être honorée de prix et distinctions.
Oron-le-Châtel
Récolte du Solaris
La récolte des superbes grappes de blanc a été vite faite
Alain Bettex | A mi-hauteur de la route qui borde le château d’Oron, les murs des jardins ont été complètement refaits; les travaux se sont terminés en 2009. Mais que faire de cette surface libérée entre ces murs ? C’est alors qu’un des amis du château, Alain Chollet vigneron, a proposé d’y planter de la vigne. Mais on ne plante pas des vignes comme cela dans ce canton ! Pour le Service des monuments historiques, il semble qu’il y avait de la vigne au XVIII siècle. Le canton et la commune d’Oron-le-Châtel ont aussi donné leurs accords en 2010. Si tôt dit, si tôt fait, des jeunes pousses donnant du vin blanc ont été plantées sous les ordres du vigneron. La semaine dernière, André Locher, président de l’Association pour la conservation du château d’Oron (ACCO), a eu la bonne idée de nous convier aux vendanges. Pour être franc, la récolte des superbes grappes de blanc était vite faite. Il fallait venir à l’heure. Après 30 minutes, la vendange était terminée sous la grande façade de l’imposant château qui l’abrite de la bise et lui restitue sa chaleur. Pour information, la récolte ne donne par année qu’environ 200 bouteilles de vin blanc et autant de rouge. Mais qu’à cela ne tienne, la petite quinzaine de vendangeurs, tous bénévoles, ont fait les choses très sérieusement. On ne parle pas de la récolte valaisanne de Farinet où l’original est multiplié par le facteur de vente. Ici, au château, tout est authentique. Il n’est pas question d’augmenter le nombre de bouteilles en fonction des ventes. Si on produit aussi peu de vin, c’est que la vigne n’en donne pas plus. Pour preuve, juste après la récolte, le raisin a été égrappé et versé dans un petit pressoir. Le moût sortant est précieu- sement récolté et envoyé tout de suite au Domaine du Daley pour en faire un tonneau spécifique qui n’est pas mélangé à d’autres récoltes. C’est ensuite le travail d’Alain Chollet qui le bichonne tout l’hiver pour en faire le produit fini et la mise en bouteille. Le cépage blanc est le Solaris et le rouge le Divico, spécialement développé par l’Agroscope de Changin (RAC) juste avant la plantation. Ce sont des cépages qui résistent aux maladie, exempts de produits chimiques. Les amis du château insistent pour que le produit fini soit bio. Pour le rouge, la récolte se fera une ou deux semaines après celle du blanc. Le 16 novembre 2018, la Confrérie vigneronne du château d’Oron a été créée. Ses membres s’engagent à garantir la gestion et l’entretien du vignoble, à développer la camaraderie, organisent des ateliers. Ses buts sont assumés par la vente de vin du Château et grâce à l’aide bénévole, sollicitée ou spontanée tout au long de l’année en fonction du calendrier, établi par le vigneron. Le château d’Oron appartient à l’ACCO qui en est seul responsable. Bien entendu, le financement est le nerf de la guerre et l’épidémie récente n’a pas amélioré les choses. En 2020, les presque 900 membres de l’ACCO ont assuré 40% du financement du château. L’apport de la vente de bouteilles de vin, s’il n’est pas négligeable ne permet pas de faire des folies.
On peut se procurer des renseignements supplémentaires sur : http://www.swisscastles.ch/Vaud/Oron/vigne.html