L’artiste Olivier Saudan et son atelier
Grande exposition au Musée Alexis Forel, à Morges, jusqu’au 4 décembre
Si vous ne connaissez pas le magnifique bâtiment que le musée renferme, c’est l’occasion de découvrir cet édifice Renaissance datant de la deuxième moitié du 16e siècle, avec sa galerie à l’italienne! Habituellement, il contient des souvenirs du vieux Morges, ainsi qu’une inattendue collection d’icônes.
Mais venons-en à l’exposition elle-même. L’artiste affectionne les formats monumentaux. Le visiteur est donc accueilli par une série de grandes toiles. L’une représente la tête d’un squelette, avec des coulures de peinture. Elle nous confronte directement à la mort, l’un des thèmes récurrents d’Olivier Saudan. Né en 1957, l’artiste d’origine valaisanne a longtemps habité Morges, qui lui rend ici un juste hommage. Car il est l’un des artistes les plus doués et les plus prolifiques de sa génération.
Paradoxalement, vu la présence de sujets parfois macabres (crânes, croix), peut-être liés au catholicisme qui aurait imprégné son enfance, il y a quelque chose de jubilatoire dans son geste pictural, souvent proche de celui des expressionnistes. Il affectionne surtout le noir-blanc, avec toutes les nuances intermédiaires de gris. Sans négliger les couleurs, volontairement agressives. On est à la jonction entre l’art figuratif et l’art abstrait. Saudan aime donc s’inspirer d’objets et de meubles «banals» appartenant à notre quotidien – sacs à main de dames, chaises, bouteilles et autres – dont il répète les motifs, et qui reviennent dans son œuvre de manière quasi obsessionnelle, mais sans jamais lasser le regard. Selon lui, « le peintre doit être une sorte de fou. Einstein dit que la folie, c’est refaire toujours la même chose en espérant des résultats différents ». Il joue aussi sur la juxtaposition de petits tableaux collés sur un fond. Quant aux supports de ses tableaux, ce sont souvent des toiles de bâches, dont il laisse voir la texture. Il s’inspire des anciens avec ses natures mortes – un thème de prédilection des artistes hollandais – dont certaines rappellent aussi Picasso, ou Soutine avec ses bœufs écorchés. Il y a à la fois du respect et de l’humour dans ses emprunts ou références à la grande tradition picturale.
L’exposition est habilement conçue comme un atelier que l’on visiterait, avec son atmosphère un peu « désordre ». L’absence de titres pour les toiles de Saudan laisse libre cours à notre imagination. Si bien que chacun et chacune peut les interpréter à sa guise. Les remarques que nous faisons ici sont donc forcément subjectives… et peut-être erronées. On appréciera aussi ses peintures et dessins de montagnes, plus classiques. Enfin, on ne manquera pas, au terme de ce parcours qui nous mène de salle en salle, de visionner la vidéo créée par l’artiste, à base de photos, de tableaux, d’images de voyages (notamment en Islande), avec la répétition d’images d’une route enneigée sans fin. Peut-être illustre-t-elle le cheminement pictural d’Olivier Saudan ? Même le profane appréciera cette œuvre assez envoûtante (qualité rare dans l’art contemporain), où se marient un solide métier et une grande inventivité.
« Olivier Saudan. Que la fête commence ! »
Musée Alexis Forel, Grand-Rue 54, Morges, Jusqu’au 4 décembre 2022, mer-dim, 14h-18h